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On peut dire que vous êtes deux femmes bizarres !
Tonnerre de tonnerre, que veux-tu ?
Pour moi, rien.
- Pour qui alors ? - Pour vous.
- Pour nous ? - Pour vous.
- Êtes-vous des femmes ou non ? - Où veux-tu en venir ?
Cela veut dire que vous devez agir comme des femmes.
- Et comment ? - Traiter l'amour en bagatelle,
ne pas rater les bonnes occasions,
changer de temps à autre, être parfois fidèles,
être coquettes avec grâce, prévenir la malchance
de toutes celles qui font confiance à un homme,
manger la figue et ne pas dédaigner la pomme.
Et ensuite ?
Ensuite... Dame ! vous le verrez bien.
- Que devons-nous faire ? - Ce que vous voulez.
Êtes-vous en chair et en os ou non ?
A quinze ans, une femme
doit tout savoir:
le meilleur moyen d'arriver à ses fins,
ce qui est bien et ce qui est mal.
Elle doit connaître les petites ruses
pour ensorceler les hommes,
faire semblant de rire et de pleurer,
toujours avoir de bonnes excuses.
Prêter simultanément l'oreille à cent
et parler à mille avec les yeux,
donner de l'espoir à tous qu'ils soient beaux ou laids,
savoir dissimuler sans se troubler,
savoir mentir sans rougir
et se faire obéir comme une reine
avec des « je peux et je veux ».
Je crois qu'elles prennent goût à cette doctrine.
Vive Despina sur qui on peut toujours compter.
Ma sœur, qu'en dis-tu ?
L'esprit diabolique de cette fille m'étourdit.
Mais crois-moi, elle est folle.
Crois-tu que nous puissions suivre ses conseils ?
Certainement, si tu n'attaches pas d'importance à la chose.
Au contraire, je la prends au sérieux.
N'est-ce pas un crime, pour deux jeunes filles déjà fiancées,
que de faire pareille chose ?
Elle ne dit pas que nous faisons quelque chose de mal.
Il suffit déjà de faire parler de nous !
Mais si l'on dit qu'ils viennent pour Despina ?
Tu as vite tranquillisé ta conscience !
Et que diront nos fiancés ?
Rien. Ou ils ne sauront rien et tout est comme par le passé,
ou ils l'apprendront et nous leur dirons qu'ils venaient pour elle.
Et nos cœurs ?
Ils resteront ce qu'ils étaient.
Quand on s'amuse pour ne pas mourir d'ennui,
ce n'est pas être infidèle, ma chère sœur !
C'est vrai.
- Alors ? - Fais comme bon te semble.
Mais je ne veux pas être responsable des difficultés qui pourraient surgir.
Quelles difficultés ? Avec tant de précautions ?
Écoute plutôt, pour que nous soyons bien d'accord:
lequel des deux choisis-tu pour toi ?
À toi de décider, ma sœur.
J'ai déjà fait mon choix.
Je prendrai le petit brun
qui me semble plus amusant.
Je m'amuserai entre-temps
un peu avec le petit blond.
Je répondrai à ses mots doux en plaisantant.
J'imiterai ses soupirs en soupirant.
Il me dira: « Mon amour, je meurs ! »
Il me dira: « Mon charmant trésor ! »
Quelle joie, quel plaisir,
quelle joie, quel plaisir
ce sera pour moi !
Allez vite au jardin, mes chères filles !
Quelle gaieté ! Quelle musique ! Quels chants !
Quel brillant spectacle ! Quel charme !
Dépêchez-vous !
- Qu'est-ce que cela peut être ? - Vous allez bientôt le voir.
Aidez-moi, vents aimables,
aidez mes désirs
et portez mes soupirs
à l'élue de mon cœur.
Vous qui avez mille fois entendu
les causes de mes soupirs,
racontez à ma belle
tout ce que vous avez entendu.
Aidez, vents aimables,
les désirs de si tendres cœurs.
Que signifie cette mascarade ?
N'hésitez pas, courage !
Avez-vous perdu l'usage de votre voix ?
Je tremble et palpite de la tête aux pieds.
L'Amour paralyse les membres des amoureux.
Encouragez-les.
Parlez.
Dites sans façon ce que vous désirez.
Madame !
Ou plus exactement: mesdames !
- Parle, toi ! - Non, non, parle, toi !
Au diable !
Laissez ces minauderies du siècle dernier.
Despinetta, finissons-en.
Aide-les
comme moi j'aiderai les autres.
Donnez-moi la main. Venez un peu !
Si vous ne parlez pas, je parlerai pour vous.
Un esclave tremblant vous demande pardon.
Il vous a offensée, il le reconnaît, mais c'était involontaire.
Maintenant il souffre, pourtant il se tait.
Maintenant il obéira.
Il ne peut faire ce qu'il veut, il voudrait faire ce qu'il peut.
Eh bien ! Répondez !
Vous ne faites que regarder
et rire ?
Je leur répondrai pour vous.
Ce qui est fait est fait.
Oublions le passé.
Que la chaîne soit brisée,
ce symbole de l'esclavage.
Donnez-moi le bras
et ne soupirez plus.
Partons maintenant, et voyons un peu ce qu'elles vont faire.
À présent, il est impossible qu'elles ne cèdent point !
Quelle belle journée !
Plutôt chaude.
Quels jolis arbustes !
En effet, ils sont beaux ;
ils ont plus de feuilles que de fruits.
Que ces sentiers sont beaux !
Voulez-vous vous promener ?
Je suis prêt, ô chère, à répondre à un signe de vous.
- Vous êtes trop aimable ! - (Voici venu le moment décisif !)
Que lui avez-vous dit ?
Eh... je lui ai recommandé de bien la divertir.
- Allons également nous promener. - Comme vous voulez.
- Oh, malheur ! - Qu'avez-vous ?
Je me sens si mal, mon aimée, comme si je devais mourir.
Ah, n'en faites rien...
Je meurs, cruelle, et vous plaisantez ?
Je plaisante ?
(Alors, donnez-moi une preuve, belle âme, de votre pitié.)
Alors, donnez-moi une preuve, belle âme, de votre pitié.
Deux, si vous le voulez.
Dites ce que je dois faire et vous verrez.
Plaisante-t-elle ou est-elle sincère ?
Acceptez, je vous en prie, ce petit présent.
- Un cœur ? - Un cœur.
Il est le symbole de ce cœur qui bat, souffre et se meurt pour vous.
- Quel précieux cadeau ! - L'acceptez-vous ?
Cruel, n'essayez pas de séduire un cœur fidèle.
La montagne vacille.
Je regrette, mais l'honneur du soldat oblige.
- Je vous aime ! - Par pitié !
- Je suis tout à vous ! - Oh Dieux !
- Cédez, ô chère ! - Vous me faites mourir !
Nous mourrons ensemble, mon espoir d'amour.
L'acceptez-vous ?
Je l'accepte.
Pauvre Ferrando !
Oh, quel délice !
Je vous donne mon cœur, ma belle adorée.
Mais je veux aussi avoir le vôtre.
Donnez-le-moi.
Vous me le donnez, je le prends,
mais je ne vous donne pas le mien.
Inutile d'insister,
il ne m'appartient plus.
Si tu ne l'as plus, pourquoi bat-il ici encore ?
Si tu me le donnes, qu'est-ce qui bat encore là ?
Pourquoi bat-il ici encore ?
Qu'est-ce qui bat encore là ?
C'est mon petit cœur, qui ne m'appartient plus.
Il vint à toi,
voilà ce qui bat ainsi.
Permets que sa place soit ici.
Il ne peut pas rester là.
Je te comprends, petite fourbe.
Que fais-tu ?
Ne regarde pas par ici.
- C'est comme si j'avais un volcan dans le cœur ! - Pauvre Ferrando !
- C'est comme si j'avais un volcan dans le cœur ! - Ce n'est pas possible !
Regarde-moi.
Que veux-tu ?
Vois si c'est mieux ainsi.
Oh, heureux échange
de cœurs et d'amours !
Quelles joies nouvelles, quelles douces souffrances !
Cruelle, pourquoi fuis-tu ?
J'ai vu une vipère, une hydre, un basilic !
Ah, cruelle, je te comprends !
Vipère, hydre, basilic,
tu vois en moi seul tout ce qu'il y a de plus sauvage
dans le désert libyen.
C'est vrai !
Tu veux me prendre ma paix.
Oui, mais pour te rendre heureuse.
Arrête de me torturer !
Je ne demande qu'un regard de toi.
- Va-t'en ! - Ne l'espère pas
avant que tes yeux ne m'aient pas regardé plus aimablement.
Ô ciel !
Mais tu me condamnes,
tu me condamnes à mourir.
Il part... écoute... ah, non !
Il peut partir, se soustraire à mes regards,
la cause néfaste de ma faiblesse.
À quelle dangereuse épreuve le cruel m'a-t-il exposée !
C'est là la juste récompense de ma faute !
Devrais-je en un tel moment écouter les soupirs d'un autre amant ?
Oublier les complaintes de l'autre ?
C'est avec raison que tu condamnes ce cœur, ô juste Amour !
Je brûle, et le feu n'est plus l'effet d'un amour vertueux.
C'est plutôt un mélange de folie amoureuse,
émoi, remords,
frivolité, infidélité
et trahison !
Par pitié, mon bien-aimé, pardonne
la faiblesse d'une âme amoureuse.
Puisse-t-elle, mon Dieu, toujours rester cachée
entre ces ombres et ces arbres.
Mon courage et ma fidélité
tueront cette envie de mauvais aloi,
dissiperont le souvenir
dont j'ai honte et qui me fait horreur.
Par pitié, mon bien-aimé, pardonne
la faiblesse d'une âme amoureuse.
Puisse-t-elle, mon Dieu, toujours rester cachée
entre ces ombres et ces arbres.
À qui ce cœur frivole
a-t-il été infidèle ?
Ta pureté, bien-aimé,
mérite une meilleure récompense !
Mon ami, nous avons gagné !
- Un lot ou deux ? - Cinq, mon ami.
Fiordiligi est la chasteté en personne.
Bravo à toi, bravo à moi, bravo à ma Pénélope !
Laisse-moi t'embrasser pour cette heureuse nouvelle,
ô mon fidèle Mercure !
Et ma Dorabella, comment s'est-elle comportée ?
Ah, je ne doute pas !
Je la connais bien, cette âme tendre.
Et pourtant un doute, soit dit entre nous,
ne serait pas mal placé.
Dieu ! A-t-elle peut-être cédé à tes flatteries ?
Mais non, tu veux te moquer de moi.
Elle n'aime que moi, uniquement moi.
Certainement ! Et comme preuve de son amour, de sa fidélité,
elle m'a même donné ce joli portrait.
Mon portrait !
Ah, infidèle !
Où vas-tu ?
Je vais arracher le cœur de cette poitrine impudique
et venger mon amour trahi.
- Halte ! - Non, laisse-moi !
Es-tu fou ?
Veux-tu ruiner ta vie pour une femme qui n'en vaut pas la peine ?
Pourvu qu'il ne fasse pas de bêtises !
Mon Dieu ! Tant de promesses,
de larmes, de soupirs et de serments
en si peu de temps oubliés par cette cruelle ?
Parbleu ! Je n'en sais rien !
Que dois-je faire ?
Quelle décision dois-je prendre ?
Aie pitié de moi,
donne-moi un bon conseil.
Je ne saurais, mon ami, quel conseil je pourrais te donner.
Cruelle, ingrate ! En un jour ! En quelques heures !
Tu as raison, c'est un cas étonnant.
Chères dames, si vous agissez ainsi avec tant d'hommes,
je commence à compatir
quand les amants se plaignent.
J'aime le beau sexe,
vous le savez, chacun le sait.
Je le prouve tous les jours,
je suis votre ami.
Mais ces agissements avec tant
me déçoivent beaucoup.
J'ai brandi mille fois mon glaive
pour sauver votre honneur.
Mille fois,
vous ai défendues mille fois par la parole et par le cœur.
Mais ces agissements avec tant
sont un bien vilain défaut.
Vous êtes jolies, vous êtes aimables.
Le ciel vous a donné maints trésors.
La grâce vous pare
des pieds à la tête.
Mais, mais, mais ces agissements avec tant
sont à peine croyables !
J'aime le beau sexe, je le prouve ;
j'ai brandi mille fois mon glaive, je vous ai défendues ;
le ciel vous a donné maints trésors des pieds à la tête.
Mais ces agissements avec tant et tant...
Les hommes ont sûrement raison de se plaindre.
Dans quel contraste cruel,
dans quel désordre de pensées et de sentiments me trouvé-je ?
Mon cas est si extraordinaire et si nouveau
que personne ne peut me conseiller.
Alfonso, Alfonso,
combien pourrais-tu rire de ma bêtise !
Mais je me vengerai.
Je bannirai l'infidèle de mon cœur...
Je la bannirai...
Bannir ?
Ô Dieu, ce cœur lui est trop soumis.
Trompé,
bafoué
par son cœur infidèle,
je sens que cette âme l'aime encore
et je ressens encore de l'amour pour elle.
Bravo, j'appelle ça de la fidélité.
Partez, barbare, c'est à cause de vous que je suis malheureux.
Bien, si vous êtes sage, je vous rendrai votre calme.
Ecoutez: Fiordiligi est fidèle à Guglielmo,
et Dorabella vous a été infidèle.
À ma honte.
Cher ami, dans chaque chose, il faut faire des différences.
Crois-tu qu'une fiancée puisse être infidèle à un Guglielmo ?
Une petite différence, quand on nous compare tous les deux...
Tu vois, mon ami, qu'un peu plus de mérite...
C'est aussi mon avis.
- Et vous me donnerez 50 sequins. - Volontiers.
Mais avant de payer,
je désire que nous fassions encore quelques essais.
- Comment ? - Prenez patience.
D'ici demain vous serez tous deux mes esclaves.
J'ai votre parole de soldat de faire ce que je dis.
Venez.
Je veux vous prouver
qu'est un niais
celui qui vend la peau de l'ours avant de l'avoir tué.
Je constate maintenant que vous êtes une femme expérimentée.
C'est en vain, Despina, que j'ai essayé de résister.
Ce petit diable est si adroit, si éloquent, si astucieux
qu'il attendrirait une pierre.
Mille tonnerres ! Voilà quelqu'un qui sait y faire !
Mais voilà votre sœur qui vient.
- Elle fait une drôle de tête ! - Malheureuses !
Voyez dans quelle situation je me trouve par votre faute !
Que s'est-il passé, chère demoiselle ?
As-tu quelque malaise, ma sœur ?
J'ai le diable ! qu'il m'emporte, moi, toi, elle,
Don Alfonso, les étrangers, et tous les fous du monde !
- As-tu perdu la raison ? - Pis encore... Horreur !
J'aime,
et mon amour n'est pas seulement pour Guglielmo.
- Tant mieux. - Je ne sais pas
comment un cœur peut changer ainsi en un seul jour.
Quelle question ridicule !
Nous sommes des femmes ! Et toi, comment as-tu fait ?
Je saurai me maîtriser.
Vous ne le saurez pas.
Je te le prouverai.
Crois-moi, ma sœur, il est préférable que tu cèdes.
L'Amour est un petit voleur, l'Amour est un serpent rusé.
Il donne et prend la paix du cœur
comme bon lui semble.
Il entre dans les cœurs par les yeux,
enchaîne l'âme et prend la liberté.
Si tu le laisses faire,
il te donne le plaisir,
mais aussi la souffrance
si tu lui résistes.
L'Amour est un petit voleur,
l'Amour est un serpent rusé.
Il donne et prend la paix du cœur
comme bon lui semble.
S'il est ancré dans ton cœur, s'il te serre ici,
fais tout ce qu'il exige, c'est ainsi que je fais moi aussi.
Despina ! Despina !
Qu'y a-t-il ?
Prends cette clef et sans réplique,
sans aucune réplique va à l'armoire
et apporte-moi un glaive, un chapeau
et un uniforme de nos fiancés.
Et que voulez-vous en faire ?
Va, et ne réplique pas.
Madame l'arrogante donne des ordres péremptoires !
En campagne, en campagne !
Il n'y a pas d'autre moyen de sauver notre innocence.
J'ai bien compris. Va et ne crains rien.
Me voilà.
Va ! Qu'un valet fasse atteler vite six chevaux.
Dis à Dorabella que je désire lui parler.
À vos ordres.
Cette dame a, je crois, perdu la raison.
Oh, comme il change ma physionomie et mon visage.
Je ne me reconnais plus moi-même !
Je serai bientôt dans les bras
du fiancé fidèle.
Je paraîtrai devant lui dans ces vêtements
sans qu'il m'ait reconnu.
Oh, quelle joie ce sera pour lui, quand il me reconnaîtra !
Et pendant ce temps, moi, pauvre de moi, je mourrai de douleur.
Que vois-je ?
Je suis trahie !
Partez d'ici !
Ah, non, ma vie !
Avec ce glaive dans ta main tu me transperceras le cœur,
et si tu n'en as pas la force,
je te tiendrai moi-même la main.
Debout, debout !
Tu implores en vain.
Par pitié, que veux-tu de moi ?
Ton cœur ou ma mort.
- Ah, je n'ai plus de force ! - Écoute-moi, ma chère !
- Dieux, assistez-moi ! - Écoute-moi, ma chère !
Regarde-moi tendrement.
Ce n'est qu'en moi que tu peux trouver
l'époux, l'amant et plus encore, si tu veux.
N'hésite pas plus longtemps, mon amour.
Ô ciel !
L'époux, l'amant,
- et plus encore, si tu veux. - Cruel !
- Mon amour, n'hésite pas plus longtemps. - Tu as gagné.
Fais de moi ce que tu veux.
Embrasse-moi,
mon cher trésor,
c'est une consolation, après tant de souffrances,
que de languir d'amour tendre
et de soupirer de joie !
Ô pauvre de moi, qu'ai-je vu ! Qu'ai-je entendu !
- Pour l'amour du ciel, reste calme ! - Je pourrais m'arracher la barbe,
et me griffer la peau et heurter les étoiles de mes cornes.
Cette Fiordiligi ! Pénélope et Artémis du siècle !
Infidèle, meurtrière, trompeuse, voleuse, chienne !
Laissons-le clamer sa peine.
- Eh bien ! - Où est-elle ?
- Qui ? Ta Fiordiligi ? - Ma, ma Fior...
Fior du diable, qui peut l'emporter d'abord et moi ensuite !
Là, tu le vois toi-même: il faut faire des différences en toute chose.
Un peu plus de mérite...
Ah, cesse de me torturer
et trouve plutôt un moyen de les punir sévèrement.
Je sais lequel: les épouser.
Je préférerais épouser la barque de Caron !
- La forge de Vulcain. - La porte des enfers.
Vous resterez donc célibataires pour l'éternité.
Les femmes manqueront-elles pour des hommes comme nous ?
Non ; mais que feront les autres
si ces deux-là ont été capables d'une chose pareille ?
Dans le fond, vous les aimez, vos deux corneilles ébouriffées !
Ah, malheureusement !
Malheureusement !
Eh bien, prenez-les telles qu'elles sont.
Écoutez entre-temps ce vers.
Il serait bon pour vous de l'apprendre.
Tous accusent les femmes, et moi je les excuse,
même si elles changent d'amant mille fois par jour.
Les uns appellent ça un vice, les autres une habitude,
mais moi, je crois que c'est une nécessité du cœur.
L'amant qui, en fin de compte, est déçu
ne doit pas chercher la faute ailleurs qu'en lui-même.
Car qu'elles soient jeunes, vieilles, jolies ou laides,
répétez-le avec moi:
elles sont toutes pareilles !
Elles sont toutes pareilles !
Dépêchez-vous, chers amis, allumez les cierges,
et ornez la table, richement et de manière distinguée.
La noce de nos dames est déjà préparée.
Et vous, allez à vos places en attendant les fiancés.
Dépêchons-nous, chers amis,
d'allumer les cierges,
et d'orner la table,
richement et de manière distinguée.
Bien, bien, excellent !
Quelle abondance ! Quelle élégance !
Chacun vous récompensera généreusement.
Les deux couples seront bientôt là ; applaudissez à leur entrée.
Chants joyeux et musique gaie rempliront le ciel de gaieté.
On va voir la plus belle petite comédie que l'on ait jamais vue !
Bénis soient les deux époux
et les aimables mariées !
Que le ciel vous soit toujours clément
et vous donne comme aux lapins
une nombreuse progéniture
d'une beauté égale à la vôtre.
Tout, tout, ô ma vie, concourt à notre bonheur.
L'allégresse qui s'empare de moi est de plus en plus grande.
Comme tu es belle !
Comme tu es beau !
Quels jolis yeux !
Quelle jolie bouche !
- Trinquez et buvez ! - Buvez et trinquez !
Que chaque pensée disparaisse
dans ton verre et dans mon verre
- Que chaque pensée disparaisse - et que chaque souvenir du passé
- dans ton verre et dans mon verre... - s'échappe de nos cœurs.
Ah, elles devraient avaler du poison,
ces rusées sans honneur !
Mesdames, messieurs, tout est prêt.
Le notaire est dans les escaliers avec le contrat de mariage,
et il arrivera ici ipso facto.
Bravo ; qu'il vienne séance tenante !
Je l'appelle.
Le voici.
Meilleurs vœux de bonheur du notaire Beccavivi
que vous voyez devant vous dans toute sa dignité notariale.
Il a rédigé le contrat de mariage en bonne et due forme
et avec les clauses habituelles, et après s'être éclairci la voix
et avoir pris place
il va vous le lire.
Bravo, voilà qui est bien !
Selon le contrat préparé par mes soins,
contractent mariage
Fiordiligi avec Sempronius
et Titius avec Dorabella, sa sœur légitime,
les dames originaires de Ferrare, les deux messieurs d'Albanie.
Et pour dot et présent de noces...
Nous le savons !
Nous vous faisons confiance, nous signons, donnez l'acte.
Bravo, voilà qui est bien !
Belle vie de soldat !
Chaque jour en un autre lieu !
Aujourd'hui beaucoup, demain peu,
tantôt à terre, tantôt en mer.
Quel tapage, que signifie ce chant ?
Ne bougez pas ; je vais voir.
Miséricorde ! Dieux du ciel !
Quelle catastrophe ! Je tremble ! Je gèle.
- Vos fiancés ! - Mon fiancé...
Ils reviennent à l'instant même ! Ils débarquent déjà sur la rive !
Qu'entends-je ! Etoiles cruelles !
Que faire dans un tel moment ?
- Partir vite ! - Mais s'ils nous voient ?
- S'enfuir ! - Mais s'ils nous trouvent ?
Cachez-vous là-bas !
- Dieux, au secours ! Dieux, à l'aide ! - Rassurez-vous, tranquillisez-vous.
Qui nous sauvera de ce danger ?
Comptez sur moi, tout se passera bien.
Mille pensées cruelles
torturent mon cœur.
S'ils découvrent la trahison,
que deviendrons-nous ?
Nous revenons sains et saufs
et remplis de joie
dans les bras de nos bien-aimées
pour les récompenser de leur fidélité !
Justes Dieux !
Guglielmo ! Ferrando !
Oh, quelle joie ! Ici ! Comment ?
Et quand ?
Rappelés par un contre-ordre royal,
le cœur rempli de contentement et de joie,
nous revenons à nos chères fiancées,
nous revenons à notre cher ami.
Mais pourquoi cette pâleur, ce silence ?
Mon adorée, pourquoi es-tu si triste ?
La joie les a abasourdies...
Ah, les mots manquent à mes lèvres.
- Ce sera miracle si je ne meurs. - ...et rendues muettes.
Permettez que cette malle soit entreposée dans cette chambre.
Dieux, que vois-je ?
Un homme caché !
Un notaire !
Que fait-il ici ?
Non, monsieur, ce n'est pas un notaire.
C'est Despina, travestie,
qui revient d'un bal masqué, et qui est venue ici pour se changer.
Une rusée comme elle...
La Despina ! La Despina !
- ...il n'y en a pas deux ! - Je ne comprends pas.
J'ai laissé tomber les papiers ; ramassez-les adroitement.
Tiens, que sont ces papiers ?
Un contrat de mariage...
Un contrat de mariage !
Juste ciel ! C'est votre écriture.
Inutile de nier !
Trahison ! Trahison !
Il faut que toute la lumière se fasse !
Le sang doit couler à flots,
je veux me baigner dans le sang !
Ah, monsieur, je mérite la mort
et je ne vous demande que la mort.
Trop ***, je me rends compte de ma faute.
De ce fer, transpercez mon cœur qui ne mérite aucune pitié.
Que s'est-il passé ?
Que le cruel et la séductrice parlent pour nous !
Hélas, ce n'est que trop vrai, et la preuve se trouve ici !
Je tremble de peur, je palpite.
Pourquoi les a-t-il trahis ?
Devant vous s'incline, jolie madame,
le chevalier d'Albanie !
Le portrait au lieu du cœur,
je vous le rends, madame !
Et au docteur magnétique,
je rends l'honneur qu'il mérite !
Ciel, que vois-je !
Elles sont stupéfaites !
C'est insupportable !
Elles sont à moitié folles !
Voilà le cruel
qui nous a précipitées dans l'infamie !
Je vous ai trompées, mais c'était
pour détromper vos amoureux
qui seront maintenant plus malins,
qui feront tout ce que je veux.
Donnez-moi la main, vous êtes fiancés.
Embrassez-vous et taisez-vous.
Riez maintenant tous les quatre, j'ai déjà ri et je continuerai à rire.
Mon amour, s'il en est ainsi,
de ma fidélité et de mon amour
je dédommagerai ton cœur.
Je t'aimerai toujours fidèlement.
Je te crois, mon adorée,
mais je préfère ne pas te mettre à l'épreuve.
Je ne sais si c'est un rêve, je suis troublée, je suis honteuse.
Mais tant pis si vous m'avez dupée, je me vengerai sur d'autres.
Heureux celui qui voit chaque chose du bon côté
et qui se laisse guider par la raison dans les vicissitudes de la vie.
Ce qui fait normalement pleurer les autres
est pour lui une raison de rire,
et il trouve la sérénité
au milieu des tempêtes de la vie.