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The L Word Art
présente
un face à face avec
Eve ENSLER
Comment êtes-vous devenue écrivain ?
J'ai commencé à écrire quand j'étais très jeune
parce que ... ma vie était très difficile
et mon environnement était très violent
et j'avais l'impression de devenir dingue.
Ecrire me permettait de créer
ou d'essayer de donner du sens ou juste
de m'aider à survivre
pour exprimer ce qui ce passait à l'intérieur de moi.
Et j'ai commencé très jeune, j'avais toujours de petits livres et carnets
où j'écrivais quand les gens étaient méchants avec moi,
quand mon père me battait ou que des choses terribles m'arrivaient,
alors je me mettais à écrire dans mon carnet
comme si je me confiais à une amie, vous voyez.
C'est comme cela que tout a commencé et je crois
je crois que j'ai toujours écrire pour survivre,
juste pour donner un sens aux choses,
et pour ne pas sombrer dans le désespoir.
Etiez-vous consciente dès le début que les Monologues du Vagin
auraient un tel impact sur les femmes?
Non, je crois que quand ont démarré les Monologues du Vagin
j'espérais juste que personne ne vienne m'arrêter.
Je jouais dans un petit théâtre en ville
et j'espérais juste qu'ils ne me mettent pas dehors.
Non, c'était vraiment expérimental,
c'était quelquechose de curieux, c'était vraiment…
parce que j'ai toujours été féministe et toujours très concernée par les femmes
mais je n'avais pas imaginé ça.
Vous savez j'ai vu beaucoup de pièces donc c'était incroyable pour moi
que soudainement c'était LA pièce dans laquelle tout le monde se retrouvait.
Pouvez-vous nous dire comment vous est venue l'idée de Créature Emotionnelle ?
Et bien, vous savez, je travaillais avec V-Day,
qui est un mouvement global luttant contre les violences faites aux femmes et filles
depuis environ 14 ans
et je voyageais à travers le monde
dans environ 60 ou 70 pays, plusieurs fois dans certains
et partout où j'allais j'écoutais les histoires des femmes
et j'observais les jeunes filles.
Et je n'arrivais pas à croire
toutes les choses auxquelles les jeunes filles devaient faire face et gérer.
Les gens me demandaient tout le temps: pourquoi n'écrivez-vous pas pour les filles?
Je suis du genre à défier l'autorité donc
quand on me demande de faire quelquechose, ma première réaction est : non je ne le ferai jamais !
Mais ensuite, je me suis mise à écouter
ce que les filles disaient et à observer ce qu'il leur arrivait
et j'ai commencé à cerner des thèmes qui liaient toutes les filles de la planète.
Puis je me suis dit : je pourrais écrire quelquechose sur les filles.
Et je crois qu'en fait, j'ai 15 ans au fond de moi,
vous voyez je ne pense pas avoir vraiment dépassé cet âge,
et cet âge est tellement.... un moment incroyable et difficile.
C'est à ce moment qu'on devient libre ou qu'on se fait emprisonner.
Vous voyez vous avez tellement d'énergie, et vous avez tellement de passion,
et vous avez tellement de dévotion, vous avez tellement d'intensité,
et vous êtes tellement vivante puis le monde vient vous dire:
tu ne seras pas aussi importante, aussi belle, aussi puissante, aussi intelligente, aussi créative,
alors vous commencez à vous taire et à vous rabaisser
et à vous faire toute petite.
Alors j'ai commencé à me dire que je pourrais écrire une pièce
où les filles seraient encouragées à se faire plus grandes
et à être davantage et à être vraiment intensive et à être vraiment vivante et à être vraiment intelligente
donc j'ai commencé à écrire Créature Emotionnelle.
Pourquoi le choix de l'Afrique du Sud pour la première et comment s'est faite l'adaptation pour le théâtre ?
Je savais que je voulais démarrer cette pièce en Afrique.
J'ai passé beaucoup de temps en Afrique, au Congo et au Kenya, en Afrique du Sud
et pour moi... l'Afrique est le coeur du monde.
Et cette pièce s'appelle Créature Emotionnelle
donc il était logique de la faire débuter par le coeur
pour que l'Afrique et les Africains puissent insuffler de l'émotion et du coeur à la pièce.
L'Afrique a ce battement de coeur qui n'existe nulle part ailleurs dans le monde
et c'était le choix parfait parce que
débuter en Afrique du Sud était fantastique et les filles qui ont joué et le public
étaient tellement vibrants.... Je crois vraiment que l'Afrique est l'avenir,
c'est étrange de se le représenter.
Je ne savais pas que cette pièce serait en musiques,
je savais qu'il y aurait de la vidéo, mais tout a pris forme organiquement.
Nous avons eu le merveilleux compositeur Charl-Johan d'Afrique du Sud
et il a juste commencé à écrire des chansons avec mes mots.
Il m'a dit : je pourrais mettre ça en musique, et j'ai répondu : OK!
Donc il a commencé à créer la musique puis on a plus ou moins consciemment
commencé à réfléchir à quel moment utiliser telle chanson.
Et Jo Bunny qui est une incroyable metteuse en scène,
avait déjà fait ce genre de choses avant donc elle savait comment intégrer
la vidéo, la danse et la musique.
Donc elle a apporté, ce qu'elle a apporté à l'expérience a vraiment bien marché.
Et je crois qu'à nous 3 nous nous sommes dit:
nous pouvons faire ça, nous avons le texte,
nous avons la musique, nous avons la vidéo, nous avons la danse.
Cela a été et reste une fantastique collaboration.
Les comédiennes sont incroyablement talentueuses; trouver ce cast de rêve a-t-il été difficile ?
Vous savez il y a tellement de talent!
Les gens me demandent constamment: où avez-vous trouvé ces filles?
je leur réponds juste: ce sont des filles!
Vous savez les filles sont talentueuses, les filles sont pleines de vie,
elles sont magiques, elles sont si puissantes.
Nous avons casté Karabo en Afrique du Sud et en fait j'ai écrit pour elle cette scène
qui parle du viol correctif
car il y a cette horrible pratique en Afrique du Sud selon laquelle les hommes violent les lesbiennes
ou les femmes perçues comme étant lesbiennes pour les corriger, pour faire en sorte qu'elles ne soient plus lesbiennes.
Et il y a tellement de viols en Afrique du Sud, il y a tellement de viols partout.
Donc j'ai écrit cette histoire pour Karabo et elle a été tellement brilliante qu'on devait la faire venir ici.
Puis nous avons fait quelques jours de casting à Paris, nous avons vu beaucoup d'incroyables jeunes femmes.
Puis Eno est venue de Londres, tout comme Neve.
Mais vous savez les auditions sont fantastiques car vous pouvez voir la richesse,
la vitalité et la vivacité, et...oh jouissance,
que les jeunes filles apportent à l'expérience sont porteurs d'espoir.
En Europe, la pièce sera jouée exclusivement à Paris;
Pourquoi avoir choisi la France et le théâtre Ciné 13 ?
En fait je vis à Paris, j'y ai un appartement
et je suis ici la plupart du temps donc c'est mon chez moi,
un de mes chez moi, et je me sens nomade
car je vis partout mais j'y viens souvent.
Pour moi il était important de faire la pièce en Afrique
et en Europe puis en Amérique.
Je voulais vraiment aller en Asie et en Amérique du Sud également,
mais nous n'avons pas pu avoir l'argent pour le faire, nous n'avions pas l'argent pour aller sur tous les continents.
Pour moi c'était très important de le faire à Paris
parce que je trouve que Paris est un endroit unique où des gens très différents se retrouvent.
Et j'ai choisi le Théâtre Ciné 13
car il est comme un monde de filles,
c'est le parfait adorable théâtre pour cette pièce
et j'adore Montmartre et c'est simplement un formidable …
On y est comme dans une communauté, on s'y sent très à l'aise,
et en sécurité car nous faisons évoluer la pièce,
cela semblait être l'environnement idéal.
Et Marie-Astrid Périmony et sa soeur Alexia Périmony
et Marie-Cécile Renault ont produit
les Monologues du Vagin à Paris pendant 10 ans,
ce sont des productrices brillantes et je voulais travailler avec elles sur cette pièce.
Marie-Astrid et Alexia sont toutes les deux très jeunes
et les avoir en tant que productrices était une fabuleuse expérience,
voir à quel point ces productrices sont brillantes et dévouées à ce projet,
vraiment impliquées pour que ça se réalise.
Je voulais que ce soient des jeunes femmes qui produisent la pièce, c'était très important.
Après le mouvement V-day, vous avez créé V-girls;
pouvez-vous nous parler de cette organisation?
Et bien vous savez, V-day est un mouvement global,
pour mettre fin aux violences faites aux femmes dans le monde
que je dirige depuis 14 ans,
et c'est un très grand mouvement, présent dans 140 pays,
nous avons récolté environ 80 millions de dollars pour arrêter les violences.
Depuis que nous avons commencé à jouer la pièce Créature Emotionnelle
beaucoup de filles ont voulu s'impliquer pour agir,
pour changer leur vie et aider le monde.
Alors nous avons lancé V-girls il y a environ 2 ans, 2 ans et demi,
et le mouvement a explosé.
C'est vraiment pour les filles, pour les aider à prendre du pouvoir
et à faire entendre leurs rêves et aspirations
mais aussi pour qu'elles deviennent activistes et qu'elles se dépassent
et qu'elles agissent pour aider et transformer le monde et mettre fin à la violence.
Et vous savez quoi? Aujourd'hui il y a toutes ces filles
qui ont créé toute une vie sur internet :
il y a tout un tas de rassemblements de filles aux quatre coins du monde ...
de séances de lecture de la pièce, des clubs de livres autour de la pièce.
En Afrique du Sud après le passage de la pièce, le mouvement a vraiment décollé
et il y a eu une énorme marche le 15 Octobre pour lutter contre le viol,
et il y a eu des conférences dans une école,
et l'événement intitulé Summer Sunday Summits
où des groupes de toutes communautés se sont formés à Soweto et Alexandra
pour mettre fin à la violence et leur donner du pouvoir et raconter leurs histoires.
Je pense que ce mouvement va être massif.
Et je crois sincèrement que quand les jeunes filles prennent du pouvoir
et quand on les soutient, on les pousse, on les aime, on croit en elles et on leur fait confiance,
ainsi qu'à la fille en nous, car je crois que les garçons ont également une fille en eux,
vous voyez la part de fille qui doit s'exprimer et être libérée
pour que les garçons soient présents, plus compatissants, intuitifs, émotifs....
des êtres politiques.
Je crois que quand le mouvement avance et quand nous libérons vraiment les filles
nous avons vraiment les moyens de trouver une façon de sauver l'humanité.
Je le pense sincèrement.
Si les gens veulent participer ou soutenir ces organisations, que peuvent-ils faire?
Et bien ils peuvent venir sur Vgirls.org ou V-day.org et ils peuvent contribuer au site
et voir tout ce qu'il est proposé de faire, ils peuvent faire des V-days dans leurs propres communautés,
ils peuvent faire des clubs de lecture, ils peuvent organiser des événements pour collecter des fonds pour les filles
pour aider à l'éducation de celles qui ne peuvent en avoir une.
Nous avons un grand programme au Kenya où nous avons 2 maisons
empêchant la mutilation génitale féminine
et les filles peuvent s'engager pour soutenir ces filles au Kenya;
elles peuvent s'impliquer dans la Cité de la joie au Congo
qui est un endroit extraordinaire pour les femmes ayant survécu à la guerre au Congo
et qui deviennent des meneuses et qui transforment leur souffrance en pouvoir.
Et beaucoup de ces femmes sont des jeunes femmes
qui sont à présent scolarisées, apprennent l'anglais,
l'informatique, l'éducation civique, l'agriculture,
le développement économique et la thérapie,
et quand elles quitteront la Cité de la Joie elles seront les prochains leaders du Congo.
Donc les filles peuvent s'impliquer en les soutenant.
Et elles peuvent venir voir la pièce à Paris.
Quel message voudriez-vous faire passer au public ?
Chaque jour est different, je crois que c'est le cas aujourd'hui.
Vous savez je crois ... que nous ... nous attendons toujours
que quelqu'un vienne à notre rescousse, tous autant que nous sommes.
Nous pensons que les dirigeants, que les Nations Unies,
que les banquiers, que les gens qui ont le pouvoir
vont de quelquel manière que ce soit nous donner de l'argent, nous donner du travail,
mettre fin aux viols et aux guerres, à l'exploitation minière, vous voyez
sauver la terre, prendre soin de ... et la vérité est que cela n'arrivera pas.
Les gens qui détiennent le pouvoir aiment le garder.
Donc je crois que mon message serait que
nous sommes en réalité les gens qui travaillent pour notre avenir,
vous et moi et tout le monde.
Et plus nous restons dans l'attente
plus le temps passe et nos chances d'améliorer cette terrible situation
se réduisent de jour en jour.
Donc ce que je souhaite dire c'est que tout dépend de vous
pour sortir, être courageux et forts, et oser vous mettre debout et parler avec force
et dire ce que vous pensez et si cela implique de manifester, manifestez,
et si cela implique un acte de désobéissance civile, attachez-vous à une barrière
et si cela implique de prendre la parole là où vous n'êtes pas censés le faire, faîtes-le
et si cela implique de refuser de s'habiller ou d'agir d'une certaine manière, refusez de le faire.
Mais cela doit vraiment être fait par chacun d'entre nous
du plus profond et de la partie la plus puissante de nous-mêmes
si nous voulons changer ce qu'il se passe actuellement.
Et je pense aussi qu'il est crucial que nous honorions la terre
et que nous honorions les corps des femmes.
Merci Eve ENSLER.
Ce n'est pas extrême, c'est un truc de fille.
Que serions-nous si les portes en nous s'ouvraient grand.
Ce n'est pas extrême, c'est un truc de fille.
Que serions-nous si les portes en nous s'ouvraient grand.
Je suis une créature émotionnelle.
Tout est intense pour moi.
Je suis une créature émotionnelle, dévouée, irrationnelle.
Pourquoi voudriez-vous me faire taire
ou m'éteindre ?
C'est un truc de fille.
C'est un truc de fille.
C'est un truc de fille.
C'est un truc de fille.