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SIMON PAMPENA : C'est époustouflant.
J'ai appris ça à l'université, l'existence des
nombres transcendants.
Et leur nom m'a directement fait rêver.
Parce que je me suis dit : « Transcendant ! »
Tu sais, c'est une période dans la vie où l'on est vraiment intéressé
à des expériences de hors-corps et d'autres trucs du genre.
Mais seulement l'idée que les mathématiciens donnaient
ce nom à des nombres... Des nombres
qu'on connaît bien.
Comme pi, on peut l'écrire en écriture décimale.
On n'a jamais sa valeur exacte, mais c'est quand même un nombre
qu'on connaît bien.
Qui a cette caractéristique qu'on ne connaissait pas.
Alors, nous allons jouer à un jeu, et nous allos essayer
de comprendre les nombres transcendants par ce jeu.
Le jeu s'appelle « Réduire des nombre jusqu'à zéro »
C'est ce qu'on veut faire.
Les règles sont qu'on ne peut utiliser que des nombres entiers,
et on peut additionner, soustraire, multiplier et élever le tout
à une puissance quelconque, mais ce doit impérativement
être un nombre entier.
Alors, jouons à ce jeu.
Dis, à tu un nombre préféré ?
BRADY HARAN : J'aime bien le nombre 10.
SIMON PAMPENA : 10 ?
BRADY HARAN : Oui, mais il semble peut-être trop facile.
SIMON PAMPENA : C'est le cas.
Mais ce n'est pas grave.
Tu parles de 10 en base-10 ?
BRADY HARAN : 10 en base-10.
SIMON PAMPENA : Oui, d'accord.
Alors 10 en base-10.
Allons-y.
Commençons le jeu.
Nous voulons réduire ceci à 0, alors la première chose que nous
pouvons faire est multiplier par 0.
Mais on peut faire ça avec n'importe quel nombre, parce que tout nombre
multiplié par 0 est égale à...
BRADY HARAN : 0.
SIMON PAMPENA : Voilà.
On peut faire ça, mais ce n'est pas vraiment intéressant.
Mais ce qui est intéressant, si nous essayons de suivre les règles,
nous pouvons nous demander : « Qu'est-ce qui arrive
si nous soustrayons 10 ? »
Nous avons fini.
Alors voilà.
Ça semble un peu trivial, mais en fait,
c'est un bon début.
Nous avons utilisé un nombre entier et l'opération « Soustraire ».
Et si nous tentions autre chose ?
3/4 par exemple ?
Tout d'abord, multiplions le tout par 4.
Ceux-là vont s'annuler.
Nous obtenons 3.
Maintenant nous pouvons soustraire 3 et obtenir 0.
Excellent.
Et si nous tentions quelque chose un peu plus fou ?
Que donnerait un nombre vraiment fou ?
La racine carrée de 2 par exemple ?
Je crois que vous connaissez un peu la racine de 2.
BRADY HARAN : Oui.
Elle est irrationnelle, n'est-ce pas ?
SIMON PAMPENA : C'est un nombre irrationnel, et
irrationnel veut dire qu'il ne peut pas s'écrire sous la forme d'une fraction.
Alors, la racine carrée de 2 est une sorte de nombre bizarre,
comme cette petite chose-ci. Je dis souvent que cette chose
est comme une petite phrase
qui dit : « Quel nombre multiplié par soi-même te donne
ce nombre ? »
C'est ma manière d'interpréter le signe de la racine carrée.
Je ne sais pas quel nombre multiplié par soi-même
me donne 2, mais ce n'est pas grave.
Ce que nous allons faire, c'est d'essayer de réduire
celui-ci à 0, d'accord ?
Tout d'abord, nous devons...
BRADY HARAN : D'accord, je pense que je peux le faire.
SIMON PAMENA : Alors, dis-le-moi.
BRADY HARAN : Je pense que si j'élève ça à une puissance...
SIMON PAMPENA : Oui.
Quelle puissance ?
BRADY HARAN : Élevons-le à la puissance 2 ?
SIMON PAMPENA : Correct, alors
c'est multiplier par soi-même.
Et qu'est-ce que tu obtiens au milieu ?
BRADY HARAN : Je pari que ça donne 2.
SIMON PAMPENA : C'est exact.
Alors, maintent que tu as 2 ici, qu'est-ce que tu vas faire ?
BRADY HARAN : Soustraire 2.
SIMON PAMPENA : Oui !
Alors, voyons.
Tu viens de prendre un nombre irrationnel,
et avec ce jeu tu l'as réduit à 0.
Essayons la racine carrée de moins-1 ?
Nous sommes passés des nombres que tu connais et aimes,
aux fractions et puis aux irrationnels.
Ce sont des nombres irrationnels.
Maintenant nous allons aborder ce qu'on appelle les complexes,
ou imaginaires, selon certaines gens, ce qui est un nom horrible pour ça.
Alors, qu'est-ce que tu peux faire à celui-ci pour essayer de
le réduire à 0 ?
BRADY HARAN : Je vais juste calculer le carré et additionner 1.
SIMON PAMPENA : Voilà.
Tu es un bon élève.
Alors voilà.
Nous étions capables de jouer à ce jeu, prenant trois ou quatre
genres de nombre bien différents, des genres spéciaux.
Et si nous tentions autre chose ?
Par exemple la racine carrée de 2 plus la racine carrée de 3 ?
Qu'est-ce que nous pouvons faire ?
Voyons.
La racine carrée de 2 plus la racine carrée de 3.
Nous calculons son carré.
D'accord, c'est des mathématiques du niveau école secondaire.
2... plus 2 fois ceci par ceci, ce qui est 2 racine de 2
fois racine de 3... plus ceci au carré,
ce qui est 3.
Nous pouvons réduire ceci à 5 plus 2 fois racine de 2 fois
racine de 3.
Voilà, ce que nous avons fait.
Nous avons fait ceci, mais regarde ce que ça nous donne.
Un nombre que nous pouvons utiliser, un nombre entier.
Ce que nous allons faire de ce côté, nous faisons 5 plus 2 fois
racine de 2 fois racine de 3 et maintenant
nous soustrayons 5.
Et nous obtenons 2 fois racine de 2 fois
racine de 3.
Ce qui est bien, parce qu'il n'y a pas
de signe plus au milieu.
Qu'est-ce nous pouvons faire après ?
Nous pouvons calculer le carré de tout ça.
Alors 2 au carré égale 4, et la racine de 2 au carré égale 2,
et la racine de 3 au carré est égale à 3.
Ce petit point-ci est une autre forme d'écrire « multiplié par ».
Et nous obtenons 2 fois 4 égale 8,
8 fois 3 égale 24, fini.
Il nous reste à soustraire 24 et nous avons réduit à 0.
Ce que je voulais te montrer, la raison pour laquelle
je voulais te montrer ceci est que tous ces nombres semblent
bien compliqués, sans rapport, mais laisse-moi te montrer.
Remplaçons tous les nombres que nous avons pris par x.
x moins 10 égale 0, 4x moins 3 égale 0, x au carré moins 2 égale 0,
x au carré plus 1 égale 0 et celui-ci est x au carré moins 5, le tout au carré,
moins 24 égale 0, ce qui, si nous développons,
nous donne ceci.
Ceux-ci ressemblent tous à des problèmes d'algèbre.
Dans notre jeu nous avons pris des nombres, et nous avons
essayé de les réduire à 0.
Mais le contraire aurait pu être, ici, résolvons les équations.
Ceci est ce qu'on nous apprend à l'école secondaire.
C'est de l'algèbre, et il paraît que la famille à laquelle appartiennent
tous ces nombres, même la racine carrée de moins-1,
est la famille des nombres algébriques.
On a en quelque sorte trouvé une maison pour les plus grandes stars
des mathématiques, les nombres qui causaient les plus grands problèmes
et schismes, quelle est la racine carrée de moins-1 ?
Racine carrée de 2 de l'époque ancienne,
l'époque pythagorienne.
Il y a des gens qui sont morts pour ce nombre.
Mais d'une manière on a trouvé une famille pour ces nombres,
les nombres algébriques.
D'accord.
Ensuite, nous allons avoir besoin d'une nouvelle feuille.
Nous avons choisi quelques nombres.
Et si nous tentions un nombre spécial ?
Par exemple e ?
Alors, ce nombre-ci...
si tu ne le connais pas... Ce nombre est un nombre
magnifique pour les mathématiques.
Ce que c'est, c'est que si c'est une fonction, une fonction
de e puissance x, e puissance n'importe quel nombre, d'accord ?
Dans le repère de plan, quand on trace la fonction, la valeur d'y
est aussi la pente de la tangente dans ce point.
Alors c'est un nombre très, très important pour la croissance naturelle.
C'est vraiment un nombre magnifique.
Il a de l'importance dans la vie, vraiment, mais en fait,
c'est un nombre super fou.
Super, super fou.
L'une des expressions que je peux te donner est en fait
une somme infinie.
Je vais t'épater.
C'est 1 plus 1 sur 1 plus 1 sur 2 plus 1 sur 6 plus 1 sur 20...
et ainsi de suite, pour toujours.
Mais pouvons-nous jouer à ce jeu avec ce nombre ?
Pouvons-nous réduire ce nombre à 0 en respectant
les règles de notre jeu.
BRADY HARAN : Pouvons-nous le faire avec l'algèbre ?
SIMON PAMPENA : Pouvons-nous le faire avec l'algèbre ?
C'est cela.
BRADY HARAN : D'accord.
Pouvons-nous ?
SIMON PAMPENA : Eh bien, durant des siècles… e est là
depuis à peu près quatre cents ans...
Personne n'en savait rien.
Je veux dire, ce nombre est vraiment, vraiment
important, et personne ne le savait.
Il paraît que non, nous pouvons pas.
BRADY HARAN : Ce n'est pas possible.
SIMON PAMPENA : Ce n'est pas possible et je vais te montrer pourquoi.
Bon, je vais essayer de te le montrer, parce que c'est
assez rusé en réalité.
Mais il y avait un gars, Charles Hermite,
qui a montré...
Bon, je vais utiliser ces symboles-ci, parce que je ne sais pas encore
ce que la formule va être.
En gros, il a montré que si on essaie de jouer à ce jeu,
élever e à une puissance quelconque, une puissance entière,
et multiplier ça par un nombre entier quelconque.
Alors si on admet qu'il existe une certaine partie d'algèbre
qui peut réduire ceci à 0, il a montré que ça mènera
à une contradiction.
En gros, il a montré qu'il y avait un nombre,
un nombre entier, qui existait entre 0 et 1.
Évidemment, il n'y en a pas.
Évidemment, il n'y en a pas.
Mais c'est ce qu'on fait en mathématiques,
si on veut montrer que quelque chose est impossible, on part du principe
que c'est vrai, pour ensuite montrer que ça crée
une contradiction.
Alors c'est magnifique.
C'est ce que Hermite a découvert et c'est
vraiment, vraiment génial...
Je veux dire, tout le monde devrait s'extasier de ça,
parce que e n'est pas algébrique.
Alors quel genre de nombre est-ce ?
Eh bien, d'une certaine manière, ça transcende ce qu'on est capable de faire.
L'affaire de l'algèbre, c'est que c'est ainsi qu'on construit les nombres.
C'est comme... Que notre monde est construit d'algèbre.
Comme, n'importe quel nombre qu'on utilise dans la vie de tous les jours
a beaucoup affaire avec l'algèbre.
Tout ce qu'on fait est additionner, soustraire, diviser, les puissances,
mais e ne l'est pas.
Alors d'une façon il transcende les maths.
C'est ainsi qu'on l'a baptisé. e est transcendant.
C'est cool ce que je peux
te montrer autre que e.
Tu sais, parce que...
eh bien, c'est la partie intéressante.
e n'était pas le premier nombre transcendant.
On a découvert un nombre transcendant,
Liouville, je crois qu'il s'appelle, a découvert
un nombre transcendant bien avant, genre trente ans
auparavant.
Mais c'était par construction.
En fait, il cherchait un nombre, basé sur les règles du jeu,
qui ne correspondait pas.
Ce qui est spécial, c'est que e était déjà, il est déjà l'une
des super stars de maths, e.
Les gens le connaissaient.
On avait donc plus d'information.
Mais là, les gens se posaient la question.
Et alors pi ?
BRADY HARAN : Super star.
SIMON PAMPENA : La super star.
C'est la super star des maths.
Âgée de deux mille ans.
Quel est pi ?
Est-ce que pi est algébrique ou transcendant ?
Tu dois t'imaginer en étant mathématicien,
du coup, tu aimes pi.
Ça fait partie du territoire.
Il n'est pas possible que tu n'aimes pas pi.
Alors voilà une chose qu'on peut rajouter
au savoir de pi.
On peut rajouter quelque chose de nouveau, ce qui est incroyable.
Je veux dire, je mourrais heureux si j'avais fait ça.
Alors la question se posait, quel est pi ?
Est-ce qu'il est algébrique ou transcendant ?
Et c'étaient les années 1880 qu'un homme nommé
Lindemann nous a apporté la réponse.
Il a montré, et de nouveau, c'est un truc bien rusé,
il a montré que e, élevé à n'importe quel nombre algébrique,
est transcendant.
Par exemple, e puissance 1, e.
C'est une bonne chose, car e doit être transcendant,
parce que c'était déjà démontré.
Parce que 1 est algébrique.
Ton nombre préféré, Brady, e puissance 10.
C'est transcendant, n'est-ce pas ?
e à la puissance racine carrée de 2, e à la puissance i.
N'est-ce pas ?
Et pi alors ?
Comment est-ce qu'on peut utiliser ce fait-ci, e puissance a, où a est
n'importe quel nombre algébrique, est transcendant.
Comment peut-on utiliser ce fait pour montrer que pi est
lui aussi transcendant ?
D'accord, voilà.
Encore, c'est une preuve par contradiction.
Voilà ce qu'il a fait.
Il a dit, supposons que pi soit algébrique.
Alors pi est algébrique.
Ce qui veut dire qu'il y a une formule pour pi.
Alors, qu'est-ce que cette formule ?
Qui sait ?
Parce qu'elle n'existe pas.
Mais comme exemple, si tu es ingénieur, tu dirais : « Oh,
oui, pi égale 22 sur 7. »
D'accord ?
Bien.
Ce qui veut dire que pi fois 7 moins 22 est égale à 0.
N'est-ce pas ?
Par exemple.
Ce qui n'est pas vrai, d'ailleurs.
D'aucune façon j'affirme que ceci est vrai.
Ne coupe pas ça pour dire que Simon pense que c'est vrai.
Ce n'est pas vrai.
Pi, 22 sur 7.
Pi, 22 sur 7.
Je connais pi jusqu'à bien quelques décimales, et
ceci n'est évidemment pas vrai.
Et un autre fait, parce que j'aime bien le partager, une autre très belle
estimation de pi est la racine cubique de 31.
C'est en fait très proche.
Ce qui pourrait être une autre formule.
Ce qui voudrait dire que si nous élevons ça à la puissance 3
et soustrayons 31, ça fait 0.
Alors, donc, nous avons ces équations fictives.
Là c'est le gros lot.
Là c'est le gros lot.
Nous allons utiliser une autre équation super star, d'accord ?
e puissance i pi est égale à moins-1.
C'est l'identité d'Euler.
C'est une fameuse identité, non ?
Mais regarde-le bien.
Regarde ce que c'est. e puissance i pi égale moins-1.
Maintenant, i pi, d'accord, si nous supposons que pi soit algébrique,
i pi doit être algébrique aussi.
Et e à la puissance algébrique doit être transcendant.
Mais est-ce que moins-1 est transcendant ?
Non, parce que nous pouvons jouer au jeu
et réduire à 0.
Alors, en utilisant une autre partie incroyable des maths
dans la formule, imagine que tu es en train de faire un film,
tu fais un film sur les maths et tu as réussi à faire jouer
le plus grand star de Hollywood dans ton film.
Dans ta preuve.
Jouant dans ta preuve.
Alors ceci, e puissance i pi est égale à moins-1.
Si c'était effectivement algébrique, ceci aurait dû être
transcendant, ce qui veut dire que i pi ne peut pas être algébrique.
Et qui est le coupable ?
Eh bien, ce n'est pas la racine carrée de moins-1.
C'est pi.
Alors pi ne peut pas être algébrique, ce qui veut dire que pi doit être
transcendant.
Il y a quelque chose de bien rusé ici,
et c'est pourquoi j'aime ça.
Parce que c'est dans les choses rusées où se trouve
les maths géniales.
En mathématiques, la perfection est importante.
Mais bon, n'importe qui qui utilise les maths...
pour la physique ou la chimie, ou pour n'importe quoi d'autre,
eux, ils peuvent utiliser des estimations.
Je ne suis pas intéressé aux estimations.