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D'APRÉS L'OEUVRE DE DARCY RIBEIRO
LE PEUPLE BRESILIEN
Le thème de mon livre Les Brésiliens...
est celui dont je vous parle: La construction du Brésil...
par un processus extraordinaire...
qui constitue, par la négation de n'être personne...
l'être brésilien.
Ces gens...
ce peuple brésilien...
est en train de se faire comme ça.
Et deviendra un genre humain nouveau...
d'une humanité tropicale.
L'aventure humaine est faite de conquêtes et de séductions.
Les peuples se sont interpénétrés soit par l'amour soit par la force.
Cela marque encore l'aventure humaine.
Cette aventure, individuel ou collectivement...
se fait par des passions, de conflits...
et aussi par la paix et la tranquillité.
L'INVENTION DU BRESIL
Quand les Portugais sont arrivés et ont donné la nouvelle officielle...
le fait d'avoir trouvé ici des hommes et des femmes...
avec des corps merveilleusement beaux...
au visage candide, sans pudeur...
les a menés à la conclusion d'être arrivé au paradis terrestre.
Cela se voit sur beaucoup de cartes.
Tout le paysage brésilien, en particulier la côte et les îles...
ont fait du pays un des plus grands...
donneurs de mythes de l'humanité.
Comme disent les indiens:
>
La beauté de la nature brésilienne est si grande...
que l'européen l'aperçoit comme le paradis perdu...
comme pouvant l'être.
Il y a un utopisme, une utopie inhérente à la nature.
Ces mythes, en vérité...
peuvent, d'une part, être approchés et étudiés comme des mythes...
mais sont, d'autre part, des mythes...
transformés en forces d'actions populaires...
dont le peuple s'est approprié pour conserver son identité.
Le Portugal avait un projet pour les terres d'outre-mer...
radicalement modifié par la réalité naturelle des tropiques...
par la force des cultures amérindiennes...
et par la présence noire africaine.
Rien de ce qu'il y avait ici n'a préservé sa pureté originale.
Nous avons créé un peuple métis, mélangé des dieux...
et défini une nouvelle réalité linguistique.
Ce qui caractérise le Brésil est, d'un côté...
le miracle d'être une nation unifiée.
Avec tellement de différences...
il devrait être plusieurs nations.
La confluence de personnes venues d'Europe, d'Afrique, de la forêt...
a géré une culture très homogène.
Il y a eu une uniformité dans les différences...
mais en concertation de grande beauté...
qui a mûri, petit à petit.
Que personne ne suppose que ce processus de construction national...
a été sans peines.
>
II y a eu des luttes partout, parce que les peuples étaient différents...
destinés à être différents, mais...
le pouvoir central envoyait toujours un général...
avec ses armes.
La guerre des >...
qui a souvent pris le caractêre d'un génocide, est un exemple.
Là se sont affronté une population qui voulait une vie autonome...
et la petite classe dominante lusitaine-brésilienne...
avec son projet d'occupation du pays.
Cent mil > ont été trucidés...
pour maintenir l'unité...
pour relier l'Amazonie au Brésil...
pour faire une chose très anti-naturelle...
qu'était de faire cette nature, si différente...
et ces gens, si différents...
se convertir...
en une partie du peuple, de notre peuple.
>
Palmares est un exemple typique d'affrontement inter-racial.
Là, des nêgres enfuis d'usines à sucre ou de villages...
se sont organisés pour eux-mêmes.
Ils ont fait Palmares et y sont restés...
avec la joie d'être un peuple.
A ce moment-là, ils avaient déjà oublié l'Afrique...
et ont fait une chose brésilienne.
Ils ont été socialistes, ils ont fait une société communautaire.
Tout était à tous.
Mais un socialisme si primitif, si désordonné, si désarticulé...
qu'ils étaient condamnés, comme les autres, d'Amazonie...
à perdre mille batailles sans en gagner aucune.
>
Emeutes, conspirations, révoltes et guerres...
ont marqué le chemin de notre configuration comme peuple et pays.
Conflits entre lusitains et indiens, rebellions de nêgres...
et, plus ***, luttes pour l'indépendance nationale.
Passée l'indépendance, les combats ont continué...
avec des insurrections de nêgres...
ou des révoltes républicaines, comme la sabinada et la farroupilha...
ou la guerre de Canudos.
Canudos, cet horrible combat, cette tuerie...
et des milliers, encore...
d'autres soulèvements...
de sertanejos du Nord-est...
ont, à la base, un héritage portugais.
Un des mythes les plus importants légués par le Portugal...
est le >.
Le cadavre du roi n'a jamais été retrouvé aprês la bataille...
et est resté le mythe de Dom Sebastião, jeune et beau.
C'est un de nos plus beaux héritages.
Dom Sebastião dort, mais revient...
et arrive avec son armée pour tuer les patrons...
les propriétaires, la canaille...
pour laisser le peuple planter ce qu'il mange.
Plusieurs croyances...
ont fini par se concentrer sur le personnage du Conselheiro.
Il était un dévot, qui portait une soutane...
et employait une houlette.
Il a réuni des sertanejos en telle quantité, prês de lui, à Canudos...
que les propriétaires se sont effrayés.
Ils ne craignaient pas la religion du Conselheiro...
mais ils avaient três peur...
du fait que ses suiveurs avaient leur plantation et vivaient de cela...
et si cela continuait, plus personne ne produirait pour eux...
ou regarderait leur bétail...
ou ferait leurs plantations...
parce que chaque sertanejo voudrait son morceau de terre.
Alors, ils ont inventé que ces gens...
étaient monarchistes... et ont emmené l'armée.
Plein de canons...
Quand ils se sont arrêtés...
il y avait quatre femmes squelettiques...
quelques enfants, plus d'hommes.
Ils avaient tué tout le monde. Tous, tout, tout le monde.
Entre convergences et divergences...
nous avons inventé un peuple et un pays.
Dans ce processus...
le systême linguistique portugais s'est répandu...
renversé par les réalités humaines et écologiques des tropiques.
Au fur et à mesure que le Brésil s'étendait...
la langue cessait d'être du Portugal...
pour se réinventer en portugais du Brésil.
Et comme l'histoire n'aura fin que si nous cessons d'exister...
l'invention du Brésil continue. L'invention génétique...
l'invention technique, l'invention symbolique.
Il y a la conception que le Brésil est un pays raté...
qu'il est une monstrueuse équivoque.
Pense ainsi celui qui compare les mesures objectives...
à celles, par exemple, des Etats Unis.
Beaucoup de choses ont réussi, beaucoup d'autres ne l'ont pas...
et d'autres peuvent encore réussir.
Je situe ce qui n'a pas réussi sur le plan de la cohabitation...
sociale, économique et politique des brésiliens.
Nos déficiences sont énormes en éducation, en santé publique...
nos institutions politiques continuent à être instables...
comme tout au long de notre histoire.
Ce sont des problèmes que j'appelle de cohabitation...
de création de règles impersonnelles...
qui provoquent une interaction plus organisée des brésiliens...
plus prospère et plus stable, du point de vue institutionnel.
Mais je pense, aussi, que le Brésil doit avoir la sagesse...
de reconnaître qu'il a une subjectivité remarquable:
Une vitalité iorubá, filtrée par une tendresse lusitaine...
et avec des éléments de pensée magique du monde indigène.
Cela se manifeste sous beaucoup de formes dans l'art, la culture...
dans la vie affective, dans les rapports personnels...
et est très riche et très dense dans l'expérience brésilienne.
Je crois qu'en Histoire...
le fait importe moins que le mythe...
et même si ce n'est que par le pouvoir de créer des mythes...
certainement le Brésil aura de l'importance dans le futur.
Non seulement pour ça...
mais aussi par cette capacité lusitano-brésilienne de s'adapter...
de sourire, de se superposer à toute oppression...
à toute érosion de la misère ou de l'oppression.
Je vois, donc, mythes et faits comme étant...
un grand espoir pour l'avenir et un légué du Brésil pour l'humanité.
Je pense que le meilleur Brésil que nous pouvons espérer...
est celui qui atteint la civilisation des règles de cohabitation...
mais qui préserve les aspects de notre passé, pré-modernes...
reliés à notre vitalité émotionnelle, à notre spontanéité...
à notre joie de vivre qui, malgré nos afflictions, est vivante.
L'utopie brésilienne, du moins le rêve du Brésil, sera...
épurer nos formes de cohabitation sans perdre le feu de l'affection.
Que voulons-nous? Faire un pays habitable...
où les personnes soient là pour être heureuses...
joyeuses, amoureuses, affectueuses...
où tous mangent tous les jours, n'est pas?
Ce n'est pas absurde qu'en ce pays, si grand, si vert...
il y ait tellement d'affamés? Tellement d'enfants abandonnés?
Le nerf est brisé...
le nerf éthique, humain, utopique.
Comme nous savons...
que les galaxies de l'univers s'éIoignent les unes des autres...
chaque foi plus vite en s'éIoignant...
la vitesse augmente avec la distance...
nous pourrions nous demander...
si la vitesse des évènements de la lutte des personnes du monde...
n'est pas chose semblable.
Si, au fur et à mesure que l'histoire humaine avance vers un avenir...
dont nous ne connaissons rien...
cet avance ne prend pas une vitesse toujours croissante.
Si, quand beaucoup de personnes pensent...
face à des évènements récents...
à des solutions ridicules, seulement adéquates à de choses dépassées...
si ce n'est pas dommage...
de ne pas connaître ces idées des Portugais...
et voir qu'il faut être beaucoup plus audacieux...
et profiter de tout ce qui surgit comme un problème...
qui retarde la réflexion et le programme de vie...
profiter de cela pour repartir encore plus vite...
pour atteindre l'idéal que les Portugais voulaient atteindre:
L'idéal de la vie, l'idéal de l'enfant...
l'idéal de la gratuité du quotidien.
Le plus important, brésiliens, faites attention, le plus important...
est d'inventer le Brésil que nous voulons.