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Une petite maison blanche
Reste dans ma mémoire
De cette petite maison blanche
Chaque nuit, je rêve
Difficile à reconnaître, mais c'était ici.
Ici, on brûlait les gens.
Beaucoup de gens ont été brûlés ici.
Oui, c'est le lieu.
Personne n'en repartait jamais.
Les camions à gaz arrivaient là...
Il y avait deux immenses fours...
et ensuite, on jetait les corps...
dans ces fours, et les flammes montaient jusqu'au ciel.
Jusqu'au ciel?
Oui.
C'était terrible.
On ne peut pas raconter ça.
Personne ne peut...
se représenter ce qui s'est passé ici.
Impossible. Et personne ne peut comprendre cela.
Et moi-même, aujourd'hui...
Je ne crois pas que je suis ici.
Non, cela, je ne peux pas le croire.
C'était toujours aussi tranquille, ici. Toujours.
Quand on brûlait chaque jour 2000 personnes, des Juifs,
c'était également tranquille.
Personne ne criait. Chacun faisait son travail.
C'était silencieux. Paisible.
Comme maintenant.
Toi, jeune fille, ne pleure pas
Ne sois pas si triste
Car le cher été approche
Et avec lui, je reviendrai
Une chopine de rouge, une tranche de rôti
C'est ce que les jeunes filles offrent à leurs soldats
Quand les soldats défilent
Les jeunes filles ouvrent leurs portes et leurs fenêtres
L'autre survivant: MICHAEL PODCHLEBNIK (Israël)
HANNA ZAIDEL (Israël)
Fille de MOTKE ZAIDEL, survivant de VILNA (Lithuanie)
MOTKE ZAIDEL
Forêt de BEN SHEMEN (Israël)
C'est dans la forêt de PONARI que furent massacrés la plupart des Juifs de VILNA
Forêt du camp d'extermination de SOBIBOR (Pologne)
JAN PIWONSKI
YITZHAK DUGIN, survivant de VILNA
C'était à la fin de novembre 1942...
et comme on nous chassait du travail...
vers nos baraquements, tout à coup,
de cette partie du camp qu'on appelait...
le camp de la mort, jaillirent...
des flammes. Très haut.
Et en un instant tout le paysage,
tout le camp parut s'embraser.
Il faisait déjà sombre,
nous sommes entrés dans notre baraquement,
nous avons mangé...
et par la fenêtre, nous ne cessions pas de voir...
le fantastique arrière-fond de flammes...
de toutes les couleurs imaginables:
Rouge, jaune, vert, violet...
et soudain, l'un de nous se leva...
nous savions...
qu'il était chanteur d'opéra à Varsovie...
Il s'appelait Salve et...
et devant ce rideau de flammes, il a commencé...
à psalmodier...
un chant qui m'était inconnu:
"Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi nous as-tu abandonnés?"
RICHARD GLAZAR Bâle (Suisse)
"On nous a autrefois livrés au feu,
mais nous n'avons jamais renié Ta Sainte Loi."
II a chanté en yiddish,
tandis que derrière lui flambaient...
les bûchers...
sur lesquels...
On a commencé, alors, en novembre 1942,
à Treblinka, à brûler les corps.
C'était la première fois que cela arrivait.
Nous sûmes cette nuit-là...
que désormais les morts ne seraient plus enterrés.
Ils seraient brûlés.
TREBLINKA
Un peu plus loin, là-bas, il y avait un socle en béton,
et les os qui n'avaient pas brûlé,
par exemple les gros os des pieds,
nous les...
Il y avait une caisse avec deux poignées...
et nous les emportions là-bas,
où d'autres...
avaient pour tâche de les broyer. C'était très fin,
cette poussière d'os.
Ensuite on mettait ça dans des sacs...
et quand il y avait assez de sacs,
nous allions jusqu'à la Ner, il y avait un pont, là-bas...
et nous les vidions dans la Ner, ça partait avec l'eau.
Ça partait avec le flot.
Etes-vous retournée là-bas?
Non. J'ai voulu, souvent.
Mais, qu'est-ce que je verrais?
Comment affronter cela?
Mes grands-parents sont enterrés à Lodz.
Et j'ai appris par quelqu'un qui y est allé
qu'ils veulent raser le cimetière,
le détruire.
Comment puis-je retourner à ça, visiter?
Quand sont-ils morts?
Mes grands-parents?
Au ghetto, rapidement.
Ils étaient âgés, et après un an,
lui est mort, et elle l'année suivante.
Au ghetto, oui.
PAULA BIREN (Cincinnati - USA) Survivante d'AUSCHWITZ
Le cimetière juif de LODZ aujourd'hui
AUSCHWITZ: La ville
PAN FILIPOWICZ
AUSCHWITZ-BIRKENAU
WLODAWA-SOBIBOR: 15 km
PAN FALBORSKI
II y avait un signe,
un très petit signe, à la gare de Treblinka.
Je ne sais pas si c'était à la gare même
ou juste avant.
Sur la voie où nous attendions,
il y avait un panneau très petit:
"Treblinka".
Je n'avais jamais entendu parler de Treblinka,
parce que personne ne connaît, ce n'est pas un lieu,
ni une ville, pas même un petit village.
Les Juifs ont toujours rêvé,
c'était au coeur de leur vie,
au coeur de leur attente messianique,
de rêver qu'un jour ils seraient libres.
Ce rêve était surtout vrai au ghetto.
Chaque jour, nuit après nuit,
je rêvais que ça allait changer.
Plus que le rêve,
l'espoir entretenu par le rêve.
Le premier transport quitta Czestochowa...
le lendemain de Yom Kippur.
La veille de Succoth, il y eut le deuxième transport...
j'en faisais partie.
En mon for intérieur, j'avais un pressentiment,
car s'ils prennent les enfants, les vieux,
c'est mauvais signe.
"Là-bas, vous travaillerez." Leur disaient-ils.
Mais pour une vieille femme,
un nourrisson, un enfant de 5 ans,
travailler, c'est quoi?
C'était absurde et pourtant,
rien à faire, nous y avons cru.
C'était ABRAHAM BOMBA, survivant de TREBLINKA, parlant de TEL-AVIV.
On pouvait s'approcher, on pouvait regarder à distance.
CZESLAW BOROWI
Ils attendaient, ils pleuraient.
Ils demandaient de l'eau, ils mouraient.
Ils étaient parfois tout nus dans les wagons, 170 personnes.
C'est là qu'on donnait de l'eau aux Juifs, dit M.
Nous étions dans ce wagon, le wagon roulait, roulait...
vers l'Est.
Il s'est passé une drôle de chose,
ce n'est pas agréable, mais je le dis.
La majorité écrasante des Polonais,
quand ils voyaient le train passer,
- nous étions comme des animaux dans ce wagon,
on n'apercevait que nos yeux -
ils riaient, ils riaient,
ils jubilaient: On se débarrassait des Juifs.
Ce qui se passait dans le wagon,
les bousculades, les cris:
"Où est mon enfant?" "De l'eau, par pitié!"
On mourait de faim, et en plus, on étouffait...
La chaleur! C'était bien la chance juive:
En septembre, d'ordinaire il pleut,
le temps est frais, et là, une chaleur d'enfer!
Pour un bébé comme le mien, un bébé de 3 semaines,
pas une goutte d'eau.
Pas une goutte d'eau pour la mère, pour personne.
HENRIK GAWKOWSKI
Nous sommes arrivés le matin,
vers 6 h, 6 h 30.
Sur les voies parallèles,
j'ai vu d'autres trains à quai.
J'observais...
et j'ai vu environ 18, 20 wagons, peut-être plus,
qui partaient à la fois.
Et au bout d'une heure environ,
j'ai vu les wagons revenir, mais sans les gens.
Mon train est resté là jusqu'à midi à peu près.
Tandis que nous attendions à la gare...
notre tour d'être emmenés au camp,
des SS s'approchèrent et nous demandèrent...
ce que nous possédions.
Nous avons répondu: "Quelques-uns ont...
de l'or, des diamants, mais nous voulons de l'eau."
"Bon, donnez les diamants, vous aurez de l'eau."
Ils les ont pris, on n'a jamais vu l'eau.
ABRAHAM BOMBA
Le voyage de Czestochowa à Treblinka a duré...
à peu près 24 heures,
en comptant un arrêt à Varsovie...
et l'attente à la gare de Treblinka.
Notre train fut le dernier à partir.
Mais comme je l'ai dit,
j'ai vu beaucoup de trains revenir et ils étaient vides.
Je me suis demandé:
"Qu'est-il arrivé aux gens? On ne voit personne."
Nous avons roulé 2 jours.
Au matin du 2ème jour, nous avons vu...
que nous avions laissé la Tchécoslovaquie,
que nous roulions vers l'est.
Ce n'étaient pas des SS qui nous gardaient.
C'était la "Schupo".
En uniforme vert.
Nos wagons étaient des wagons de passagers normaux.
Chaque place était occupée.
On ne pouvait pas choisir,
tout était numéroté, tout était assigné.
Dans mon compartiment, il y avait un couple âgé.
Je me souviens, le brave homme...
voulait toujours manger et sa femme le grondait,
car il ne leur resterait rien,
disait-elle, pour les temps à venir.
RICHARD GLAZAR
Et c'était déjà le deuxième jour,
j'ai vu le panneau "Malkinia".
On a continué encore un peu.
Le train, tout à coup, très lentement...
a bifurqué de la voie principale...
et a roulé au pas à travers un bois.
Et comme nous regardions,
- nous avions pu entrouvrir la fenêtre -
le vieux dans notre compartiment a vu quelqu'un
- il y avait là des vaches qui paissaient -
et il a demandé, mais par signes:
"Où sommes-nous?"
Et l'autre a fait un drôle de geste: Ça!
A la gorge.
Un Polonais?
Un Polonais.
Mais où était-ce? A la gare?
C'était là où le train s'est arrêté.
D'un côté, il y avait le bois...
et de l'autre, une prairie.
Et il y avait un paysan?
Et nous avons vu des vaches...
gardées par un jeune,
un... valet de ferme, un valet.
Et l'un de vous a demandé?
Pas demandé avec des mots, mais par signes:
"Qu'est-ce qui se passe ici?"
Et l'autre a fait un geste. Comme ça.
Mais nous ne lui avons pas vraiment prêté attention,
nous ne nous l'expliquions pas.
...et ils racontaient qu'ils allaient à l'usine.
JAN PIWONSKI
NEW YORK: RUDOLF VRBA, survivant d'AUSCHWITZ
La rampe était le terminus des trains...
arrivant à Auschwitz.
Ils arrivaient jour et nuit,
tantôt un par jour, tantôt cinq,
de tous les lieux du monde.
J'ai travaillé là du 18 août 1942...
au 7 juin 1943.
Les trains se succédaient sans fin,
j'en ai bien vu deux cents à mon poste sur la rampe:
C'était devenu une routine, à force.
Sans répit, de partout, les gens arrivaient au même endroit,
avec la même ignorance du sort des autres transports.
Et de ces masses de gens...
je savais bien que deux heures après,
90% seraient gazés, je savais cela.
Je ne comprenais pas
que les gens puissent disparaître ainsi.
Et rien ne se passe, et arrive le prochain transport.
Et ils ne savent rien du sort du précédent,
et cela continue pendant des mois et des mois.
AUSCHWITZ-BIRKENAU
Ça se passait ainsi:
Par exemple, un train juif était attendu à 2 h du matin...
Quand il approchait Auschwitz,
on l'annonçait aux SS.
Un SS nous réveillait,
on nous escortait dans la nuit, jusqu'à la rampe...
Nous étions environ 200 hommes.
Et tout s'illuminait.
Il y avait la rampe, les projecteurs,
et sous les projecteurs, alignés, les SS,
tous les mètres, un SS, l'arme au poing.
Nous étions au milieu, nous les prisonniers,
attendant le train, attendant les ordres.
Quand tout était prêt, le convoi approchait.
Il roulait très lentement.
La locomotive, qui était toujours en tête,
parvenait à la rampe.
Et c'était la fin de la ligne,
la fin du voyage.
Dès l'arrêt du train,
l'élite des gangsters se postait,
et devant tous les deux ou trois wagons,
parfois devant chaque wagon,
un de ces Unterscharführers...
attendait avec une clé et ouvrait les portes,
car elles étaient verrouillées.
A l'intérieur, bien sûr, il y avait les gens.
Ils regardaient par les lucarnes sans comprendre,
après tant d'arrêts
- certains étaient en route depuis 10 jours -
ce que cet arrêt-là signifiait.
Alors la porte s'ouvrait,
et le premier ordre lancé était:
"Alle heraus!" "Tous dehors!"
Et pour se faire comprendre,
ils frappaient avec leurs cannes le 1er, le 2e, etc...
Ils étaient comme des sardines dans ces wagons.
Si 4, 5 ou 6 trains arrivaient le même jour,
le déchargement se faisait dans l'urgence.
Ils y allaient à la trique, ils les insultaient.
Mais par beau temps, ils pouvaient agir autrement,
se montrer de bonne humeur...
et faire de l'humour, disant par exemple:
"Bonjour madame, descendez je vous prie."
- Vraiment? - Oh, oui!
Ou: "Quelle joie, vous êtes ici, pardon pour l'inconfort.
Tout va changer maintenant..."
En entrant à Treblinka,
on ne savait pas qui étaient les gens:
Certains portaient des brassards rouges ou bleus:
Les commandos juifs...
Tombant du train,
nous poussant les uns les autres,
on se perdait...
dans les cris, les hurlements.
Une fois descendus,
on se retrouvait sur deux files,
femmes à gauche, hommes à droite.
Nous n'avions même pas le temps de nous regarder,
car ils nous frappaient à la tête...
avec n'importe quoi.
C'est... c'était très, très douloureux...
Vous ne saviez pas ce qui arrivait,
vous n'aviez pas le temps de penser,
les cris vous affolaient.
Vous n'entendiez rien d'autre que les hurlements.
Et soudain, ça a commencé: Des cris, des hurlements.
"Descendez, descendez tous!"
Pas des cris, un vacarme, un tumulte!
"Dehors, dehors!
Laissez les bagages!"
Nous sommes sortis, nous écrasant les uns les autres.
Nous avons vu des hommes avec des brassards bleus...
quelques-uns étaient armés de fouets.
Nous avons aperçu des SS.
Des uniformes verts,
des uniformes noirs...
Nous étions une masse,
la masse nous emportait tous,
impossible de résister,
elle devait avancer jusqu'à un autre lieu.
J'ai vu les autres se déshabiller.
Et j'ai entendu: "Déshabillez-vous!
A la désinfection!"
Et comme j'attendais, déjà nu,
j'ai remarqué...
que les SS en mettaient quelques-uns à part.
Ceux-là devaient se rhabiller.
Et soudain, un SS est passé, il s'est arrêté devant moi,
il m'a toisé et a dit:
"Oui, oui, toi aussi, rejoins les autres, rhabille-toi.
"Tu vas travailler ici et si tu fais tes preuves,
tu pourras être chef d'équipe ou kapo."
Avec ceux de mon transport, j'attendais déjà nu.
Un homme survint et dit: "Vous, vous, vous..."
Nous sortîmes du rang et ils nous mirent de côté.
Certains, parmi les autres,
comprenaient ce qui se passait et pressentaient
qu'ils ne resteraient pas en vie.
Ils refluaient, refusant d'avancer...
- ils savaient déjà où ils allaient -
vers cette grande porte...
Les pleurs, les cris, les hurlements...
Ce qui se passait là-bas,
c'était impossible...
Les appels, les cris vous restaient dans les oreilles,
et dans la tête durant des jours et des jours,
et la nuit aussi.
Vous ne pouviez plus dormir pendant des nuits entières.
Soudain, d'un coup, tout s'arrêta,
comme sur ordre.
Tout était devenu silencieux,
là-bas, où les gens avaient disparu,
comme si tout était mort.
Alors, ils nous dirent de tout nettoyer...
là où deux mille personnes environ...
s'étaient déshabillées en plein air,
de tout emporter, de tout évacuer,
et cela, en une seconde!
Des Allemands, d'autres qui se trouvaient là,
des Ukrainiens, se mirent à hurler,
à cogner pour que nous portions plus vite les paquets...
sur notre dos, encore plus vite, vers la place centrale,
où il y avait d'immenses tas de vêtements,
de chaussures, etc...
En un éclair, tout était vide comme si rien n'était arrivé,
rien. Ni personne. Jamais.
Il ne restait aucune trace. Plus une trace!
Comme par magie, tout avait disparu.
BIRKENAU: La rampe
Avant chaque arrivée,
la rampe était nettoyée à zéro.
Nulle trace du transport précédent ne devait demeurer.
Pas une trace.
On nous a emmenés dans un baraquement.
Le baraquement entier empestait.
Sur peut-être 1 mètre et demi de hauteur,
confondus en une masse unique,
s'entassaient tous les objets imaginables
que les gens avaient pu apporter:
Des draps, des valises, n'importe quoi,
amalgamé en une seule masse.
Et sur cette masse, bondissant comme des diables...
des individus.
Ils faisaient des ballots.
Et ils les portaient au-dehors.
On m'a affecté à l'un d'eux.
Sur son brassard, il y avait la mention "Chef d'équipe".
Il a hurlé et j'ai compris que je devais, moi aussi,
prendre un drap, faire un ballot...
et le transporter ailleurs.
Tout en travaillant, je lui ai demandé:
"Que se passe-t-il? Les autres, nus, où sont-ils?"
Et il a répondu: "Morts. Tous morts."
Mais je ne réalisais pas. Je n'y croyais pas encore.
C'est un mot yiddish. Et j'avoue
que j'entendais parler yiddish pour la première fois.
Il ne m'a pas dit cela à voix très haute...
et j'ai vu qu'il avait les larmes aux yeux.
Mais soudain, il s'est mis à crier,
il a levé son fouet...
Et j'ai aperçu, du coin de l'oeil, un SS qui s'approchait.
Et j'ai compris que je ne devais plus poser de questions,
mais seulement me ruer au-dehors avec le paquet.
C'est alors que nous avons commencé
à travailler en ce lieu qu'ils appelaient Treblinka.
Et pourtant, je ne pouvais croire à ce qui s'était passé
de l'autre côté de la porte,
là où les gens avaient disparu...
et où tout était devenu silencieux.
Mais très vite, en interrogeant
ceux qui travaillaient déjà là, nous avons compris.
"Quoi? Vous ne savez donc pas?"
Ils sont tous gazés, tous morts!"
Nous ne pouvions prononcer une parole:
Nous étions pétrifiés.
"Qu'est-il arrivé à la femme, à l'enfant?"
"Quelle femme? Quel enfant? II n'y a plus personne."
"Plus personne! Mais comment ont-ils tué,
comment ont-ils gazé tant de gens à la fois?"
Mais ils avaient leur méthode...
Ma seule pensée à cet instant était Carel Unger, mon ami.
Il se trouvait à l'arrière du train,
dans un tronçon qu'on avait détaché, laissé au-dehors.
Il me fallait quelqu'un. Près de moi. Avec moi.
Et alors, je l'ai vu. Il était dans le 2e groupe...
laissé en vie, lui aussi.
Et en chemin, je ne sais comment, il avait appris,
il savait déjà. Il m'a regardé...
et il a dit seulement: "Richard,
mon père, ma mère, mon frère."
II l'avait appris en chemin.
Cette rencontre entre Carel et toi,
c'était combien de temps après l'arrivée?
C'était... environ 20 minutes après l'arrivée à Treblinka.
Alors je suis sorti du baraquement,
et j'ai découvert pour la première fois la place immense,
on l'appelait - mais cela, je l'ai appris plus *** -
la "place du tri".
Elle disparaissait sous des montagnes
d'objets de toutes sortes...
Montagnes de chaussures, de vêtements, 10 m de haut.
Alors j'ai pensé et j'ai dit à Carel:
"C'est un ouragan, une mer monstrueuse.
"Nous avons fait naufrage. Et nous vivons encore.
"Et nous ne devons rien faire.
"Mais seulement guetter chaque vague nouvelle,
"nous allonger sur elle,
"nous préparer à la vague prochaine...
et demeurer sur la vague à tout prix. Et rien d'autre."
C'est ainsi que le jour passa,
24 heures sans eau, sans rien,
nous ne pouvions rien boire, rien porter à notre bouche,
c'était impossible.
A la seule pensée qu'une minute, une heure auparavant,
vous aviez une famille, une femme, un mari
et soudain, d'un seul coup, tout est mort.
On nous mit dans un baraquement spécial,
j'y dormais tout près du passage,
et là-bas, cette nuit-là...
fut pour tous la plus horrible des nuits,
à cause du souvenir,
de tout ce qui avait été vécu et partagé:
Joies, bonheurs, naissances, mariages,
tout le reste... Et soudain, en une seconde,
couper dans tout cela, pour rien, sans raison,
car les gens n'étaient coupables de rien,
que d'être juifs.
Pour la plupart, ce fut une nuit blanche,
on essayait de se parler, c'était interdit,
le garde dormait dans la même baraque.
On ne pouvait ni communiquer...
ni échanger nos pensées.
A 5 heures du matin,
nous commençâmes à sortir...
et quand ils firent l'appel, nous découvrîmes
que dans notre groupe, 4 ou 5 étaient morts.
Je ne sais comment cela s'est passé,
ils devaient avoir avec eux du cyanure ou un autre poison,
et ils s'étaient empoisonnés.
Deux d'entre eux au moins, étaient des amis intimes.
Ils n'avaient rien dit,
on ne savait même pas qu'ils avaient du poison.
Du vert. Sinon, partout, du sable.
A la nuit, on nous a mis dans une baraque.
Le sol n'était que sable. Rien d'autre.
Et chacun de nous est simplement tombé. Sur place.
J'ai entendu dans mon demi-sommeil...
que quelques-uns se pendaient.
Nous n'avons pas réagi. C'était presque normal.
De même qu'il était normal que derrière chacun de ceux...
sur qui se refermait la porte de Treblinka...
il y ait la Mort, il doive y avoir la Mort,
car personne ne devait, jamais,
pouvoir porter témoignage.
Et cela, après les 3 premières heures...
à Treblinka, je le savais déjà.
BERLIN
Ce n'est plus mon pays.
Surtout, ce n'est plus mon pays,
quand ils osent me dire qu'ils ne savaient pas...
ils n'ont pas vu...
"Oui, il y avait ici des Juifs, ils ont disparu,
on n'a rien su d'autre."
Comment ont-ils pu ne pas voir?
Ça a duré pendant presque 2 ans!
Chaque quinzaine, on arrachait des gens à leur foyer.
Comment ont-ils pu s'aveugler ainsi?
Le jour où Berlin a été purgé de ses derniers Juifs,
personne ne voulait rester dans les rues,
les rues étaient entièrement vides.
Pour ne pas voir, ils faisaient leurs achats à la hâte.
C'était un samedi, ils achetaient pour le dimanche,
et rentraient chez eux à toute allure.
Je me souviens de ce jour comme si c'était hier:
Les cars de police sillonnaient les rues de Berlin,
arrachant les gens à leurs maisons.
Ils les raflaient dans les usines,
dans les demeures, partout,
pour les concentrer en un endroit appelé le "Klu".
Le "Klu" était un restaurant-dancing,
très grand.
De là, ils furent déportés en plusieurs transports.
Ils embarquaient pas loin d'ici, à la gare de Grunewald.
Et c'est le jour où soudain,
je me suis sentie tellement seule, tellement abandonnée:
Désormais, je savais que nous ne serions qu'une poignée.
Combien y aurait-il d'autres clandestins?
Et je me sentais si coupable de ne pas m'être laissée déporter,
d'avoir tenté d'échapper à un destin...
que les autres ne pouvaient fuir.
Il n'y avait plus de chaleur,
plus une âme fraternelle, comprenez-vous?
Nous ne pensions qu'à eux: "Et Elsa? Et Hans?
"Et où est-il, et où est-elle?
Mon Dieu, et l'enfant?"
Telles étaient nos pensées en ce jour d'horreur.
Et par-dessus tout, se sentir si seule et si coupable...
de ne pas être partie avec eux.
Pourquoi avons-nous essayé? Quelle force nous a poussés
à fuir ce qui était vraiment notre destin
et celui de notre peuple?
INGE DEUTSCHKRON. Née à BERLIN.
(Y demeura pendant toute la guerre
dans la clandestinité à partir de février 1943.)
(Vit aujourd'hui en Israël.)
FRANZ SUCHOMEL SS Unterscharfuhrer
Vous êtes prêt?
Oui.
Nous pouvons...
On peut commencer.
Comment va votre coeur? Tout est en ordre?
Oh, mon coeur, pour l'instant, ça va.
Si j'ai des douleurs, je vous le dirai,
il faudra interrompre.
Oui, bien sûr.
Mais votre santé en général...
Oh, le temps aujourd'hui me convient très bien.
Haute pression barométrique, c'est bon pour moi.
En tout cas, vous semblez en pleine forme.
Bon. Nous allons commencer par Treblinka.
Je vous en prie.
Oui, je crois que c'est le mieux.
Si vous pouviez nous donner...
une description de Treblinka...
Comment était Treblinka à votre arrivée?
Je crois que vous êtes arrivé à Treblinka en août?
Le 20. Ou le 24 août?
Le 18?
Je ne sais plus exactement. Aux environs du 20 août...
je suis arrivé avec 7 autres de mes camarades.
De Berlin?
De Berlin.
De Lublin?
De Berlin à Varsovie, de Varsovie à Lublin,
de Lublin, retour à Varsovie et de Varsovie à Treblinka.
Oui. Et comment était Treblinka à cette époque?
Treblinka à cette époque tournait à plein régime.
Plein régime?
Plein régime.
Il arrivait...
On était alors en train de vider le ghetto de Varsovie.
En deux jours, sont arrivés environ trois trains,
avec toujours trois, quatre, cinq mille personnes...
toutes de Varsovie.
Mais en même temps arrivaient aussi des trains,
en provenance de Kielce et d'autres lieux.
Trois trains sont donc arrivés,
et comme l'offensive contre Stalingrad battait son plein,
on a laissé les transports de Juifs en plan dans une gare.
En plus, c'était des wagons français,
ils étaient en tôle.
Si bien que sont arrivés à Treblinka 5000 Juifs,
et parmi eux, il y avait 3000 morts.
Dans les...
Dans les wagons. Ils s'étaient ouvert les veines,
ou étaient morts comme ça...
On a déchargé des demi-morts et...
des demi-fous...
Dans les autres trains en provenance de Kielce,
et d'ailleurs,
la moitié au moins étaient morts.
On les a entassés ici, ici,
ici et ici.
C'était des milliers d'humains,
empilés les uns sur les autres...
A la rampe?
A la rampe.
Empilés comme du bois.
Mais aussi,
d'autres Juifs vivants attendaient là depuis 2 jours,
car les petites chambres à gaz n'y suffisaient plus.
Elles fonctionnaient jour et nuit, en ce temps-là.
Mais pouvez-vous, je vous prie, décrire très précisément
votre première impression de Treblinka?
Très exactement. C'est important.
La première impression de Treblinka pour moi...
et pour une partie de mes camarades a été catastrophique.
Car on ne nous avait pas dit
comment et quoi... Que là-bas, on tuait des gens.
On ne l'avait pas dit.
Vous ne saviez pas?
Non.
Mais c'est incroyable!
Mais c'est ainsi. Je ne voulais pas y aller.
Ça a été prouvé à mon procès.
On m'avait dit:
"M. Suchomel, il y a là-bas de grands ateliers,
"de tailleurs et de cordonniers,
et vous allez les surveiller."
Mais vous saviez que c'était un camp?
Oui. On avait dit:
"Le Fuhrer a ordonné des actions de transfert.
C'est un ordre du Fuhrer."
"De transfert"...
"Actions de transfert."
On n'a jamais dit "tuer".
Oui, oui, je comprends.
M. Suchomel, nous ne parlons pas de vous,
mais seulement de Treblinka.
Car votre témoignage est capital,
et vous pouvez expliquer ce qu'était Treblinka.
Mais ne citez pas mon nom.
Non, non, je vous l'ai promis.
Bon, vous arrivez à Treblinka.
Alors le juteux, Stadie...
nous a montré le camp...
en long et en large.
Et juste au moment où nous passions,
ils étaient en train d'ouvrir les portes de la chambre à gaz
et les gens sont tombés comme des pommes de terre.
Bien sûr, cela nous a épouvantés et choqués.
Nous sommes retournés nous asseoir sur nos valises,
et nous avons pleuré comme des vieilles femmes.
On choisissait chaque jour cent Juifs
pour traîner les cadavres dans les fosses.
Le soir, les Ukrainiens chassaient ces Juifs
dans les chambres à gaz, où ils les abattaient.
Chaque jour.
C'était la grosse chaleur d'août.
La terre ondulait,
- comme les vagues - à cause des gaz.
Des cadavres?
Imaginez cela: Les fosses avaient peut-être 6,
7 m de profondeur.
Et toutes, bondées de cadavres.
Une mince couche de sable, et la chaleur, vous voyez?
C'était un enfer, là-haut.
Vous avez vu cela?
Oui. Une seule fois, le premier jour.
Alors, nous avons dégueulé et pleuré.
Pleuré?
Pleuré aussi, oui.
L'odeur était infernale.
Oui, car les gaz s'échappaient sans arrêt.
Ça puait horriblement, ça puait à des kilomètres.
Kilomètres?
A des kilomètres.
On sentait l'odeur partout? Et pas seulement dans le camp?
Partout. C'était selon le vent.
La puanteur était portée par le vent.
Comprenez-vous?
II arrivait toujours plus de gens, toujours plus...
qu'on n'avait pas les moyens de tuer.
Ces messieurs voulaient vider le ghetto de Varsovie
au plus vite.
Les chambres à gaz avaient une trop faible capacité.
Les petites chambres à gaz.
Les Juifs devaient attendre leur tour un jour,
2 jours, 3 jours.
Ils pressentaient leur sort.
Ils le pressentaient.
Ils étaient peut-être dans le doute,
mais plus d'un savait.
Par exemple, il y avait des femmes juives...
qui, la nuit, ouvraient les veines de leurs filles,
puis se les ouvraient à elles-mêmes.
D'autres s'empoisonnaient.
Ils entendaient le bruit du moteur
qui alimentait la chambre à gaz.
C'était un moteur de tank.
A Treblinka, on n'a utilisé
que le gaz d'échappement des moteurs.
Le zyklon, c'était Auschwitz.
A cause de l'attente,
Eberl-Eberl, le commandant du camp,
a téléphoné à Lublin. Il a dit:
"On ne peut plus continuer ainsi, je ne peux plus,
il faut interrompre."
Et une nuit, Wirth est arrivé.
Il a tout inspecté, il est reparti aussitôt.
Et il est revenu avec des gens de Belzec...
des praticiens.
Et Wirth a obtenu un arrêt des transports.
On a déblayé les cadavres qui gisaient là.
C'était la période des vieilles chambres à gaz.
Et comme tant de gens tombaient,
dont on ne pouvait se débarrasser,
les corps s'amoncelaient autour des chambres à gaz,
et y demeuraient pendant des jours.
Et sous ces tas de cadavres, il y avait un cloaque,
un cloaque de 10 cm avec du sang, des vers...
et de la merde.
Personne ne voulait enlever ça.
Les Juifs préféraient se faire fusiller,
plutôt que de travailler là-haut.
Plutôt se faire fusiller?
C'était effroyable.
Enterrer les leurs et voir de leurs yeux...
La chair des cadavres leur restait dans les mains.
Alors, Wirth y est allé lui-même,
avec quelques Allemands...
et il a fait tailler de longues courroies
qu'on passait autour du torse des cadavres pour les tirer.
Qui a fait ça?
Des Allemands.
Wirth?
Des Allemands et des Juifs.
Des Allemands et des Juifs!
Mais des Juifs aussi?
Des Juifs aussi.
Oui. Mais que faisaient les Allemands?
Ils forçaient les Juifs...
Ils les battaient?
Ou ils participaient eux-mêmes au déblaiement.
Quels Allemands ont fait cela?
Des hommes de notre garde qui avaient été détachés là-haut.
Les Allemands eux-mêmes?
Ils y ont été obligés.
Ils commandaient!
Ils commandaient... Ils étaient commandés...
Pour moi, ce sont les Juifs qui l'ont fait.
En pareil cas,
les Allemands devaient mettre la main à la pâte.
Le mur noir des exécutions dans la cour du block 11
à Auschwitz 1, le camp originel.
Filip, ce dimanche de mai 1942,
où tu as, pour la 1 ère fois,
pénétré dans le crématoire d'Auschwitz 1,
quel âge avais-tu?
Vingt ans.
C'était un dimanche, en mai.
Au block 11, nous étions enfermés
dans une cellule souterraine.
Nous étions au secret.
Quand survinrent quelques SS...
qui nous escortèrent par une des rues du camp...
Nous sommes passés par une porte...
et à environ 100 mètres,
100 mètres de la porte,
m'est apparu soudain un bâtiment,
un bâtiment plat avec une cheminée.
Sur l'arrière, j'ai vu une entrée.
J'ignorais où on nous menait,
je croyais qu'on allait nous exécuter.
FILIP MULLER Juif tchèque,
survivant des cinq liquidations
du "commando spécial" d'AUSCHWITZ.
Tout à coup, devant une porte,
sous une petite lanterne au milieu de ce bâtiment...
un jeune Unterscharfuhrer a hurlé:
"Dedans, ordures, cochons!"
Et nous nous sommes retrouvés dans un corridor.
Il nous a chassés dans le corridor.
Aussitôt, la puanteur, la fumée m'ont suffoqué.
Nous avons couru encore...
et alors j'ai distingué les contours
des deux premiers fours.
Et entre les fours s'activaient quelques détenus juifs.
Nous étions dans la salle d'incinération du crématoire,
d'Auschwitz 1.
Et de là, on nous a forcés
vers une autre grande salle.
Et nous avons reçu l'ordre de dévêtir les cadavres.
Je regarde autour de moi...
il y a des centaines de corps.
Ils étaient habillés.
Entre les cadavres, pêle-mêle,
des valises, des paquets...
Et, disséminés un peu partout,
d'étranges cristaux bleu-violets.
Mais tout m'était incompréhensible.
C'est comme un choc à la tête, comme si vous étiez foudroyé.
Je ne savais même pas où je me trouvais!
Et comment était-il possible
de tuer tant de gens à la fois?
Nous en avions déjà dévêtu quelques-uns
quand l'ordre fut donné d'alimenter les fours.
Soudain, un Unterscharfuhrer se rua vers moi et me dit:
"Sors d'ici, va remuer les cadavres!"
Mais que signifiait "remuer les cadavres"?
Je suis entré dans la salle de crémation,
il y avait là un détenu juif,
Fischel, qui plus *** est devenu chef d'équipe.
Il m'a regardé, et j'ai vu
comment il fourgonnait le four avec une grande tige.
Il me dit alors: "Fais comme moi,
sinon, le SS t'assomme."
J'ai pris une pique et je l'ai imité.
Une pique?
Un pique-feu en fer.
Et j'ai obéi à l'ordre de Fischel.
J'étais à cet instant en état de choc, comme hypnotisé...
prêt à exécuter tout ce qui m'était commandé.
J'avais tellement perdu la raison, j'étais si épouvanté,
que j'ai fait tout ce que Fischel m'a dit.
Donc les fours ont été alimentés,
mais nous étions inexpérimentés...
et nous avons laissé tourner les ventilateurs
plus longtemps qu'il n'aurait fallu.
Les ventilateurs?
Oui. Des ventilateurs pour attiser le feu.
Ils ont fonctionné trop longtemps.
Les briques réfractaires ont tout à coup éclaté,
et les canalisations qui reliaient
le crématoire d'Auschwitz et la cheminée ont été obstruées.
La crémation s'est interrompue.
Les fours ne fonctionnaient plus.
Et plus ***, dans la soirée, des camions sont arrivés,
et nous avons dû charger le reste, environ 300 cadavres,
sur les camions,
et on nous a embarqués...
aujourd'hui encore je ne sais pas où,
mais c'était très probablement un champ à Birkenau.
Nous avons reçu l'ordre de décharger les cadavres...
et de les mettre dans une fosse.
Il y avait une fosse, une fosse artificielle...
tout à coup, de l'eau souterraine a jailli,
et a entraîné les corps vers le fond.
Dans la nuit,
nous dûmes arrêter cet horrible travail,
et on nous ramena à Auschwitz.
Le lendemain, nous fûmes reconduits au même endroit.
Mais l'eau avait encore monté.
Une voiture de pompiers est arrivée avec des SS
et ils ont pompé l'eau.
Nous avons dû descendre dans cette fosse boueuse,
afin d'y entasser les cadavres.
Mais ils étaient gluants.
Par exemple, quand j'ai voulu prendre une femme...
sa main était glissante, gluante, et j'ai voulu la tirer
mais je suis tombé en arrière, dans l'eau, dans la boue.
Et c'était pareil pour nous tous.
Là-haut, au bord de la fosse, Aumeyer et Grabner hurlaient:
"Remuez-vous, ordures, salauds!"
"On va vous mater, tas de merdeux!"
Et dans ces...
circonstances, si je puis dire,
il y avait 2 de mes camarades qui n'en pouvaient plus.
Parmi eux, un étudiant français.
Tous juifs... ils étaient à bout de force.
Et ils sont restés là, couchés dans la glaise.
Alors, Aumeyer a appelé un de ses SS:
"Vas-y, finis-moi ces ordures!"
Ils étaient à bout. Et ils ont été tués sur place.
A Birkenau, il n'y avait pas de crématoire à cette époque?
Non. Il n'y en avait pas encore.
Birkenau n'était pas achevé.
Seul le camp B1, le futur camp des femmes, existait.
C'est seulement début 1943 que des ouvriers qualifiés
et des manoeuvres, tous juifs,
ont dû travailler ici
et construire les 4 crématoires.
Chaque crématoire avait 15 fours...
un grand vestiaire d'environ 280 m²,
et une grande chambre à gaz
où on pouvait gazer jusqu'à 3000 personnes à la fois.
TREBLINKA
En septembre 42, on a édifié les nouvelles chambres à gaz.
Qui les a construites?
Sous la direction de Hackenhold et de Lambert...
ce sont les Juifs qui ont fait ce travail.
Le gros oeuvre, tout au moins.
Les portes, ce sont des charpentiers ukrainiens
qui les ont bâties.
Quant aux portes mêmes des chambres à gaz,
c'était des portes blindées de bunkers.
On les a apportées, je crois, de Bialystok...
il y avait là-bas des bunkers russes.