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Ce film fait partie du projet Madrid.15M.cc avec
un livre, un site et d'autres projets locaux ou thématiques,
tous sous le "parapluie" 15M.cc.
Ce documentaire n'est pas un film "officiel" du 15M et il ne représente en aucun cas
le mouvement ou qui que ce soit. Il s'agit exclusivement de la vision personnelle
du réalisateur du 15M qu'il a vécu. Un 15M parmi tant d'autres.
15M.cc présente
une production de Madrid.15M.cc
En réalité, le 15M ce sont beaucoup de choses.
Le 15M c'est ce qu'il fallait et ce à quoi personne ne s'attendait.
Une espèce de vent nouveau. Un changement d'air.
C'est-à-dire un changement d'atmosphère.
Un nouveau climat. Pas vraiment une structure
mais un nouveau climat.
Je pense que ce qui le décrit le mieux
c'est la plaque qui a été mise à la Puerta del Sol :
"Nous dormions, nous nous sommes réveillés : La place est prise".
Tout un tas de mythes,
surtout de mythes de ce pays, sont terminés, ne sont plus valables
ils n'intéressent plus la majorité des gens. Et on commence
à mettre en marche d'autres choses, d'autres images, d'autres façons
de vivre, de penser. Pour moi, c'est ça le 15M.
Je vois le 15M comme le reflet de cette sensation qu'ont les citoyens
qu'on ne peut plus vivre et respirer tranquillement
dans un climat de manque de démocratie comme le nôtre.
Pour moi le 15M est un réveil collectif.
Ça finit par devenir un espace de réflexion,
de projets, de décision, peu défini et très dynamique,
en état de définition permanente.
La réunion d'un esprit collectif fonctionnant dans une seule direction.
Je refuse de définir ce qu'est le 15M parce que ce serait
un appauvrissement de ce qu'est le mouvement.
Je ne pense pas qu'on puisse parvenir
à une convention sur ce que représente le 15M.
Interview de José Luis Sampedro
- Comment voyez-vous le mouvement du 15M ? - Moi, je le trouve excellent,
exaltant, important. Je trouve qu'il a déjà réussi
à beaucoup remuer les choses.
"Excellent. Exaltant. Important" Une vision très personnelle du 15M
Dimanche 15 mai 2011.
Beaucoup de gens se sont retrouvés et se sont reconnus dans les rues de Madrid
et d'autres villes du pays lors des manifestations organisées
par "Democracia Real Ya" et beaucoup d'autres organisations et collectifs citoyens.
Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue dans tout le pays
pour protester contre la situation économique et le manque de démocratie.
C'étaient des manifestations différentes, sans drapeaux.
Dans une ambiance nouvelle et pleine d'espoir.
C'était quelque chose de différent, de nouveau...
Mais comment sommes-nous arrivés à cette nouvelle situation, ce "climat",
comme on a appelé le mouvement du 15M ?
Haut les mains ! Ceci est une crise ! Haut les mains ! Ceci est une crise !
LE 15M AVANT LE 15M
L'un des nombreux précédents du 15M a eu lieu en Galice en 2002
lors du naufrage du Prestige : le pétrole et les bénévoles.
La société civile qui agit en marge de l'État,
qui regarde impassible sans savoir quoi faire.
Dans mon cas, ça a été une des premières fois que j'ai participé
à un travail volontaire ou communautaire et je le vois aujourd'hui
comme un des débuts de mon 15M.
Une manifestation massive a eu lieu cette après-midi dans les rues de Madrid...
J'ai vécu les manifestations contre la guerre d'Irak à Berlin
où elles ont été aussi massives qu'en Espagne.
Tout le monde était dans la rue et tout le monde était d'accord.
La société civile lançait un message clair à la classe politique minoritaire.
Un autre précédent évident du 15M.
La désormais célèbre soirée des téléphones portables, ce 13 mars 2004,
deux jours après les attentats du 11 mars, est également
un moment de référence préalable au 15M.
Devant le siège du PP dans la rue Génova pour exiger la vérité.
Des rassemblements "auto-organisés", sans partis ni drapeaux.
En utilisant les nouvelles technologies, à cette époque les SMS.
Les sit-ins de "V de Vivienda" en 2006 durement réprimés, une autre référence.
Concernant le logement, c'est une des questions centrales
qui nous préoccupent tous et, bien entendu, le 15M aussi, qui n'est ni plus ni moins
qu'une partie de la population.
Enfin, un dernier exemple, en 2009 et 2010, les luttes concernant
la propriété intellectuelle, la loi Sinde (équivalent espagnol d'HADOPI).
L'apparition sur Internet du mouvement #nolesvotes. La force de l'anonymat.
La question de savoir s'il était possible de transposer
les protestations des mailing lists à la rue.
Et finalement, oui.
Madrid, 15 mai 2011 À l'appel de "Democracia Real Ya"
Manifestations dans une cinquantaine de villes contre le modèle politique et social
Mais en cette année 2011, il s'est aussi passé quelque chose de spécial à l'étranger.
Quelque chose de nouveau et d'inconnu.
Les mobilisations en Afrique du Nord
ont été une source d'inspiration pour le 15M.
Voir des gens modestes, différents, se réunir pour faire valoir leurs droits
face aux injustices et aux abus a attiré notre attention.
Et pas seulement en Afrique. En Grèce et dans d'autres pays également.
L'esprit de lutte et de revendication se répandait dans le monde entier.
Au début de l'année 2011 nous avons vu des pays du monde arabe
se soulever, non seulement contre des dictatures sanguinaires
et repressives, mais aussi, et c'est fondamental, contre une certaine
situation économique et, surtout, contre les décisions politiques
qui étaient prises face à cette situation économique.
C'est-à-dire qu'avant ici, il s'est passé la même chose dans le monde arabe :
privatisations massives, réductions des droits sociaux, quasi destruction
des services publics de santé, arrêt de l'investissement dans l'éducation publique...
Et bien entendu augmentation de la brèche
et de la différence entre les riches et les pauvres.
C'est-à-dire que la référence à la Tunisie et l'Égypte
était évidemment dans l'esprit collectif du mouvement du 15M
et dans la tête des premiers qui ont décidé de camper.
Et en fait, on a copié un modèle de protestation
qui était le campement et l'occupation d'une place.
En 2011, avant le mois de mai, beaucoup de gens
avaient déjà commencé à faire leur propre 15M.
Il se passait des choses : actions, occupations, protestations, humour...
malestar.org : réunions les vendredis dans l'espace public
Nous voyons ce qui se passe en Tunisie, en Algérie, en Égypte, en Libye, au Yémen...
Et cette longue liste à laquelle s'ajoute le Portugal,
sur laquelle l'Islande se trouve depuis longtemps,
ce sont des pays où il y a des révolutions qu'on qualifie de spontanées.
Elles ne sont pas spontanées.
malestar.org : Exécutions du 2 mai 2011
En joue !
Feu !
Risastencia : Proteste avec ton rire 14 mai 2011
Puisqu'ils se moquent tous de nous avec la crise, les politiques, les banquiers...
Pourquoi ne pas tous nous moquer de tout ça et d'eux aussi ?
C'est pour ça que nous sommes là, pour rire de tout ça.
On se moque de tout !
Le slogan : "Nous nous moquerons de vous jusqu'à ce que vous nous preniez au sérieux"
flo6x8 : action à la Banque de Santander, Séville
Le travail le plus important a été de contacter
les associations de Madrid une par une.
Je suppose qu'ils ont fait la même chose
dans d'autres secteurs, parce que c'était national.
C'était un contact très direct, pour leur expliquer
les raisons de la mobilisation et les inviter à y participer
en nous engageant à travailler ensemble,
comme avec la PAH, avec laquelle un lien très étroit s'est créé.
Aujourd'hui nous avons voulu laisser de côté nos propres symboles,
nos intérêts personnels ...
Ces mobilisations de mai 2011 n'étaient pas conventionnelles.
Il y avait beaucoup de gens nouveaux dans les rues.
Et j'y suis justement allé parce que je ne savais pas
qui ils étaient et parce qu'ils attiraient mon attention.
J'observais depuis un certain temps déjà ces nouvelles formes d'organisations
horizontales et égalitaires.
Les organisateurs de la manifestation étaient "Democracia Real Ya"
et d'autres que je ne connaissais pas, comme "Juventud sin Futuro".
"Juventud sin Futuro", avec ce climat
de démobilisation, ce qu'il restait du mouvement étudiant anti-Bologne,
et les associations étudiantes, nous nous sommes regroupés
et nous avons dit : "Il faut faire quelque chose".
Nous avons commencé à faire des réunions et nous sommes devenus une plateforme
qui disait : "Sans maison, sans boulot, sans retraite et sans peur".
C'est quelque chose qui touche pratiquement n'importe quel jeune,
que ce soit directement ou indirectement avec ses proches.
Et nous voulions être un agent de dynamisation.
Ça peut sembler un peu prétentieux, mais quelque chose qui dise aux gens :
"Voilà ce qu'il se passe, si tu ne penses pas qu'il faille bouger,
c'est que nous faisons mal les choses".
DE LA PRISE DE LA RUE À LA CRÉATION DE LA PLACE
Revenons à Madrid le 15 mai 2011. La manifestation est terminée
pour presque tout le monde et nous rentrons chez nous.
Il y a eu quelques incidents dans le secteur de Callao
et une intervention de la police que beaucoup disent démesurée.
Quelque chose de regrettable, mais de relativement habituel.
Et pendant que beaucoup de gens, dont moi, dormaient déjà tranquillement,
il se passait quelque chose de totalement inhabituel
à la Puerta del Sol, quelque chose qui donnait naissance
à cette merveilleuse rébellion : la naissance de "acampadasol".
Ce soir, personne ne part ! Ce soir, personne ne part !
On peut monter le campement ici-même, d'accord ?
Et l'idée a commencé à circuler un peu : "Et pourquoi on ne reste pas?"
C'est ce qu'ils ont fait en Égypte. Pourquoi pas ? Ici aussi il nous faut une place."
Et quelqu'un a pris un micro et a dit : "Écoutez, il y en a certains
qui disent que nous devons rester. Qu'est-ce que nous pouvons faire ?"
"Et si on continuait la manifestation ? Et si on restait dormir là ?"
Comme c'était juste une semaine avant les élections...
"Et si on tenait jusqu'au jour des élections ?"
Faire le plus de bruit possible, amener ici le plus de monde possible
et ne pas en rester seulement à la manifestation d'aujourd'hui.
Il faut tenir et créer un mouvement et...
Maintenant nous devons décider ce que nous allons faire
pendant que nous sommes ici.
Un appel à ce que les gens rejoignent la mobilisation dès maintenant.
Ne pas attendre demain ou après-demain, mais tout de suite.
Inviter d'autres villes à prendre leurs places elles aussi et à faire la même chose.
Quelqu'un dit : "Assemblée !" Et les gens s'assoient et c'est un peu le début
du "format 15M" : un espace où on ne peut arriver à aucune conclusion,
où on ne peut pratiquement pas prendre de décisions,
mais où il est nécessaire pour beaucoup de gens de pouvoir s'exprimer
et de pouvoir raconter ce qui est en train de se passer.
Ceux qui ne peuvent pas rester dormir cette nuit mais qui peuvent rester un moment
pour nous accompagner et faire pression, vous êtes aussi les bienvenus.
Et l'idéal ce serait que même si demain il y a des gens qui doivent aller travailler,
qu'il y ait des gens qui maintiennent le campement.
Même si nous sommes moins nombreux, qu'on voit qu'il y a un mouvement ici
et que nous allons tenir jusqu'au jour des élections, d'accord ?
Que ceux qui peuvent rester s'approchent et nous nous organisons.
Et ils sont restés dormir. Ils étaient une quarantaine.
J'ai appris l'existence de ce qui allait être le campement
de la Puerta del Sol le lundi à 9 heures.
Ma première photo. Au début je ne comprenais rien à ce qui se passait
mais ça me plaisait et j'ai commencé à aider, comme tout le monde.
Ce que je sais faire c'est documenter et communiquer.
Et c'est ce que j'ai fait : symboles, logistique...
La première assemblée à laquelle j'ai participé tôt le matin.
Marian en train de travailler avec la 3G.
Pablo qui répond aux médias. La première conférence de presse.
Nous ne savions pas qu'il y en aurait des dizaines par la suite.
Une autre assemblée plus *** : ici avec Miguel et Marta.
À huit heures, la première grande assemblée. Pleine de monde.
Javier et Pablo...
Dani, qui passe la journée à essayer d'installer le wifi sur la place et ce genre de choses.
Mon cousin Julio. Je ne le connaissais pas à Séville et nous avons vécu
ensemble sur la place. C'est vraiment bizarre.
Le premier jour on retransmettait déjà en direct depuis la place.
Et au cours de cette grande assemblée, on a lu le premier manifeste d'acampadasol.
Qui sommes-nous ? Nous sommes des personnes
qui sont venues librement et volontairement.
Après la manifestation nous avons décidé de nous réunir
pour continuer à revendiquer la dignité et la conscience politique et sociale.
Nous ne représentons aucun parti ni aucune association.
Nous sommes unis par un désir de changement.
Nous sommes ici parce que nous voulons une société nouvelle
qui fasse passer la vie avant les intérêts économiques et politiques.
Après la grande assemblée, de petits groupes thématiques
se sont mis au travail.
Après avoir passé 15 ou 16 heures sur la place, je suis rentré dormir chez moi.
J'étais très enthousiasmé.
Je ne comprenais rien à ce qui se passait
mais j'étais très content.
Puis est venue la deuxième nuit : l'évacuation et l'explosion.
C'était la naissance d'acampadasol.
La nuit suivante, je me rappelle que nous étions environ 250
à rester dormir ce soir-là Cette nuit aussi a été dure
parce que nous sommes allés dormir vers quatre heures du matin
et deux heures plus ***, d'un coup, la police est venue nous déloger.
Arrêtez, s'il vous plaît ! Non à la violence !
Vidéo temporairement indisponible
L'expulsion par la police de ces quelques personnes a provoqué l'effet inverse.
Et des milliers de personnes sont revenues sur la place cet après-midi.
Et nous sommes revenus pour rester.
... les pouvoirs financiers qui contrôlent tout grâce à leur pouvoir économique.
Nous avons le droit de nous indigner.
Quand Miguel a dit, lors de la première assemblée générale :
"Ceci est une assemblée. L'assemblée va commencer"
et que les gens se sont assis et se sont tus,
que la place était pleine, je me suis dit :
"C'est impossible, je suis en train de rêver."
C'était très, très beau.
Ceci est beaucoup plus qu'un rassemblement. C'est une assemblée.
Nous allons nous charger de lire un manifeste et de coordonner les choses.
Mais l'assemblée c'est nous tous et toutes.
Comme nous l'avons toujours dit,
nous ne sommes ni un collectif, ni une association.
Nous ne dépendons d'aucun syndicat. Nous sommes des PERSONNES.
Jusqu'à présent nous avons tenu ici sur la Puerta del Sol,
nous nous sommes réunis en assemblées, nous avons créé des comités de travail...
Il y a deux questions très importantes que nous voulons poser à tout le monde.
La première : Est-ce que nous voulons rester cette nuit ?
OUIIIIIIIII !
La révolution a commencé ! La révolution a commencé !
C'est le système, ce n'est pas la crise ! C'est le système, ce n'est pas la crise !
Et ce matin-là tout a explosé et c'est devenu une folie.
Pendant cette première semaine le gouvernement pouvait tomber.
Toutes les places du monde pouvaient se soulever
et quelque chose de nouveau pouvait commencer.
Il pouvait se passer n'importe quoi, parce que la force était inébranlable.
Tous nos soucis, nos problèmes, disparaissaient d'un coup de nos vies.
Nous sommes en train de changer le monde et nous pouvons le changer pour la première fois.
Cette sensation d'espoir, de vraiment pouvoir le changer
et qu'il peut se passer n'importe quoi et qu'il s'agit maintenant de le définir,
c'est unique, incomparable avec quoi que ce soit que j'aie pu vivre.
Démocratie réelle ! Démocratie réelle !
Et c'est à ce moment qu'a commencé la construction de notre médina
notre mini-ville : acampadasol.
Des bâches qui volent, des cordes, des cartons par terre.
Beaucoup de gens qui aident.
Et, en quelques minutes, des bâches et des tentes sont montées.
Elles grandiraient de jour en jour. Elles grandiraient comme nous.
Je me souviens d'un canapé qui volait au-dessus des têtes,
passant de main en main et qui est entré sur la place par la rue Carretas.
C'était fantastique. La place était à nous.
Acampadasol, la présence physique du mouvement du 15M à Madrid,
a commencé à la Puerta del Sol.
Était-ce un hasard? Cela devait-il forcément se passer sur une place?
A-t-on choisi celle-ci spécifiquement ? Pourquoi cela est-il arrivé ?
Parce que les places ont toujours été des lieux de marché,
de transactions économiques. Et si ces places sont grandes
il y a toujours une représentation du pouvoir, une institution.
Quelque chose qui est là. Très souvent une église,
une institution municipale...
D'accord, une place est quelque chose d'important.
Je suppose qu'il s'agissait d'être visibles
et de copier ce que nous avons vu en Égypte,
la place Tahrir, une des plus importantes du Caire.
Bien entendu, pour moi, la Puerta del Sol n'a plus la même signification
et elle ne sera plus jamais une place parmi d'autres.
J'ai cherché dans le dictionnaire de l'époque que j'étudie,
le "Covarrubias", un dictionnaire de 1611, le premier en castillan.
Si nous cherchons le mot "place" il nous dit : "Du nom latin platea.
Endroit large et spacieux à l'intérieur d'un ville.
Lieu public où l'on vend des aliments
Le lieu de vie commune des habitants.
Dans la définition du XVIe siècle il y a déjà les termes public et commun.
Et je pense que c'est cela une place,
avant tout un lieu public où se retrouvent les habitants.
À acampadasol nous avions une zone résidentielle et une pour les services
au centre de la place. Et, bien sûr, l'agora pour les assemblées.
Dans la zone des services on pouvait trouver de tout : les cuisines où l'on servait
des repas chauds trois fois par jour, des zones d'étude et de discussion,
la bibliothèque avec des milliers de volumes répertoriés,
ou le centre multimédia pour recevoir la presse.
Notre garderie, dont je pense qu'elle est devenue la mieux équipée
de la Communauté de Madrid et, bien entendu, avec les meilleurs professionnels.
La zone de soins médicaux et les tentes des différentes commissions
où nous travaillions sans cesse. Toute une ville autosuffisante.
Nous prenions soin de nous et nous prenions soin de l'environnement.
Nous utilisons souvent les espaces de manière intuitive
et l'Histoire nous enseigne que c'est à cela que servent les espaces.
Ce que nous faisons c'est réclamer, occuper, quelque chose qui est à nous
et qui l'a toujours été. La parole comme les espaces.
Et je trouve cela très intéressant.
C'EST NOUS LES MÉDIAS
Je crois qu'il y a eu différentes phases dans le traitement médiatique du 15M.
La première de négation et d'obstruction absolue, les médias ne comprenaient rien.
Les médias traditionnels ont pris les trois loupes
avec lesquelles ils ont l'habitude de lire l'actualité et ils ont dit :
"Voyons... avec cette lentille ? Je ne comprends pas,
je ne sais pas ce qui se passe ici.
Et avec celle-là ? Je ne comprends pas, je ne sais pas ce qui se passe ici."
J'ai eu l'impression qu'ils ne l'avaient pas vu venir.
que ça les a dépassés.
Qu'ils n'ont rien compris à ce qui se passait. Et que, finalement,
certains ont fini par prendre le train en marche et d'autres, hélas,
sont restés campés sur leurs positions et ont continué à manipuler
et à publier beaucoup de mensonges.
On peut être d'accord ou pas avec le mouvement.
Ceux qui y sont allés et qui l'ont vu savent quelle est la réalité. 0:24:36.400,1193:02:47.295 "Ici ça sent le ***."
Nous pouvons en avoir une vision plus ou moins déformée,
mais elle est ce qu'elle est.
Et comme ils ne comprenaient pas à 100 % ils ont décidé de ne pas en parler
d'une façon nouvelle. Ils essayaient de stocker ça dans un des
compartiments étanches où ils classent tout ce qui entre.
"À qui est-ce que ça profite ? À Rubalcaba ? À Rajoy ?
À Chacón ? À Esperanza Aguirre ?"
"À qui ?" Et tant qu'ils n'ont pas compris qu'il ne s'agissait pas de ça,
ils n'ont pas donné d'informations. Je crois qu'ils ont commencé à le faire
parce que la pression, sur les réseaux sociaux aussi, a été si forte
qu'il y a eu un moment où les gens faisaient rougir
les médias en leur disant : "Si tu continues c'est à toi que je vais crier
'ils ne nous représentent pas'". Et j'insiste, les médias, pas les journalistes.
Parce qu'il y a toujours eu des journalistes,dès le début.
Ce n'est pas vrai qu'il n'y avait pas de journalistes.
Le lundi 16 mai même, les médias ont pratiquement ignoré
les mobilisations de la veille. Organisées par des organisations comme
"Democracia Real Ya" et d'autres inconnues,
elles avaient remporté un fort succès
avec la participation de dizaines de milliers
de personnes dans des dizaines de villes de tout le pays.
Seuls quelques journaux de centre-gauche en parlaient en une.
Le mardi 17, les frasques de Strauss-Kahn accaparaient les premières pages.
Et seuls "Público" et "El País" contiuaient d'analyser le phénomène
de ce qu'ils appelaient "les indignés", mais toujours par rapport
aux élections prochaines. Dans les autres journaux nationaux : silence.
Le mercredi 18, des dizaines de milliers de personnes ont déjà occupé la place,
et on a commencé à contruire la mini-ville. Enfin !
Pourtant, sur les unes : corridas, Rajoy, Rajoy, Rajoy, Rajoy...
la reine Elizabeth... et je ne sais quoi.
Un jour passe, le 19, et nos grands journaux nationaux
font leurs unes avec ce qui, selon moi, devrait être l'image du jour
(ou d'il y a quelques jours).
La place de la capitale occupée par des milliers de citoyens
demandant des changements et la démocratie. "ABC", "El Mundo", et même "La Razón".
Mais savez-vous quel a été le premier grand journal à mettre en une une photo
de Sol pleine de citoyens à la honte de nos journaux nationaux ?
Oui, "The Washington Post". Et, bien sûr, quand nos journaux sont sortis quelques
heures plus ***, ils se sont rendus compte qu'il était peut-être pertinent
de faire une place en une à "ce qui se passait à Sol".
Le mouvement du 15M a fait une utilisation exemplaire des technologies :
il les a comprises, utilisées, exprimées, développées, réinventées, hackées...
Beaucoup d'entreprises et de gouvernements devraient nous observer et apprendre de cela.
Comment faire autant avec si peu.
Et cela n'a pas commencé avec le 15M. Cette connaissance existait avant
mais avec le 15M elle s'est multipliée et accélérée.
En ce qui concerne les outils d'internet, l'achat de noms de domaine et tout ça,
dans les mouvements sociaux nous avions déjà une expérience
de la communication sur Internet et de ce genre de choses.
Tout a commencé très rapidement : le compte Twitter @acampadasol
a été ouvert sur la place même dans la nuit du 15 au 16 mai 2011,
la première nuit du campement.
La même nuit un blog provisoire était créé et des mails étaient envoyés
de la place pour demander de l'aide et élaborer des stratégies.
Si nous créons un petit groupe de communication
et que nous réflechissons à une stratégie, ça peut permettre
que des gens ressentent ce que nous ressentons, qu'ils voient dans notre action
une possibilité et qu'ils occupent leurs places eux aussi."
Je crée donc un compte Twitter qui s'appelle @acampadasol.
Je ne me rappelle pas très bien. Je crois que j'ai vu quelqu'un parler
d'acampadasol sur Twitter et je me suis dit : "Ce nom
peut servir à communiquer là-dessus". Nous avons beaucoup fonctionné
sur la copie. Notre manière de communiquer c'est de copier ce que
les autres font de mieux, le remixer let l'offrir librement pour
que d'autres puissent faire pareil.
"Nous venons de camper à la Puerta del Sol de Madrid, nous ne partons pas avant de parvenir à un accord."
Voici le premier tweet qui a été publié par le compte @acampadasol
vers quatre heures du matin. Après cela tout est allé très vite.
Les principaux noms de domaines avaient été acheté dès les premiers jours
comme tomalaplaza ou takethesquare. Et sur Internet des centaines de comptes
Twitter, Facebook et des mailing lists diffusaient sans cesse des informations.
Les importantes diffusion et documentation du mouvement du 15M
sur Internet avaient commencé.
Le niveau atteint sur les réseaux sociaux par le 15M a été spectaculaire.
La gestion de la communauté qui a été faite sur Twitter
depuis @acampadasol, par exemple, est spectaculaire.
Ils n'ont pas diffusé une seule rumeur.
Nous qui nous occupons de ce compte nous avons surtout un grand respect
pour les processus collectifs et pour ce qu'est un mouvement collectif.
Et nous prenons vraiment soin de conserver un ton
que tout le monde puisse assumer.
Il commence à se passer des choses qui dépassent largement la stratégie
de communication des mouvements sociaux traditionnels.
Et qui dépassent largement celle de n'importe quelle organisation
politique qui se respecte et qui aimerait avoir la richesse
de communication qu'a eue le 15M.
Une fois surmontée l'urgence du début, des projets plus concrets
de médias ont commencé à se développer.
AudioviSol, le service d'information vidéo du 15M à Madrid.
Ágora Sol Radio, qui fonctionnait au bout de quelques jours.
"madrid15m", un journal mensuel à grand tirage.
Ou TomalaTele, un site Internet qui diffuse des vidéos
et des streamings.
LÉGITIME DÉSOBÉISSANCE
Sol ne dort pas cette nuit. Les plus de 100 personnes qui ont campé ici hier
sont aujourd'hui des milliers. Après l'évacuation et en 24 heures à peine
le mouvement s'est organisé et a réussi à attirer beaucoup d'autres
personnes qui protestent contre un système qu'elles considèrent injuste
et qui demandent des changements économiques et politiques.
Les jours passent et notre ville grandit. Nous nous organisons.
Nous avons maintenant des cuisines et les services de base.
La police nous observe mais n'intervient pas.
Beaucoup de gens restent dormir et nous sommes de plus en plus nombreux.
Puis vient la nuit du 20 au 21 mai, la veille des élections.
La journée de réflexion.
Un tribunal nous avait interdit de rester ensemble à la Puerta del Sol.
En bon citoyen, j'ai retrouvé Marga, Amador et quelques amis
pour qu'on aille commettre ce délit.
La Puerta del Sol était noire de monde.
Et, bien sûr, à minuit, comme dans le conte,
nous devenions illégaux. C'est-à-dire que le Comité électoral
avait dit que... Disons qu'il y avait une sorte de tension entre la légitimité
de la rue, d'être là tous ensemble... "Nous allons voir, nous sommes là
à protester contre une situation très grave. Ils condamnent énormément
de gens à des conditions très dures, et nous avons parfaitement le droit
de nous réunir ici pour retrouver le sens véritable du mot démocratie,
du pouvoir du peuple comme discussion ouverte et publique.
Et vous allez nous dire que nous n'avons pas le droit d'être là à cause de
je ne sais quoi, cette bêtise de journée de réflexion."
Nous avons poussé comme un cri. Ça a été une joie immense de voir
le nombre de gens qui étaient là.
Et nous n'étions pas chacun dans notre coin.
Nous étions tous là pour la même chose parce que ça nous concerne tous. Donc
nous nous taisons tous en même temps. Nous savons tous ce que nous devons faire
et nous avons un comportement adapté à la situation parce que nous sommes
suspendus à ce qui est en train de se passer. Et ça a été très beau.
Et c'est ainsi qu'est né "le cri muet", l'une des icônes du 15M.
C'était la première fois que je ne respectais pas la loi.
Que je désobéissais à une autorité.
Qui n'était rien de moins que le Tribunal suprême
auquel étaient parvenus les recours.
Jamais de ma vie je n'ai été aussi sûr de faire ce qu'il fallait.
Quel bonheur !
Sans nous, vous n'êtes rien ! Sans nous, vous n'êtes rien !
C'était comme un cadeau que nous nous faisions les uns aux autres.
Un cadeau gratuit. Simplement en étant quelque part à un moment donné,
à une heure donnée. Tout simplement.
Des couilles on en a... Et demain, on vote ! Demain, on vote !
Le dimanche 22 mai 2011
ont lieu les élections municipales et autonomiques (dans 13 Communautés).
Le Parti populaire gagne largement les deux.
Pendant ce temps, la vie continue à acampadasol.
Là, on continue de travailler, de penser et de constuire.
QUI SONT LES GENS DU 15M ? QU'EST-CE QUE LE 15M ?
Qui sont les gens du 15M ?
Nous qui nous sommes retrouvés dans les rues et sur les places ?
Quel type de personnes étaient les habitants d'acampadasol ?
Il y avait, et il y a, toutes sortes de personnes.
Évidemment, on remarquait une majorité de gens "jeunes"
et "de gauche", pour résumer rapidement et un peu grossièrement.
Mais il y avait des familles entières, des personnes âgées...
Des gens de toute origine socio-économique.
Et ce qu'à la longue je trouve le plus intéressant :
beaucoup de gens qui n'avaient pas de parcours militant politique ou social,
comme moi. Beaucoup de gens nouveaux.
Des gens qui avaient de la volonté, beaucoup de volonté.
Pour moi, le plus important c'est qu'il y a eu une actualisation
de la dimension politique de la vie. Une sorte de mise à jour.
Comme en informatique, quand tu passes à la version supérieure.
Parce que la politique comme gestion de ce qui est commun
était totalement dévalorisée.
Comme un sujet qui n'intéressait personne.
L'idée dominante, le stéréotype,
était que chacun se souciait de ses affaires.
Et tant pis pour les autres. Un peu les amis, et encore...
Et le 15M dément cela.
C'est la différence fondamentale entre avant et après.
Parce qu'avant, nous étions un peu seuls.
Nous avions tous conscience qu'il fallait faire quelque chose.
Mais au fond, moi, en tant qu'individu, qu'est-ce que je fais ?
On ne pensait pas "Qu'est-ce que nous faisons ?" Parce qu'on ne sait pas
comment contacter ce "nous", comment s'organiser.
Alors on se disait : "Qu'est-ce que je fais ?"
Et face à tout ça, on finit par se retrouver
sans alternative. Parce que je ne sais pas ce que je peux vraiment faire.
Ce "Ils ne nous représentent pas" à la Puerta del Sol
veut aussi dire pour beaucoup de gens :
Nous n'avons pas besoin de vous. Ou pas vraiment besoin.
Dans le sens où beaucoup de gens ont vu qu'en se mettant en contact,
en proposant des choses, en parvenant à des accords, on peut gérer
une ville. Dans ce cas, "Ciudad Sol". C'est-à-dire qu'on a expérimenté
la puissance que nous avons quand personne ne nous contrôle, simplement
quand nous nous mettons d'accord. Quand nous coopérons avec la volonté
de générer quelque chose de plus grand que nous, de plus important,
et qui veille sur nous. Je pense qu'acampadasol veillait sur nous.
Je pense que tout le 15M, pas que le campement, veille sur les gens.
Ceux qui protestaient sont des gens normaux.
Et les gens normaux ont ces problèmes.
Nous pensons que nous avons ces problèmes en commun.
Ce n'est pas : "Je vais m'inventer ma réponse pour moi
et pour ma famille, pour moi et pour mes amis,
pour moi et ma tribu politique. Nous allons faire un squat sur un terrain vague
de la banlieue et cultiver un potager". Non. Ce sont des problèmes qui touchent
tout le monde. Il faut donc parler avec tout le monde.
Ce doit être un problème de la société. La société doit se mettre en mouvement.
Il doit y avoir un dialogue avec beaucoup de gens, et des gens très différents.
Je le vois dans le 15M. "Qu'on ne fasse pas de nous des marginaux.
Parce que ce que nous disons concerne tout le monde. Des millions de gens."
D'où le rejet des stéréotypes : "nous ne sommes ni marginaux ni antisystème,
c'est le système qui est anti-nous. Nous, nous parlons de problèmes de la société.
Nous ne voulons pas nous séparer,
nous voulons que la société assume ces problèmes."
Aucun de nous n'a la solution, réflechissons-y ensemble.
Et évitons que les machines à stéréotypes fassent de ce mouvement
le mouvement de quelques personnes seulement.
QUOI QUE TU SACHES FAIRE ET À QUELQUE NIVEAU QUE CE SOIT TU ES BIENVENU
Durant les premiers jours d'acampadasol des commissions et des groupes
de travail ont été créés en fonction des besoins du campement :
action, communication, alimentation, coordination,
infrastructures, légal, respect...
Et ceci s'est développé et autorégulé.
Le groupe d'Économie qui a été créé
avait pour objectif de faire face au changement social
par le biais de l'économie
qui a été posée comme un des problèmes fondamentaux.
Au début, "Legal Sol" est créée par quelques avocats
et avocates qui voient la nécessité de soutenir
d'un point de vue juridique et technique
le campement et le mouvement en train de naître autour du campement.
Nous nous occupons essentiellement de discuter avec les gens.
Notre mission dans ce monde est de coordoner, de mettre les gens en contact.
Et aussi, comme il y a
à ce moment des campements qui viennent de commencer,
de les mettre en relation.
En Europe, ça a fonctionné au début avec les expatriés.
Puis on a fait des assemblées mixtes avec des gens sur place.
Concernant les États-Unis il y a une relation très directe.
À Wall Street on dit que la référence
ça a été Sol et tout son fonctionnement.
Un travail que j'ai adoré : celui des camarades des groupes
de dynamisation des assemblées et de la Commission Respect
qui, avec une patience infinie, intercédaient dans les conflits qui pouvaient naître
et nous "alphabétisaient" dans ces pratiques communes, nouvelles pour beaucoup de nous.
Personnellement, le 16 mai 2011
j'ai participé à la première assemblée de ma vie.
Il y a des gens qui parlent de choses dont on a déjà parlé cinq ou six fois.
J'entends des choses dont on parle depuis le premier jour. 0:42:25.720,1193:02:47.295 Assemblée de la Commission Respect
On a pris des décisions sur ces sujets et les mesures les plus pertinentes.
Je pense que nous devrions écouter ceux qui prennent
ces mesures et ne pas tout réfuter, parce qu'il y a ici des gens
qui ont déjà fait cinq réunions de deux heures chacune.
Et, vraiment, nous sommes un peu fatigués.
Et on commence à s'organiser pour apporter un soutien juridique
aux personnes qui ont été arrêtées au cours de ces premiers jours.
Parce qu'au début ce mouvement
et ces événements sont harcelés par la police.
Dès la manifestation du 15 mai il y a eu des charges et des arrestations.
Donc quand le campement commence il y a beaucoup de doutes :
qu'est-ce qui est légal ? illégal ? Est-il légal de camper ou non ?
Et des gens commencent à se réunir et élaborent un texte
pour expliquer un peu comment fonctionne le droit de réunion
qui est garanti par l'article 21 de la Constitution.
Toutes sortes de gens se sont regroupées dans le groupe d'Économie.
De grands techniciens, économistes,
des universitaires et des spécialistes du sujet, des journalistes, etc.
Comme il y avait des écrivains, ils ont été rejoints par
des philosophes, des physiciens, des gens très créatifs en tout genre,
ce qui a conduit à des synergies impressionnantes. Nous avons énormément
appris les uns des autres et nous nous sommes rendu compte
qu'on peut faire énormément de choses.
... tout est possible, donc que l'espace de l'assemblée générale soit
un espace de rencontre où nous puissions dire tout ce que nous pensons qu'il est
possible de faire, quel groupe le fait, que tous ceux qui veulent faire des
suggestions de l'extérieur le disent à l'assemblée, y réfléchissent et aillent dans
les groupes de travail pour continuer à y travailler, du moment qu'on fait attention à...
Nous étions toujours à la Puerta del Sol, à acampadasol,
à essayer de changer le monde.
Et il s'était passé une chose merveilleuse : on nous copiait.
On NOUS copiait ! Nous qui avions vu le meilleur d'autres mobilisations
et les avions adaptées à notre réalité, remixées et réutilisées.
Et maintenant on nous copiait dans le pays et le monde entier.
C'était incroyable. Toute cette information qui circulait librement sur la planète.
Oui, les amis, c'est cela : le copyleft !
Ces jours-là, des campements se créaient dans des centaines de villes du monde.
Grandes ou petites. En Espagne et à l'étranger.
Il ne s'agissait pas de conquérir le monde ou de faire tomber le système.
On entrait plutôt sur le terrain du symbolique.
Mais c'était très fort. Et très émouvant.
COPYLEFT : Autoriser la COPIE et la TRANSFORMATION libres de son œuvre
en exigeant la même chose de ceux qui l'utilisent.
La meilleure expression de copyleft du campement a été sa "réplicabilité".
Ce qui était mis en commun c'était justement
l'information qui venait de tout le monde.
Quand je veux être retweeté je dis : "S'il vous plaît, copiez-moi".
Bien entendu, ces modèles dans lesquels nous
nous trouvions, "copie interdite, tous droits réservés",
est un modèle qui ne fonctionne plus intellectuellement,
et dans la pratique non plus.
Cela se passait dans des villages, des villes, partout.
Des gens se réunissaient dans les rues et sur les places
pour faire quelque chose de très très dangereux.
Quelque chose qui ne plaît pas du tout aux autorités.
Que nous ne faisions pas depuis des années.
Nous rassembler et parler de la res publica.
Ce n'était rien d'autre : nous réunir, parler des problèmes de tous,
grands et petits, chercher des solutions
et faire ce que nous pouvions pour aider le voisin.
C'était ce qui se passait.
Et c'était global.
QUELQUES SUCCÈS DU 15M
Le philosophe Zygmunt Bauman et une partie de la société avaient accusé le 15M
d'être un mouvement d'émotions et pas de pensée. Nous passions nos
journées en assemblées, à secouer les mains et à beaucoup nous aimer,
mais sans proposer de solutions ni générer d'alternatives.
Je trouve cette description assez injuste et c'est
une des raisons pour lesquelles nous faisons ce film.
À acampadasol on a recueilli et classé près de 15 000
propositions des citoyens pour améliorer la démocratie, entre autres.
Quoi qu'il en soit, n'importe qui ayant observé le 15M
avec un peu d'attention se sera rendu compte de la richesse
de ses propositions et de ses actions. Oui, on a fait des choses au sein du 15M.
LOGEMENT
Le 15M soutient la Plateforme des Victimes de l'Hypothèque (PAH)
dans leur lutte contre les expulsions. Des centaines d'expulsions stoppées
en un an et demi. Recherche de solutions de logement pour les gens expulsés.
On pousse pour des changements de législation. Les banques rachètent les logements
aux enchères à 60 % de leur valeur au lieu de 50 %.
Le minimum insaisissable passe de 625 € à 900 €.
C'est probablement grâce au 15M
qu'on sait aujourd'hui ce que signifie "dation en paiement".
JUSTICE
15MpaRato, un collectif proche du 15M, fournit une aide juridique aux personnes
qui ont acheté des actions de Bankia et se sentent flouées.
Pour cela une quête publique a été organisée
et elles ont bénéficié d'un avocat de façon ouverte et transparente.
On a obtenu la mise en examen de 32 cadres de Bankia,
dont l'ancien vice-président du gouvernement, Rodrigo Rato.
15MpaRato avait préalablement publié sur son site Internet
ce qu'ils allaient faire et comment ils allaient le faire.
Ah, et leurs comptes sont publics !
ÉCONOMIE
#OperaciónEuribor. Enquête sur le Taux interbancaire offert en Euro
dont dépendent beaucoup d'hypothèques et d'autres produits financiers,
face à la passivité du ministère public et d'autres institutions.
L'idée : offrir des outils pour vérifier si la banque escroque.
Remplacer l'État dans ce travail qu'il ne fait pas.
Enfin, #OpOposición : essayer de bloquer les exécutions hypothécaires
tandis qu'on étudie la validité de l'Euribor.
Un recours a été accepté par un tribunal de Barcelone.
Y en aura-t-il d'autres ? Beaucoup ?
LA VIOLENCE LA NON-VIOLENCE DU 15M LA VIOLENCE DE L'ÉTAT
On a beaucoup parlé de la violence policière, vécue, subie et documentée,
à Madrid durant la première année et demie du 15M.
Et bien que le 15M ait fait de la non-violence une de ses caractéristiques
et qu'il ait enduré de nombreuses provocations,
nous n'avons pu éviter d'être régulièrement frappés. Que cela soit clair.
Je pourrais montrer des dizaines de photos et de vidéos de policiers
frappant brutalement des manifestants lors de rassemblements, des mineurs,
des étudiants, des personnes âgées. Il y en a plein Internet.
Mais je vais vous en parler à partir de l'expérience personnelle,
comment nous sommes tombés sur la violence.
Ou, plutôt, comment elle nous est tombée dessus.
C'était le 17 août, lors d'une manifestation organisée
par des associations laïques et des groupes de chrétiens pour protester
contre les dépenses publiques excessives pour la venue du Pape à Madrid.
Jusqu'alors, nous avions connu à Madrid des épisodes isolés
de violence policière, mais rien de tel que les charges de la Plaza de Catalunya
à Barcelone, qui étaient jusqu'à présent la grande référence
en ce qui concerne la brutalité policière et le 15M.
La manifestation fut un peu désastreuse. Beaucoup de gens étaient venus.
La police n'avait pas bien fait son travail ni préparé le chemin. Elle n'avait pas bien
séparé les manifestants des pélerins.
Quant aux organisateurs, ils étaient peu et mal informés
Nous étions tous rassemblés à la Puerta del Sol et j'étais
avec Pablo Soto quand nous avons vu la police boucler la place.
Pendant la marche laïque, nous nous sommes rendu compte d'un coup que
la place était fermée et qu'ils laissaient sortir les pélerins
mais pas les participants à une manifestation autorisée.
À un moment donné, quand tu es parti en courant en direction
de la rue Montera, tous les policiers y sont allés parce qu'une charge commençait.
Moi, je prenais des photos de l'autre côté de la place. Les journalistes
sont partis en courant. Je n'ai pas pu courir et je suis resté là en essayant
de ne pas trop attirer l'attention. Mais dès que les journalistes sont partis
de l'autre côté, les charges ont cessé et ont commencé ici. Ils ne sont pas bêtes.
Rien de grave, une chute.
Mais j'ai eu un sentiment d'impuissance quand un policier m'a insulté.
Mais bon, je ne veux pas non plus me plaindre.
C'est leur jeu et je crois que... J'ai eu peur à ce moment
mais une fois sorti de la place, je ne suis pas rentré chez moi, je n'ai pas eu peur
et je suis revenu le lendemain.
Il est revenu le lendemain, et encore... Pablo a des problèmes de mobilité
et il ne peut pas se lever seul. Heureusement qu'un ami l'a vu
et l'a aidé, car le policier qui l'avait jeté par terre avait décampé.
La deuxième expérience de cette nuit c'est Patricia qui l'a vécue.
Elle est, avec Pablo et moi, l'une des initiatrices du projet 15M.cc
dont ce documentaire fait partie.
Patricia était sur la place en train de faire son travail de journaliste
et elle est tombée sur un policier.
À un moment donné, je me retrouve seule dans ce coin.
Je continue de filmer et de prendre des photos.
Et alors je vois un homme, enfin, un policier.
Il vient vers moi et me demande ce que je fais.
Je lui dis que je suis journaliste et que je filme ce qui se passe.
Donne-moi ta carte d'identité.
- Pour quelle raison ? - Parce que je dois t'identifier complètement.
Ça, ce n'est pas une identification complète. Nom des parents, adresse !
- Premièrement, ne me criez pas dessus. - Quoi ? Je vais t'en coller une !
- Tes papiers maintenant ! - Qu'est-ce que vous venez de dire ?
- Arrêtez ! - Hibou de merde ! Je t'arrête !
- Comment ça vous m'arrêtez ? - Mets-lui les menottes !
Il y a des gens qui considèrent qu'avec mon attitude, je l'ai bien cherché.
Moi, sincèrement, je pense que nous avons oublié
ce que signifie savoir quels sont nos droits. Dans le sens où
cet homme ne peut pas me considérer comme une menace.
Une "menace réelle". Je ne peux pas faire quoi que ce soit de violent.
Je suis une naine d'1m60 entourée par quatre types de presque 2 mètres.
Alors, quelle menace ? Bien sûr, un téléphone pour filmer
et pouvoir raconter. Là voilà la menace mais moi je n'en représente aucune.
Voilà notre mini-expérience cette nuit-là. D'autres amis,
également journalistes, ont été jetés dans un fourgon, insultés et menacés.
Nous, il ne nous est rien arrivé. Mais les autres ? Et ailleurs ?
Et d'autres nuits ?
Personnellement, je suis triste, horrifié, blessé et, surtout,
déçu d'avoir découvert cette stratégie de la terreur, comment
cet appareil policier est conçu pour terroriser le citoyen et l'empêcher
d'exercer ses droits civils "gênants". Oui, c'est très moche.
Et inadmissible dans un État de droit.
Le problème, le détail, c'est que Patricia, Pablo, moi et des milliers d'autres
personnes sont là pour y rester.
Ce qui est en jeu nous semble trop important.
Vous allez donc voir ce qu'ils font...
NOUS PARTONS DE SOL NOUS DÉMÉNAGEONS POUR TA CONSCIENCE
Maintenant il faut travailler dans les quartiers et les villages. Nous sommes
maîtres de nos actes. Nous sommes venus quand et comment nous avons voulu et
nous partirons quand et comment nous le déciderons. Et jamais
forcés par des éléments extérieurs ou des problèmes de fonctionnement internes."
Nous étions mi-juillet
et il nous a été difficile de nous mettre d'accord.
Une infinité d'assemblées et de discussions mais nous avons fini par y arriver.
Nous avons décidé de démonter acampadasol après un mois et demi et d'aller dans les
quartiers où, fin mai, les premières assemblées locales avaient déjà commencé.
Nous laisserions un point d'information au centre de la place et déménagerions
la bibliothèque, du matériel et de la documentation
dans différents centres sociaux de Madrid.
Nous avons décidé de laisser la place comme nous l'avions trouvée, voire mieux.
C'était le début de l'"Opération Sou Neuf".
On laisse à Sol une seule structure en bois, un poste d'information
qui sera démonté par la mairie le 2 août.
Après quatre semaines de campement, nous quittons la Puerta del Sol.
Depuis le 28 mai nous avions organisé des assemblées dans les quartiers
et décentralisé l'activité de Sol.
Mais jusqu'à présent nous n'avions pas été capables de lever le campement.
À partir de ce moment, nous nous retrouverions à Sol les dimanches
pour des assemblées générales, et nous travaillerions depuis les quartiers.
Comme le temps passe. On dirait que des siècles ont passé depuis ce 15 mai 2011.
Et il ne s'est écoulé qu'un an et demi.
Pendant tout ce temps, nous n'avons pas cessé de protester, de lutter,
de penser et de construire. Cette crise, qui est en réalité une escroquerie,
et, surtout, le comportement irresponsable de nos dirigeants
ne nous ont pas permis de revenir à notre vie d'avant.
Nous sommes toujours là : dans la rue, en groupes, seuls, sur Internet,
chez nous, au travail, pour ceux qui en ont encore.
Ou même en s'occupant de nos proches, "on fait le 15M".
Il s'est passé beaucoup de choses durant ces 18 mois.
4 189 619 chômeurs en mai 2011
#19J Manifestations contre le Pacte pour l'Euro
#MareaVerde Protestations pour défendre l'éducation publique
#15O Manifestation Globale : 1 060 villes, 90 pays
4 420 462 + 230 843 chômeurs en novembre 2011
Élections générales en novembre 2011. Le PP gagne à la majorité absolue.
4 750 867 + 330 405 chômeurs en mars 2012
Février 2012. Printemps de Valence : protestations étudiantes
#12M15M Premier anniversaire du 15M
Soutien aux grèves de fonctionnaires, mineurs... et autres protestations
#25S #RodeaElCongreso Violence policière, arrestations arbitraires
Novembre 2012 Il y a 530 expulsions par jour
20 % des Espagnols (1 sur 5) vivent en dessous du seuil de pauvreté
52 % des jeunes sont au chômage
J'essaie de ne pas succomber à la nostalgie.
Nous sommes en train de finir le film et le moment est venu
de demander aux gens avec qui j'ai vécu pendant
le campement de Madrid, les miens, ce que nous allons devenir, où nous allons
et ce qu'il va advenir de ce que nous sommes en train de construire ensemble
et que nous appelons pour le moment, plus ou moins judicieusement, 15M.
Aucune idée. Je peux te dire ce que j'aimerais mais
je vais être lourd parce que je l'ai répété quatre fois.
Ce que j'aimerais c'est un campement
jusqu'à ce que nous ayons une nouvelle Constitution.
C'est ça que je veux. Et que le 15M soit
le mouvement social qui matérialise cela.
Qui matérialise ce désir de démocratie.
Ce que je vois ? C'est dur... c'est dur.
Ça va être très difficile.
Nous voulons que le monde soit un endroit raisonnable. Nous ne demandons
pas non plus l'impossible. Un endroit raisonnable où
mener une vie digne, qui fonctionne bien, qui n'existe pas... Non ?
Tout ce que je peux te dire, c'est que je crois que la force du mouvement c'est
de tout faire comme le "reloaded", se réactualiser à partir de soi-même,
à partir de ses points forts.
Je vois que notre force, c'est la force du respect,
de l'inclusivité, de l'horizontalité, de l'intelligence collective,
de la non-violence...
Si nous parvenons à créer des outils qui génèrent une capacité de pression
des gens sur les multinationales,
les gouvernements locaux, régionaux et nationaux, et qui leur fassent
suffisamment mal pour qu'ils cèdent à leurs demandes,
on pourrait obtenir énormément de choses.
S'il sort de cela un appareil non institutionnalisé, constant,
de pression citoyenne, je m'estime heureuse.
Nous avons les yeux braqués sur les outils de coordination globale.
Si tous les gens pensent la même chose, peu importe où ils sont.
Tout ce qui est important sera du style du 15M. C'est-à-dire :
auto-convoqué, ni de gauche ni de droite, inclusif, etc.
Avec ces caractéristiques... copyleft. Ça va être de cet ordre-là.
Et tout ce qui ne sera pas de cet ordre ne compte pas. Pour moi.
Par exemple, les élections prochaines. Beaucoup de gens vont voter.
Je m'en fiche. Le football, beaucoup de gens vont y aller, ça ne compte pas.
Si nous réussissons à nous pencher un peu sur cette idée
que nous devons vraiment nous réinventer,
trouver de nouvelles méthodes pour obtenir tout ça,
nous devons chercher quoi faire, je crois que tôt ou *** nous allons
trouver les bonnes solutions. Tant qu'on se focalise sur ce que
nous voulons obtenir et nous nous concentrons
pour l'obtenir, ça marche ça, non ?
Pendant cette année et demie j'ai appris beaucoup de choses, et l'une d'elles
c'est à croire ce que dit Miguel. Oui, Miguel, celui du haut-parleur
et des cartons à Sol. Un Miguel parmi tant d'autres.
Vu que ce film est une vision personnelle, je vais me permettre
de me réserver le dernier mot, avec beaucoup d'humilité, bien sûr.
Je crois que le 15M est déjà un succès.
Les mobilisations, les campements, les assemblées,
et tout ce qui est arrivé est quelque chose de très positif.
Mais je pense que le plus important du 15M, c'est aussi ce qui
est plus difficile à voir : le changement chez les personnes.
Des gens qui ne seront plus jamais les mêmes.
Des personnes qui sont devenues un problème
pour leurs gouvernements et une aide pour leurs voisins.
De bons citoyens, en fait !
Ce 15M qui ne se voit pas mais qui est là et qui, je pense, ne partira plus.
Maintenant, ce qu'il faut essayer de faire c'est inventer, résister,
continuer, réinventer... Et même nous libérer de cette encombrante marque
que pourrait être le nom "15M".
Au final, nous ne voulons que faire ce que chaque génération essaye de faire
depuis des années : changer le monde.
Nous sommes en bonne voie, comme dit Miguel, on cherche la bonne clé.
Et nous finirons par la trouver, non ?
et maintenant qu'est-ce qu'on fait
expulsion
sauvetage des banques
pauvreté
Il existe un pays où nous sommes déjà en train de
mettre fin aux expulsions
d'arrêter d'avoir peur
de créer la république des 99%.
Et maintenant qu'est-ce qu'on fait ?
Qu'est-ce qu'on fait ?
eXpaña / www.exlandia.net Nous déclarons le gouvernement incompétent
Nous avons déclaré le gouvernement
incompétent
le monde change,
c'est toi qui le fais changer.
Madrid.15M.cc n'est pas responsable de la vidéo précédente.
Il s'agit d'une "occupation" du documentaire.
La production du documentaire n'avait aucune connaissance de sa nature.
Elle a uniquement fourni l'espace des crédits.
Madrid.15M.cc n'a RIEN À VOIR avec son contenu.
Les 40 conversations et le documentaire peuvent être téléchargés sur http://Madrid.15M.cc
Ceci est un projet autofinancé, pour en savoir plus http://acorta.net/ayudanos15mcc
Ce film est dédié à trois femmes de ma famille
de trois générations différentes et très importantes pour moi.
À Marina, née en 2012, de la génération pour laquelle
nous faisons tout cela.
À Blanca, qui représente tout ce 15M qu'on ne voit pas
et sans qui ce film n'aurait pas été possible.
Et à Sylvie, car on n'a qu'une mère. "Toi je t'ai trouvé dans la rue..."
Enfin, dans ce cas, sur la place.
Traduction : @Pimpignole, @zoedk, @amanra999