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Bonjour Elsa.
Bonjour Sophie !
Je suis très contente de présenter les gens
qui travaillent avec moi,
ou qui m'entourent, dans cette aventure audio-visuelle, dans l'autisme,
et j'avais très envie de te présenter, Elsa Bouët.
Tu es traductrice anglais-français,
tu as une histoire avec le MUR,
il faut que je dise que le MUR est en train d'être sous-titré par tes soins.
Alors c'est un super travail que tu accomplis,
il est en train d'être sous-titré dans 8 langues, il a été sous-titré en anglais
en espagnol, en italien, en portugais, en hébreu, en néerlandais, j'en oublie...
En russe, Et... (rires) J'en ai oublié !
Bref je ne sais pas s'il y a beaucoup de documentaires qui ont été sous-titrés
dans autant de langues,
mais c'est pas ce qui nous occupe aujourd'hui.
Je voulais savoir, que tu nous racontes un peu
comment tu as découvert le MUR,
et quelle résonance a eu ce film sur toi.
Alors je l'ai découvert via une amie qui est maman d'un enfant autiste
et quand je l'ai vu, je consultais encore un psychologue psychanalyste,
après avoir vu le MUR je l'ai confronté au sujet de l'autisme,
et je suis plus jamais retournée le voir.
Et j'ai pensé qu'il fallait faire quelque chose pour diffuser tout ça.
Tout ça, c'est-à-dire, est-ce que tu peux être un peu plus explicite, tu as une longue histoire ?
Oui, toutes les croyances qui existent en psychanalyse sur l'autisme
et sur tout ce qui entoure l'autisme.
Moi personnellement quand j'étais petite, j'avais déjà des traits autistiques aussi,
même s'ils étaient légers,
j'avais un retard psychomoteur, une puéricultrice qui disait à mes parents que j'étais pas... que j'étais différente,
à une période, ils voyaient bien... ils voyaient que quand j'étais frustrée
je me frappais la tête par terre,
par exemple, et...
Il y avait une histoire de regard aussi ?
Oui, j'avais un regard entre guillemets "bizarre". Une sorte de passivité.
Il y avait aussi une voisine, qui me gardait, qui disait que je ne souriais pas. À 1 an, 1 an et demi.
Et je restais toute la journée dans le transat sans bouger (rires) d'après les témoignages.
En grandissant, t'es allée à l'école,
ça s'est passé comment à l'école, tu avais des amis ?
Alors oui sur un plan purement scolaire ça se passait bien,
par contre pour les amis c'était un peu spécial. Il y en avait une, que j'aimais beaucoup,
mais les autres m'intéressaient pas tant que ça, et parfois je...
elle a pu me dire quelques années plus ***, elle se rappelait que
je fuyais parfois, je courais, loin des autres enfants,
je voulais plus leur parler, ils comprenaient pas pourquoi...
Il y en a même un que j'ai mordu une fois. (rires)
Tu as des souvenirs de cette période-là ?
Oui, quelques-uns.
Et qu'est-ce que tu ressentais ?
Un décalage avec les autres.
J'imagine que ça a été encore plus compliqué au collège ?
Oui évidemment le collège c'est la période difficile pour tout le monde, où il y a une pression sociale énorme,
Alors moi la pression en soi je l'ai pas tellement sentie,
mais j'en ai eu les conséquences
puisqu'il y avait un rejet grandissant.
J'ai perdu cette amie à ce moment-là, j'ai tenté d'approcher d'autres groupes de jeunes,
Je me souviens que j'avais été rejetée explicitement parce que j'étais trop étrange.
Il y a eu des conséquences, tu as fait...
Tu as été internée ?
Oui, ça c'était quand je suis arrivée au lycée,
Que là, je... C'était moi qui ne supportais plus les autres et
donc là j'ai eu, on va dire, un trouble du comportement très grave, et
j'ai été internée un mois en hôpital psychiatrique,
ensuite j'ai continué ma scolarité en hôpital de jour.
C'est-à-dire que tu suivais l'école en hôpital psychiatrique de jour ?
Voilà.
D'accord.
Quel était le diagnostic des psychiatres sur ton cas à cette époque-là ?
Il y avait pas réellement de diagnostic, à la limite
au collège, comme j'avais une façon de communiquer
qui était assez, c'est vrai, pas adaptée,
je crois qu'ils ont pensé que j'étais juste délirante, et
ensuite j'en ai discuté avec ce psychologue psychanalyste qui m'a dit
que lui pensait, à la limite quand j'étais petite il aurait pu dire que j'avais
une dysharmonie psychotique infantile.
Et quand a été posé le diagnostic de syndrome d'asperger ?
Ça fait un peu plus de deux ans.
Tu as quel âge ?
J'ai 24 ans.
Qu'est-ce que ça t'a apporté d'avoir le diagnostic du syndrome d'asperger ?
Ça m'a permis de comprendre beaucoup de choses
et de pouvoir l'expliquer aussi aux autres, quand c'était nécessaire.
Tu penses que ta vie aurait été différente si
si tu l'avais su plus tôt, si t'avais rencontré des gens qui avaient su
poser du sens sur ta façon d'être, sur ton mal-être ?
Oui je pense que ça aurait été radicalement différent,
si j'avais eu un diagnostic tout de suite, dès la petite enfance,
et surtout l'accompagnement adapté pour les problèmes qu'il pouvait y avoir,
qui étaient pas forcément très flagrants mais
qui ensuite ont eu des conséquences assez dramatiques.
Je pense donc que j'aurais gagné du temps, et
que j'aurais évité
des choses très désagréables pour moi et pour les autres.
Tu travailles aujourd'hui tes compétences sociales, avec une psychologue TCC, c'est ça ?
Oui.
Ça fait pas très longtemps que je la vois en réalité,
j'ai mis du temps avant de me faire à l'idée de retourner voir un psychologue,
Mais bon, j'en avais quand même besoin.
Elle m'a permis donc de... en faisant un vrai travail rigoureux, et pas trop d'interprétations,
à m'aider à identifier diverses émotions, chez moi chez les autres,
à comprendre... comment se passait une conversation normale (rires)
Est-ce que la communication entre filles asperger,
entre femmes ayant le syndrome d'asperger, est-ce qu'elle est forcément plus facile ?
qu'avec les neurotypiques ?
Forcément plus facile, non.
Non puisque, c'est pas parce qu'on a les mêmes difficultés que les difficultés disparaissent.
C'est logique.
Et puis on est toutes différentes même avec syndrome d'asperger.
Mais bon, c'est quand même...
ça peut quand même avoir du positif de retrouver des gens qui ont ces différences-là, les mêmes différences.
Est-ce que ta psychologue t'a permis de comprendre que les neurotypiques
sont aussi des créatures fragiles et sensibles ?
(rires)
Elle essaye de me rendre moins... de me rendre plus souple,
de ce côté-là. Moins cassante avec les gens.
Je cherche une phrase que tu avais dite l'autre jour sur facebook,
du style "je m'énerve pas, je m'explique"
(rires) je suis pas agressive, c'est juste que j'ai pas le sens social...
Ouais, sur facebook, et n'importe où où j'essaye de communiquer,
Il y a très très souvent des gens qui le prennent mal, qui se sentent blessés
et je comprends même pas pourquoi.
J'essaie de rester dans le factuel, et c'est justement ça qui fait que les gens
ont une perception, enfin d'après la psychologue,
ont une perception de moi comme quelqu'un de très froid, et sans pitié, qui croit tout savoir, etc.
Ça c'est quelque chose, je pense, qu'on peut retrouver...
C'est une fausse impression qu'on peut avoir de beaucoup de gens qui ont le syndrome d'asperger.
Tu t'es pas sentie étiquetée, figée, par ton diagnostic ?
Ah !
Alors ça, c'était la grande crainte de mon psychologue psychanalyste, n'est-ce pas,
et, non, absolument pas, non.
Parce que bon, un diagnostic, un syndrome, ça décrit
quand c'est bien posé, ça décrit simplement un ensemble de réalités,
ça ne fige pas dedans, au contraire, ça permet
de prendre toutes les mesures pour bien évoluer
et pour bien s'épanouir. Voilà.