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Les personnages de Gears of War sévissent
sans l'ombre d'une hésitation.
Ils pourraient facilement s'emparer d'une tronçonneuse
pour couper un être vivant en deux.
Comment peut-on en faire des personnages sympathiques ?
Mais le but principal du jeu,
c'est de tuer des monstres et les charcuter.
C'est plus difficile qu'il n'y paraît.
[L'ÉCRITURE DE GEARS OF WAR : JUDGEMENT]
[AVEC KILL SCREEN]
Les marines bodybuildés de Gears of War
[JAMIN WARD, KILL SCREEN, FONDATEUR]
ne sont pas réputés pour leur sens de la narration,
mais un ancien monteur d'Hollywood et un ancien correspondant de guerre
travaillent actuellement sur la question.
Rob Auten et Tom Bissell ont passé plus d'un an
sur l'écriture du script de Gears of War : Judgement.
On s'est rendu à Kerry, en Caroline du Nord pour leur parler
des difficultés à raconter une histoire au travers d'un médium interactif
et de la nature participative des histoires de jeux vidéo.
C'est intéressant, parce que je pense que beaucoup d'écrivains
[ROB AUTEN, ÉCRIVAIN] ont une certaine réaction quand on leur dit qu'on écrit pour des jeux.
Je pense qu'ils s'imaginent
qu'on a juste à écrire un scénario de type : Niveau 1, rencontrer les montres,
niveau 2, tuer les monstres et ce genre de choses,
mais la réalité est toute autre.
Un jour, Marshal McLuhan a dit "Le message, c'est le médium".
Un jeu détermine vraiment le déroulement de l'histoire
et j'ai souvent dit que coller une histoire à un jeu
était une très mauvaise technique.
Contrairement à la plupart des jeux, ces écrivains travaillent
avec les développeurs depuis le début.
C'est ce qui a rendu le processus d'écriture plus difficile
et a nécessité de nombreux échanges.
Il faut écrire le dialogue, l'envoyer aux acteurs, puis les enregistrer.
À partir de là, on construit le jeu, on se rend à Epic
et on joue pour construire.
C'est là qu'on voit si les répliques marchent bien,
si la situation a changé. Des trucs du genre
"il y a trois montres maintenant, mais il n'y en avait qu'un",
peu importe,
donc on doit faire un autre enregistrement et jouer à nouveau.
Il faut bien mesurer la taille de la scène d'un jeu vidéo,
c'est minuscule.
Un plan peut consister en quelques expositions et cinématiques orchestrées.
Et il n'y a pas beaucoup de cinématiques dans le jeu.
Il doit y avoir 17 minutes au total,
ce qui est très peu.
On a vraiment essayer d'amener le jeu à l'essentiel.
En fait, l'histoire évolue à travers les niveaux.
Le joueur ne se fait pas agresser avec une longue histoire
et des scènes coupées.
On essaie de raconter l'histoire dans les niveaux du jeu.
D'un point de vue narratif, ce qui est intéressant dans Gears,
c'est que c'est l'histoire d'un procès,
et chaque niveau joué est un flashback.
Dans Judgement, vous pouvez incarner
chacun des quatre personnages à travers différentes parties de l'histoire.
Baird a son chapitre dédié, Sofia a son chapitre,
Cole a son chapitre et Paduk a son chapitre.
Donc cette idée de flashback a toujours fait partie de la structure
et ça donne une histoire plutôt linéaire
jusqu'à ce qu'on leur pose des questions sur leurs actes,
ce que le joueur découvrira au cours du jeu.
Ils ont ajouté un système très cool
de déclassification. Mettons que vous aperceviez
un Crimson omen sur le mur. Si vous déclassifiez
cette partie du niveau, le jeu devient plus dur.
On a écrit les parties narratives pour ces déclassifications,
comme on voulait une bonne part de rejouabilité,
il a fallu qu'on écrive quatre scripts.
On doit pas être loin de 20 000 lignes,
entre 85 000 et 100 000 mots.
Nous avons écrit des choses que je ne pensais
même pas pouvoir inclure.
Je n'avais jamais imaginé que je passerais un week-end entier à écrire
50 manières différentes de ramasser un pistolet.
Qui a fait tomber ça ?
Ce qui est étrange dans l'écriture d'un jeu vidéo,
c'est qu'on ne sait pas si ça va marcher avant de voir le jeu.
Il faut essayer le jeu vidéo et s'immerger.
Se rappeler des niveaux,
savoir quel combat précédera
. telle ligne de dialogue.
C'est la seule façon d'écrire un dialogue qui donne l'impression
que les personnages répondent à quelque chose de réel.
Les écrivains sont responsables de ce que disent les personnages
mais ce sont les level designers qui donnent vie à leurs dialogues
et qui décident à quel moment les personnages vont les prononcer.
Ils travaillent ensemble pour intégrer l'histoire
au gameplay, au son et aux visuels.
Quand il s'agit d'implémenter un dialogue dans un niveau,
[JOHN LIBERTO, LEVEL DESIGNER] le plus gros défi technique
est de s'assurer qu'il y a assez de place
dans le niveau pour raconter l'histoire.
En tant que level designer, je me trouve parfois coincé.
Dans le sens où il faut aller à un endroit, se battre,
qu'est-ce que je vais mettre dans le prochain combat ?
Et parfois, les écrivains reviennent avec
plusieurs lignes sur un sujet. On doit parfois ajuster
l'espace du niveau pour laisser place au dialogue.
Un couloir peut ainsi devenir plus long.
Changer une ligne est plus facile qu'en ajouter une.
Le plus simple, c'est de supprimer une ligne.
En tant qu'écrivain de jeu, j'ai fini par réaliser
que ça vaut le coup de réfléchir sérieusement
aux questions des level designers.
Leur implémentation est plus importante que la notre.
- En fait c'est eux
- qui racontent l'histoire. - ce sont eux
qui façonnent le jeu
dans lequel nos mots prennent place.
À gauche, on a l'éditeur de niveau
et à droite c'est Kismet,
notre programme pour Unreal Engine 3.
Quand les ennemis apparaissent dans un niveau,
ce que l'intelligence artificielle fait lors de leur apparition,
tout ça est géré sur Kismet.
Ce qui inclut également les dialogues.
Cette séquence se déclenche quand les joueurs approchent
le convoi que vous pouvez voir sur la gauche,
. mais pour ça, il faut que la conversation se termine.
C'est un bon exemple si le joueur se met à courir,
on ne veut pas qu'il loupe la moindre information.
Il y a plusieurs versions de dialogues
qui sont aléatoires, donc à chaque fois que vous jouez,
vous avez différentes répliques venant de personnages différents,
ce qui ajoute du dynamisme.
[CHRIS PERNA, DIRECTEUR ARTISTIQUE] Quand je travaille sur un gros niveau,
je consulte les écrivains pour
avoir des brouillons de l'histoire, ce qui me permet de diriger ce que je vais faire.
C'est comme un parapluie. On a l'histoire tout en haut,
qui se déploie pour donner des esquisses. Puis il y a les modélistes,
les level designers, les chara designers,
ceux qui se chargent du gameplay et les programmeurs.
Et tout finit par donner une ébauche d'idée.
Ces types sont géniaux. Ce sont de vrais visionnaires
et on a besoin de ça au sommet de notre parapluie.
Écrire des jeux vidéo représente le futur de la narration.
C'est un environnement collaboratif et interactif,
les joueurs sont au centre et l'histoire nait du gameplay.
Un écrivain de jeu a un registre très limité
en termes d'expression.
Ils occupent 20% du jeu,
20% pour le directeur audio,
20% pour les acteurs,
et 20% de plus pour le level designer
qui intègre les lignes au jeu.
Quand on comprend à quel point on est limité,
on contrôle sa petite partie du jeu.
Ce n'est pas à déplorer. C'est la partie collaborative
d'un jeu qui en fait un processus
aussi jouissif.