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Traducteur: Mohand Habchi Relecteur: Melanie Rozes
Pendant longtemps,
j'ai eu l'impression de mener une double vie.
Une vie publique visible de tous,
et une vie solitaire dont j’étais le seul spectateur.
Dans la vie publique,
je suis l'ami,
le fils, le frère,
le comédien de stand-up et l'adolescent.
C'est donc de cette façon que les gens me perçoivent.
Si vous deviez demander à mes amis et à ma famille de me décrire,
c'est probablement ce qu'ils vous diraient.
Effectivement c'est une énorme partie de moi. C'est bien qui je suis.
Et si l'on me demandait de me décrire,
je dirais probablement la même chose.
Ce ne serait pas vous mentir,
mais ce ne serait pas non plus vous dire toute la vérité.
Car pour dire vrai,
ce n'est que la partie visible de la personne que je suis.
Dans ma petite vie solitaire, ce que je suis,
qui je suis vraiment,
c'est quelqu'un qui lutte intensément contre la dépression.
C'est un combat quotidien que je mène,
depuis maintenant six ans.
Cela peut paraître surprenant
pour quelqu'un qui n'a jamais connu la dépression
ou qui ne sait pas ce que la dépression signifie vraiment,
à cause de cette idée reçue
qui veut que la dépression soit simplement le fait d'être triste
quand quelque chose va mal dans notre vie,
lorsque l'on rompt avec notre petite amie,
quand on perd un être cher,
ou quand on n'obtient pas le poste que l'on voulait.
Mais ça c'est de la tristesse. C'est une chose naturelle.
C'est une émotion humaine naturelle.
La vraie dépression n'est pas le fait de se sentir triste
quand quelque chose va mal dans notre vie.
La vraie dépression, c'est le fait d'être triste
quand tout va pour le mieux dans notre vie.
Voilà ce qu'est la vraie dépression, et c'est d'elle dont je souffre.
Et pour être tout à fait honnête,
il m'est difficile d'être ici et de m'exprimer devant vous.
Il m'est difficile d'en parler,
et ça semble être tellement dur pour tout le monde,
que personne n'en parle.
Personne ne parle de la dépression, pourtant nous devrions,
car c'est un énorme problème en ce moment.
C'est un énorme problème.
Mais on ne le voit pas sur les réseaux sociaux, n'est-ce pas ?
On ne le voit pas sur Facebook. On ne le voit pas sur Twitter.
On n'en entend pas parler aux informations, parce que ce n'est pas ***,
ce n'est pas amusant, ce n'est pas un sujet léger.
Et comme on ne le voit pas, on ne prend pas conscience de la gravité de cette maladie.
En fait, la situation alarmante qui illustre cette gravité est la suivante :
toutes les 30 secondes,
toutes les 30 secondes, quelque part,
quelqu'un dans le monde met fin à ses jours
à cause de la dépression,
Ça peut arriver à deux pâtés de chez vous, dans un pays voisin,
ou sur un autre continent, ce qui est sûr c'est que ça se produit,
et ça se produit tous les jours.
Et notre société a tendance
à regarder cela d'un œil négligent.
Peu importe finalement, on se contente de regarder et de dire : « C'est son problème.
C'est leur problème. »
On dit que l'on est triste, on dit que l'on est désolé,
mais l'on dit aussi : « Et alors ? »
Figurez-vous qu'il y a deux ans de cela, c'était mon problème,
parce qu'en m’asseyant comme d'habitude
sur le bord de mon lit,
je me suis rendu compte que j'étais suicidaire.
J'étais suicidaire, mais si vous ne me regardiez qu'à travers ma vie publique,
vous n'auriez pas pu démasquer l'enfant suicidaire que j'étais.
Vous n’y auriez vu qu'un gamin qui était le capitaine de son équipe de basket-ball,
un brillant étudiant en théâtre et en dramaturgie,
un brillant étudiant en anglais,
quelqu'un qui figurait toujours sur le tableau d'honneur
et systématiquement présent à toutes les fêtes.
Vous n'auriez pas cru le moins du monde que je pouvais être
dépressif et suicidaire, mais vous auriez eu tort.
Vous auriez eu tort. Car si vous m'aviez vu ce soir-là, assis sur mon lit
tenant une boite de pilules, un stylo et du papier dans les mains,
vous auriez vu à quel point
j'étais prêt à commettre l'irréparable.
J'étais à deux doigts de le faire.
Et je ne l'ai pas fait, je fais partie de ces personnes chanceuses.
De celles qui se mettent sur le bord
puis regardent vers le bas mais ne sautent pas.
L'un des chanceux qui ont survécu.
J'ai donc survécu, et ça m'a permis de prendre conscience de la mesure de mon problème.
Et mon problème est le suivant :
En quatre mots tout simples, je souffre de dépression.
Je souffre de dépression,
et je pense que, pendant longtemps,
j'ai vécu ma vie à travers deux personnages différents,
l'un de ces personnages avait toujours peur de l'autre.
J'avais peur que les gens me voient sous mon vrai visage,
qu'ils découvrent que je n'étais pas l'enfant parfait et populaire que tout le monde pensait à l'école,
que sous ma désinvolture, se cachait une lutte,
que derrière ma lumière, il faisait sombre,
et que sous ma forte personnalité se cachait une douleur encore plus forte.
Il existe des personnes qui craignent que les filles ne les aiment pas en retour.
D'autres craignent les requins. D'autres craignent la mort.
Pour ma part, durant une grande partie de ma vie, je me craignais moi-même.
J'avais peur de ma vérité, je craignais mon honnêteté, je craignais ma vulnérabilité,
et cette peur m'a conduit à penser
que j'étais dans une impasse,
que j'étais dans une impasse et qu'il n'y avait qu'une seule issue possible,
et, tous les jours, j'étais rongé par cette idée.
J'y pensais tous les jours,
et si je veux être totalement honnête avec vous,
j'y ai pensé de nouveau depuis, parce que ça fait partie de la maladie,
ça fait partie de la lutte, ça fait partie de la dépression,
et la dépression n'est pas la varicelle.
Ce n'est pas en l'attrapant une fois que vous serez immunisé pour le reste de votre vie.
C'est une chose avec laquelle vous vivez. C'est une chose dans laquelle vous vivez.
C'est la coloc que vous ne pouvez pas mettre dehors. C'est la voix que vous ne pouvez pas ignorer.
Ce sont les sentiments que vous ne pouvez fuir.
Et le plus effrayant est, qu'après un certain temps,
vous devenez insensible à cela. Cela devient banal pour vous,
et ce qui vous fait le plus peur
n'est pas la souffrance que vous gardez à l'intérieur de vous,
mais les stigmates que les gens enferment à l'intérieur d'eux.
C'est cette honte, cette gêne,
ce regard désapprobateur sur le visage d'un ami,
ce sont ces chuchotements dans le couloir qui disent que vous êtes faible,
ce sont ces commentaires qui disent que vous êtes fou.
C'est ce qui vous empêche de demander de l'aide.
C'est ce qui vous amène à vous renfermer et à vous cacher.
C'est la stigmatisation. Donc, vous vous renfermez et vous vous cachez,
vous vous renfermez et vous vous cachez,
même si ça vous fait rester au lit tous les jours
et que cela rend votre vie vide, peu importe les efforts que vous déployiez pour combler ce vide,
vous vous cachez, parce que les stigmates de la dépression
sont profondément ancrés dans notre société.
C'est tellement vrai, et si vous pensez que ce n'est pas le cas, demandez-vous si
vous préféreriez poster comme prochain statut Facebook,
que vous arrivez difficilement à sortir du lit
à cause de votre mal de dos,
ou que vous avez du mal à sortir du lit chaque matin
parce que vous êtes dépressif ?
Tel est le stigmate, parce que malheureusement,
on vit dans un monde où, si vous vous cassez un bras,
tout le monde se précipite vers vous pour signer votre plâtre,
mais si vous dites aux gens que vous êtes dépressif, tout le monde court dans le sens inverse.
Tel est le stigmate.
Car il est totalement admis d'être affecté par l'altération d'un organe de notre corps
du moment que l'organe en question n'est pas le cerveau. C'est de l'ignorance.
C'est de la pure ignorance, et c'est cette ignorance qui a façonné
ce monde, qui ne comprend pas la dépression,
qui ne comprend pas la santé mentale.
Et je trouve cela ironique, parce que la dépression
est l'un des problèmes les mieux documentés au monde,
pourtant c'est l'un des problèmes les moins discutés.
On préfère l'ignorer, l'occulter,
ne pas l'affronter, et espérer qu'il va se résoudre tout seul.
Eh bien, c'est faux, ça n'arrivera ni aujourd'hui, ni demain
parce que c'est un vœu pieux,
et le vœu pieux n'est pas une stratégie, c'est de la procrastination,
et nous ne pouvons pas procrastiner sur une question aussi importante.
La première étape dans la résolution d'un problème quelconque
est d'admettre qu'il en est un.
Nous n'avons pas fait cela. Alors comment peut-on espérer
trouver une réponse, quand on a encore peur de poser la question.
Je ne sais pas quelle est la solution.
J'aurais aimé savoir, mais je ne sais pas. Mais je pense que,
je pense que ça doit commencer ici.
Ça doit commencer par moi, ça doit commencer par vous,
ça doit commencer par les gens qui souffrent,
ceux qui sont cachés dans l'ombre.
On a besoin de se faire entendre et de briser le silence.
On doit être se battre pour ce que l'on croit,
parce qu'il y a une chose que j'ai réalisée au cours du temps :
s'il y a une chose que je considère comme le plus grand défi,
ça n'est pas la construction d'un monde
où l'on éliminerait l'ignorance des autres.
C'est la construction d'un monde où l'on enseignerait l'acceptation de soi,
où l'on s'accepterait pour ce que l'on est,
parce que quand on décide d’être honnête avec soi,
on s'aperçoit que l'on lutte tous et que l'on souffre tous.
Que ce soit à cause de cela, ou à cause de quelque chose d'autre,
on sait tous ce que c'est que d'avoir mal.
On sait tous ce que c'est que de ressentir de la douleur dans notre cœur,
et l'on sait tous combien il est important de guérir.
Mais pour le moment, la dépression est une profonde blessure sociale
que l'on se contente de recouvrir d'un pansement de fortune pour prétendre qu'elle n'est pas là.
Eh bien, elle est là. Elle est là, et vous savez quoi ? Il n'y a rien de honteux à cela.
Il n'y a rien de mal à être dépressif. Si vous traversez une phase dépressive, sachez qu'il y a rien de mal à cela.
Et sachez que vous êtes malade, que vous n'êtes pas faible,
et que c'est une maladie, et non pas une identité,
parce que ce n'est que quand vous surmontez votre peur du ridicule,
du jugement et de la stigmatisation des autres,
que vous arrivez appréhender la dépression à sa juste mesure,
elle fait partie intégrante de la vie,
une partie intégrante de la vie, et autant que je hais,
autant que je hais les endroits obscurs,
dans lesquels la dépression m'a conduit à me retrouver.
A bien des égards, je suis lui reconnaissant d'avoir connu cela.
Parce que oui, ça m'a poussé au fond du ravin,
mais ce n'était que pour mieux apercevoir les sommets.
Oui, ça m'a plongé dans l'obscurité,
mais ce n'était que pour mieux apprécier la lumière.
En 19 ans, ma douleur, plus que tout autre chose sur cette planète,
m'a donné une perspective, et ma blessure,
ma blessure m'a contraint à avoir de l’espoir,
avoir de l'espoir et avoir foi, foi en moi-même,
foi en les autres, foi en un lendemain meilleur,
où l'on pourrait changer la donne, où l'on pourrait se faire entendre,
s'exprimer et lutter contre l'ignorance,
où l'on pourrait se battre contre l'intolérance,
et plus que tout,
apprendre à s'aimer soi-même,
apprendre à s'accepter tel que l'on est,
pour ce que l'on est, pas pour ce les gens voudraient que l'on soit.
Parce que le monde auquel je crois, est un monde
où embrasser sa lumière ne signifie pas dissimuler son coté sombre.
Le monde auquel je crois est un monde où l'on est apprécié
pour notre capacité à surmonter l'adversité, et non pas à l'éviter.
Le monde auquel je crois est un monde où je peux regarder quelqu'un dans les yeux
et lui dire : « Ma vie est un enfer »,
et où lui peut me regarder en face et me dire : « Moi aussi », et il n'y a rien honteux à cela,
il n'y a rien de honteux parce qu'il n'y a pas de honte à être dépressif. Nous sommes de simples mortels.
De simples mortels, qui luttons, qui souffrons
qui saignons et qui pleurons, et si vous pensez qu'être fort
signifie ne montrer aucune faiblesse, laissez-moi vous dire
que vous avez tort.
Vous avez tort, parce que c'est tout le contraire.
Nous sommes des êtres humains, et nous avons des problèmes.
Nous ne sommes pas parfaits, et il n'y a rien de honteux à cela.
On doit arrêter l'ignorance,
arrêter l'intolérance, arrêter la stigmatisation,
briser le silence, et lever les tabous,
voir la vérité en face, et commencer à parler,
parce que la seule façon de vaincre un problème
que les gens affrontent seuls
est de se soutenir mutuellement,
se soutenir mutuellement.
Et je crois que nous pouvons le faire.
Je crois que nous pouvons le faire. Un grand merci à vous.
C'est un rêve devenu réalité. Je vous remercie. (Applaudissements)
Je vous remercie . (Applaudissements)