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PAGES ARRACHÉES DU LIVRE DE SATAN
Quatre récits de Edgar Hoyer adaptés par Carl Th. Dreyer
Mise en scène de Carl Th. Dreyer Photographie de George Schneevoigt
Voici la légende de Satan :
Le péché. Et Dieu dit à Satan :
"Toi qui étais mon ange de Lumière,
tu es tombé pour avoir voulu ce que je ne voulais pas.
Dans ton entêtement,
tu as tenté les hommes que j'ai crées à mon image
et tu les as éloignés de moi !"
Le jugement. Et Dieu condamna Satan :
"Tu poursuivras ton œuvre parmi les enfants des hommes.
Habite parmi eux. Prends des apparences humaines
et tente-les pour qu'ils agissent contre ma volonté."
La condamnation. Et Dieu maudit Satan et dit :
"Il faut que tu le saches :
chaque fois que quelqu'un succombera à la tentation
la malédiction qui pèse sur toi sera prolongée de cent solstices.
Par contre, lorsque quelqu'un te résistera,
ton jugement sera écourté de mille ans.
Va, et poursuis ton œuvre maléfique !"
PREMIER RÉCIT
Jérusalem. En l'an 30 après la naissance de Jésus.
C'était dans les derniers jours de la vie terrestre de Jésus.
L'avant-veille de Pâques,
les grands prêtres et les sages étaient rassemblés dans la maison de Caïphe.
Les paroles de Jésus avaient irrité les sages,
et Satan, voyant le terrain préparé pour y semer l'ivraie,
prit la forme d'un Pharisien et alla visiter Caïphe.
Satan : Helge Nissen
Caïphe.
Le même soir, Jésus et ses disciples étaient réunis
dans la maison de Simon le lépreux.
Jesus : Halvard Hoff
Satan trouvera une oreille complaisante chez les prêtres et les sages
inquiets de la popularité de Jésus, gagnée par ses miracles.
"J'arrive justement de Béthanie où chacun parle de Jésus."
"Depuis qu'il a ressuscité Lazare d'entre les morts,
"partout on le salue comme s'il était un roi !"
Cependant, Satan observe avec un chagrin secret
le mauvais grain qu'il a semé et qui lève déjà.
"Si nous le laissons poursuivre de la sorte,
"tous finiront par croire en lui et nos temples seront déserts !"
L'onction de Jésus.
Et la femme oignit les pieds de Jésus
et les essuya de ses cheveux.
"Pourquoi ce baume n'a-t-il pas été vendu 300 deniers
"et l'argent distribué aux pauvres ?"
Mais Jésus semonça Judas et dit : "Laissez-la en paix,
"car vous aurez toujours des pauvres parmi vous,
"moi, vous ne m'aurez pas toujours."
Les sages exigèrent d'une commune voix
que Caïphe fisse saisir Jésus et le fisse mettre à mort.
"Que votre volonté soit faite.
"Malheur à celui qui se dresse contre nous ! Il doit mourir !"
"Pourquoi crois-tu en lui ? Il se dit le fils de Dieu,
"mais c'est le fils du Démon
"et il t'a lié par la puissance diabolique !"
"Nous nous verrons à midi, à la Porte d'Or.
"Je sais que tu viendras !"
Le lendemain était le premier jour de la fête des Azymes...
Judas a passé une nuit sans sommeil, tourmenté par le doute
que les Pharisiens ont imprimé dans son esprit.
Mais vers midi,
une force mystérieuse, plus puissante que lui,
semble pousser ses pas vers la Porte d'Or.
"Je ne te veux aucun mal, juste le salut de ton âme !"
Le même jour, les disciples vinrent à Jésus et lui dirent :
"Où voulez-vous que nous préparions l'agneau pascal ?"
Jésus leur répondit : "Allez-vous en à la ville,
"vous rencontrerez un homme portant une cruche d'eau.
"Suivez-le."
"Tu souffres par sa faute.
"Il t'a promis un monde de miséricorde, mais il n'est pas le fils de Dieu.
"Ce n'est qu'un homme, un imposteur."
"Sa condamnation est prononcée. Il doit mourir.
"Et le dieu d'Israël t'a choisi pour être son instrument."
"Je ne le peux pas. Je ne le veux pas !"
"Ne jure pas. Je sais que tu le veux.
"Je t'attendrai près du puits
"quand les Romains sonneront la relève de la deuxième garde."
Et quand l'heure fut venue,
il s'assit à la table au milieu de ses disciples.
Et tandis qu'ils mangeaient, il leur dit :
"En vérité, je vous le dis, l'un d'entre vous me trahira."
"Seigneur, est-ce moi ?"
Et il rompit le pain, le trempa et le donna à Judas en disant :
"Ce que tu as à faire, fais-le vite !"
Et Jésus bénit le calice.
Le cantique d'action de grâce.
Et ayant chanté le cantique,
Jésus et ses disciples s'en allèrent sur le Mont des Oliviers.
Mais, dans le même temps,
une troupe de gardes sortait du temple des Juifs
pour arrêter Jésus sur l'ordre de Caïphe.
Des soldats romains les suivaient.
"Seigneur, où vas-tu ? Nous sommes las. Laisse-nous nous reposer ici."
Et Jésus se releva après avoir prié, et s'en fut vers ses disciples,
mais il les trouva endormis.
"Comment reconnaîtrai-je Jésus ?"
"Le baiser de l'amitié sera le signe."
Et Jésus pria :
"Mon père, s'il est possible, faites que ce calice s'éloigne de moi."
Mais Jésus dit :
"Le moment approche où le Fils de l'Homme sera livré aux pécheurs."
Jésus : "Qui cherchez-vous ?"
Et il leur demanda de nouveau : "Qui cherchez-vous ?"
Et Jésus dit : "Comment peux-tu, Judas,
trahir le Fils de l'Homme par un baiser ?"
Mais Satan, l'ange déchu, n'aspirait qu'à la grâce du Tout-Puissant
et voyait avec chagrin le succès de son œuvre mauvaise.
Et sa peine était d'autant plus profonde
qu'il avait livré le Fils de Dieu aux bourreaux des hommes.
Mais la voix du Seigneur retentit : "Poursuis ton œuvre mauvaise !"
DEUXIÈME RÉCIT À Séville, en Espagne
Époque : XVIe siècle.
Au XVIe siècle, l'Inquisition espagnole était à l'apogée de sa puissance.
Innombrables sont les récits des scènes d'horreur
qui se déroulaient dans les chambres de torture de l'Inquisition.
Le noble Don Gomez de Castro qui étudie pour son plaisir
les sciences modernes : l'astronomie et l'astrologie.
Don Gomez de Castro : Hallander Hellemann
Sa fille Isabella étudiait les mathématiques et l'histoire
avec le savant moine Don Fernandez y Argote.
Isabella : Ebon Strandin Don Fernandez : Johannes Meyer
L'intendant José. José : Nalle Haldén
"Mon neveu, le Comte Manuel,
"m'annonce qu'il a une permission
"et qu'il va nous rendre visite."
En vain, Don Fernandez s'impose les pénitences les plus dures
mais Isabella est toujours la robe de ses pensées.
Le grand Inquisiteur. Satan : Helge Nissen
Le désir s'est emparé de l'esprit de Don Fernandez
au point que même la Sainte aux pieds de la croix
prend à ses yeux l'apparence d'Isabella.
"Mon fils, pourquoi ne pas te mettre au service de l'Inquisition ?"
"Souviens-toi qu'il n'est pas de but inaccessible à l'Inquisition."
Quelques jours plus ***.
Comte Manuel de Herrera : Hugo Bruun
"Des circonstances que je dois taire,
"m'ont contraintes à prendre cette décision.
"C'est avec regret que je quitte cette maison.
"Elle m'aura offert mes plus beaux souvenirs."
Les semaines passaient comme un jeu pour Isabella et le Comte Manuel,
mais le jour vint où celui-ci dut retourner aux armées.
Au même moment,
Don Fernandez jurait une obéissance aveugle à l'Inquisition.
"Jure que tu sera toujours prêt pour le service de Dieu !
"Et que tu es même prêt à livrer
"ton père, ta mère, ton frère ou ta sœur
"à la justice sacrée de l'Inquisition !"
L'horoscope.
"Regarde. Saturne s'oppose à son propre signe.
"Dans la maison de la mort. Ma dernière heure est proche !"
Dans le cabinet du Grand Inquisiteur.
"Ne soyez pas surpris. José est un fidèle ami de l'Inquisition.
"Tu as raison, José. Celui qui prétend
"lire la volonté de Dieu dans les astres est un hérétique.
"Tu as entendu José. Don Gomez est un hérétique,
"et la fille d'un hérétique est aussi une hérétique.
"Ton premier devoir sera, dès ce soir,
"de les mettre tous les deux à l'abri derrière les murs de l'Inquisition."
"Ta foi n'est-elle pas assez forte ? As-tu déjà oublié ton serment ?
Quand, sur le cadran solaire de Don Gomez,
l'ombre indiqua le déclin du jour...
La chambre de torture de l'Inquisition.
"Détachez-le ! L'interrogatoire est terminé jusqu'à nouvel ordre."
L'interrogatoire est terminé pour toujours.
"Dieu est le pauvre pêcheur en sa Sainte Miséricorde."
La prison de l'Inquisition.
"Je t'ordonne
"de poursuivre l'interrogatoire dans la chambre de torture."
"Je ne suis pas maître de moi devant cette femme."
"Que m'importe le corps de l'hérétique, si son âme est sauvée."
Ô prodige !
Le lendemain, le soleil se leva comme tous les autres jours.
La cour condamne ladite Isabella à être brûlée sur le bûcher.
Mais Dieu ne donna pas à Satan le temps de réfléchir.
Avec une sévérité inexorable, retentirent les paroles de la damnation :
"Poursuis ton œuvre mauvaise !"
TROISIÈME RÉCIT À Paris, à l'automne 1793.
Le 21 janvier 1793,
la tête de Louis XVI était tombée sur l'autel de la liberté,
et des mains infatigables s'affairaient à dresser la guillotine
pour la Reine Marie-Antoinette.
Dans la nuit du 1er au 2 août, à 4 heures du matin,
la malheureuse reine fut transférée de sa prison du Temple
à la Conciergerie,
que l'on appelait aussi "la prison des condamnés".
Marie-Antoinette : Tenna Frederiksen
Et la reine dut signer un quitus
attestant qu'elle avait bien été remise entre les mains
des geôliers de la Conciergerie.
Un mois plus ***, le 5 septembre 1793,
la Convention adopta la redoutable loi
organisant une armée révolutionnaire
qui devait, accompagnée d'une guillotine,
parcourir la province par petits détachements
pour arrêter et exécuter "tous les suspects".
Le salon de musique au château de Chambord.
Le Comte de Chambord : Viggo Wiehe
La Comtesse de Chambord : Emma Wiehe
Jeunesse insouciante.
Leur fille Geneviève de Chambord : Jeanne Tramcourt
"Voilà la guillotine ! Voilà la Guillotine !"
En ces temps, c'était chacun pour soi.
Ces tribunaux itinérants avaient le pouvoir
de prononcer et de faire exécuter les jugements sur-le-champ,
ils étaient présidés par des commissaires
dont on exigeait avant tout qu'ils ignorassent la pitié.
Le commissaire du peuple : Emil Helsengreen
"Joseph, je sais que tu exauceras la dernière prière de ton maître.
Promets-moi de mettre en sûreté ma femme et ma fille
et d'être toujours pour elles un ami fidèle.
Joseph : Elith Pio
"Il est donc prouvé d'une façon irréfutable
"que le Comte de Chambord a été l'instigateur d"un complot
"ayant pour but de faciliter la fuite de la Reine de France,
"la Veuve Capet."
Fuite nocturne.
À la Conciergerie.
Après deux jours de voyage sans incident,
les fugitifs de Chambord approchent de leur but :
Paris.
Joseph a réussi à se procurer un faux passeport
au nom de la citoyenne Grandet, de sa fille et de son fils.
Il espère qu'ainsi, ils pourront entrer dans Paris.
À Paris, dans le cabaret de la "Taverne Pitou",
le chanteur populaire Michonnet
se taille un franc succès en chantant "La Marseillaise"
qui est depuis peu à la mode.
Le Père Pitou : Viggo Lindstrom
Sur la grand' route.
Aux portes de la ville.
Ernest Durand,
domestique au service du Comte de Chambord.
Aujourd'hui conquis par les nouvelles idées politiques.
Satan : Helge Nissen
"Je ne veux pas de remerciements. J'ai agi en suivant ma conscience."
"Mais si vous tenez à me faire plaisir,
"donnez-moi le médaillon avec le portrait de votre fille.
"Je sais que vous le portez toujours sur vous."
"Je vous le donne volontiers.
"Vous avez le droit d'exiger de moi ce que j'ai de plus cher."
"Soyez tranquille. Je ne vous trahirai pas.
"Vous avez toujours été bon.
Pourquoi vous voudrais-je du mal ?"
"Ce sont les révolutionnaires,
"ils se réunissent pour débattre autour de l'actualité politique."
À la Conciergerie.
À cette époque, rien n'était plus galvaudé que la devise :
Liberté, Égalité, Fraternité.
Elle avait été adoptée partout.
Nous pouvions même nous la faire tatouer.
"Crois-moi, ce type-là ira loin.
"Avec une tête comme la sienne,
"il est promis aux plus hautes responsabilités de la République."
"Qu'étais-je il y a deux mois ? Un domestique, comme toi !
Et maintenant, je fais partie du Club des Jacobins
"et je suis en passe d'avoir un siège à la Convention."
"Tu peux aller aussi loin, si tu veux."
"Cette carte donne accès aux réunions des Jacobins.
"Viens-y demain,
"je te présenterai à quelques-uns de mes amis politiques."
À la Conciergerie,
la lie des prisonnières se rassemblait chaque jour dans la cour
sous les fenêtres de la cellule de Marie-Antoinette,
et elles couvraient la reine des pires injures.
"Cette sale sorcière est la cause de tous nos malheurs.
"Pourquoi ne lui avons-nous pas jetée un sort ?"
"J'ai caché ici les derniers numéros du "Père Duchesne".
"Je propose d'en faire cadeau à sa Majesté.
Elle doit en avoir assez
de toujours relire sa "Passion de Jésus" !
Le tyran est mort, mais ses fidèles sont toujours vivants.
Vous n'aurez pas la paix avant qu'ils ne disparaissent.
Faites attention ! La liberté est en jeu !
Quelques temps plus ***.
Grâce à l'influence d'Ernest,
Joseph fait déjà partie des hommes de confiance des Jacobins.
"Pourquoi ne pas la demander en mariage ?"
"Tu oublies que tu as des armes pour la contraindre.
"Elle ne tient sans doute pas à voir sa mère ou elle-même
"parée du collier de la guillotine."
À la Conciergerie.
Tous les liens terrestres étaient brisés pour Marie-Antoinette,
à l'exception de celui qui unit une mère à son enfant.
Elle gardait contre son sein
le portrait de son fils et une boucle de ses cheveux.
Elle avait réussi à les dissimuler à ses geôliers
dans un vieux gant de cuir jaune.
Bien que Joseph appartienne à présent corps et âme à la révolution,
il ne laisse pourtant pas passer un jour sans rendre visite
à ses anciens maîtres qui, grâce à lui, jouissent de conditions supportables.
Cette époque de terreur
avait une telle influence sur l'âme du peuple
que même les enfants jouaient à la guillotine.
Les accusés.
L'accusateur public.
L'auditoire.
Le juge.
"Le citoyen Chat a offensé la République
"en arborant la couleur blanche de la royauté.
"Il doit payer de sa tête !"
Entre temps, Joseph a un long entretien
avec la Comtesse de Chambord.
Personne ne sait de quoi il s'agit
et personne ne doit le savoir.
Vers l'échafaud.
"Tu nous a comblés de tes bienfaits
"et tu as risqué ta vie pour nous.
"Joseph, tu sais que je te considère comme un ami dévoué...
"mais tu sais aussi
"qu'il ne saurait être question entre nous que d'amitié."
Vive la liberté !
Mais, le soir même, un misérable infirme
que la Destinée avait fait aussi sourd que muet,
se rendait chez l'accusateur public, Fouquier-Tinville.
Fouquier-Tinville : Vilh. Petersen
"La Comtesse de Chambord et sa fille Geneviève
"se cachent sous le nom de Grandet dans la rue de Saint-Antoine,
"et sont sur le point de quitter le pays."
Rue Saint-Antoine, on prépare l'invasion.
L'infirme avait atteint son but,
mais son regard ne reflétait pas la joie du triomphe,
car c'est Satan qui se dissimule sous les vêtements du misérable.
Satan, qui est condamné à tenter les hommes.
Chez Fouquier-Tinville.
"Vous demandez nos noms. Lisez-les vous-même sur notre passeport."
"Mon enfant, je suis trop vieille pour mentir."
"Oui, je suis la Comtesse de Chambord
"et cette jeune femme est ma fille, Geneviève."
"Mais toi, citoyen..."
"toi que nous considérons tous comme un bon patriote,
"tu as voulu aider les aristocrates dans leur fuite ?"
"La Comtesse de Chambord et sa fille Geneviève
"se cachent sous le nom de Grandet dans la rue de Saint-Antoine."
"À présent, je comprends.
"C'est toi, l'auteur de la lettre de dénonciation."
Il est des noix que même un Fouquier-Tinville peine à casser.
"Parle maintenant.
"C'est toi qui as envoyé la lettre ? Oui ou non ?"
"Tu n'auras pas en vain prouvé ton dévouement à la République.
"Le poste d'Inspecteur de la Police va bientôt se trouver vacant,
"je ferai en sorte que tu l'obtiennes."
Le salaire de Judas revient à Judas
Le 14 Octobre 1793,
Marie-Antoinette comparaissait devant le Tribunal Révolutionnaire.
Le procès dura deux jours.
Quand, dans la nuit du 15 au 16,
elle entra dans sa cellule,
les jurés avaient à l'unanimité condamné à mort la Reine des Français.
Sur la place de la Concorde, le bourreau et ses assistants
préparent le lit de mort de Marie-Antoinette.
Tandis que l'aube se lève lentement,
Marie-Antoinette écrit à sa belle-sœur, la princesses Elizabeth
La lettre trempée de larme est entrée dans l'Histoire sous le nom
de "Testament de Marie-Antoinette".
"Ce 16 octobre, à quatre heures et demie du matin.
"C'est à vous, ma sœur, que j'écris pour la dernière fois.
"Je viens d'être condamnée, non pas à une mort honteuse,
"elle ne l'est que pour les criminels,
"mais à aller rejoindre votre frère.
"Comme lui innocente..."
Non loin de là, dans une autre cellule,
une autre femme écrivait.
"À Joseph Gilvert, de Lady Geneviève de Chambord"
"À cet instant, j'entends dans la cour la carriole de la mort,
"elle veut emmener ma mère à l'échafaud.
"Ceci est ma dernière prière.
"Ernest est au cœur d'un complot visant à libérer la Reine.
"Aidez-le.
"Je vous pardonnerai et vous chérirai jusqu'à mon dernier souffle."
"Porte ceci à Joseph, avec mon dernier adieu."
Des misérables hardes qu'on lui a laissées,
Marie-Antoinette, naguère la plus jolie femme de France,
s'est parée comme pour une fête.
"C'est elle que vous devez remercier,
"c'est grâce à elle que je suis un traître à la République."
"Je me souviens bien de cette jeune femme. Où est-elle à présent ?"
"Elle a été décapitée ?"
"Quel cœur est assez dur pour avoir livré cette enfant au bourreau ?"
"Viens vite, la route est libre !"
"Souviens-toi de ta promesse à Geneviève.
"Ne songe pas à toi-même."
Son orgueil blessé, dans un moment de soudaine colère,
Joseph oublie le serment fait à Geneviève
et la cause de la Reine dont le sort lui a été confié.
"On la prépare à la mort.
"Es-tu satisfait à présent ?
"Tu as trahi la confiance de trois femmes.
"Tu as anéanti trois vies humaines."
"Assassin, voilà ton vrai nom, comme Satan est le mien.
"Sois éternellement maudit
"pour m'avoir entraîné dans ta chute."
Damné pour l'éternité !
Mortellement désespéré,
Satan s'est arrêté sur la route pavée d'espérances mortes
qui semble l'éloigner toujours plus de la rédemption.
Pour lui, il n'est pas de miséricorde. Et de nouveau, la voix tonne :
"Poursuis ton œuvre mauvaise !"
QUATRIÈME RÉCIT En Finlande, au printemps 1918.
Qui ne connaît la merveilleuse image de la Finlande
symbolisée par une jeune femme luttant contre un aigle russe ?
Cette image n'a-t-elle pas reçu un nouveau caractère d'actualité
quand la Révolution russe déborda les frontières de la Finlande ?
Notre dernier récit à pour cadre le petit village de Hirola,
qui, au printemps 1918, était occupé par les Rouges.
Le poste de commandement des Blancs.
Le caporal Matti reçoit de son chef
l'ordre de poser lignes téléphoniques et télégraphiques
jusqu'à la gare de Hirola.
"Si tu refuses d'être à moi,
"je dénoncerai ton mari au tribunal des Rouges."
Le lendemain. Le caporal Matti se dirige vers Hirola.
"Dieu soit loué, vous êtes venu !
"On va peut-être avoir un peu de vrai café !"
Siri se rend en forêt pour ramasser de l'écorce
afin de faire du pain.
Matti et ses hommes poursuivent leur chemin vers Hirola.
"Voilà mère !
"Va vite à sa rencontre !"
Le Tribunal Rouge.
Dans ce récit contemporain,
Satan apparaît dans les habits du moine russe, Ivan,
qui est accouru au secours de ses frères finnois Rouges
contre les limiers des gardes Blancs.
"Malheureusement, nous serons sans doute obliger de l'acquitter."
"Quand vous serez en forêt, tirez-lui une balle."
"Et maintenant, déjeunons."
Ivan, qui a transformé l'école de Hirola,
est toujours entouré d'une foule d'auditeurs respectueux
quand il fait ses conférences sociales.
Rautaniemi a soutenu une âpre lutte avec sa conscience,
mais il semble qu'une puissance plus forte que sa volonté
l'entraîne vers l'école de Hirola.
"Je sais à présent comment venger mon père.
"Conduisez-moi tout de suite à votre chef.
"Je vais demander à entrer dans l'armée finlandaise."
"Le catéchisme Rouge"
"Tu dois seulement craindre Dieu.
"Tu n'obéiras à d'autre loi
"qu'à celle que tu écris avec le sang des riches.
"Où habites-tu ?"
"Je n'ai plus de foyer."
"Tu dois quand même indiquer l'endroit où tu désires être enterrée,
"si jamais tu devais tomber."
"Je serais satisfaite
"si je suis enterrée, ici, en terre de Finlande."
"Que l'engagement que tu signes te sois une bénédiction !"
Un soir, une semaine plus ***,
juste après le passage du dernier train à Hiola.
Au quartier général des Rouges
se tient, le même soir, un important conseil.
"C'est comme je vous le dis : les Blancs ont installé une liaison
"téléphonique et télégraphique avec la gare.
"Nous devons surprendre Paavo
"et le forcer à attirer les Blancs dans une embuscade."
Les Rouges.
"Je cours à l'auberge pour prévenir les camarades."
"Prends ton temps ! L'heure n'es pas encore venue."
Un avant-poste rouge.
"Envoie cette dépêche aux Blancs !"
"Les Rouges tiennent la ligne de chemin de fer.
"Vous pouvez les surprendre si vous prenez la grande route
à travers bois, le long de la rivière.
Les rouges.
"Si tu ne fais pas ce que je te demande, ton mari sera fusillé."
"Il ne faut pas, Siri."
"Tu vas mourir,
"mais à l'heure de la mort, même le plus grand criminel
"a droit aux consolations de la religion."
L'auberge.
Naimi renonce à attendre Matti davantage et se dirige vers la gare.
Pour parer à toute éventualité, il se munit de grenades.
"Va-t-elle enfin m'appartenir ?"
"Pas encore."
"Dans quelques instants, ton mari aura rendu son dernier soupir.
"As-tu bien réfléchi ?"
"Mon Dieu ! Donne-moi la force de résister à la tentation !"
"La vie de ton mari ne peut plus être sauvée...
"mais tu peux encore épargner celle de tes enfants."
"Pour la dernière fois, obéis !
"Si tu refuses, tes enfants auront cessé de vivre dans quelques minutes."
"Eh bien ! Quelle est ta réponse ?"
"Fais ton devoir !"
"Pardonne-moi, Paavo.
"J'ai agi uniquement... pour la Finlande."
L'acte héroïque de Siri a délivré Satan
de 1 000 ans de damnation.
Mais le jugement du Seigneur
est écrit avec les caractères de l'Éternité
et ses paroles poussent Satan
vers de nouveaux buts, de nouvelles destinées...