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LES FEUX DE LA RAMPE
L'éclat des feux de la rampe,
que doit quitter la vieillesse
quand la jeunesse entre en scène.
L'histoire d'une ballerine
et d'un clown...
Londres, une fin d'après-midi
de l'été 1914...
Mme Alsop est sortie!
Vous avez coupé le gaz?
Où est sa chambre?
Il faut la déplacer.
Où est la logeuse?
- Où est votre chambre?
- Au deuxième étage.
Prenez-la par les épaules,
moi par les pieds.
Ramassez ma sacoche.
Désolé, faites ça vous-même.
Ouvrez la fenêtre.
Elle a besoin d'air.
Moi aussi.
J'appelle une ambulance?
Il lui faut un émétique.
Un verre d'eau.
Deux litres d'eau chaude
et des serviettes.
Des serviettes...
Elle tenait ce flacon?
Oui. De votre dispensaire.
Vous la connaissez depuis quand?
Cinq minutes à peu près.
Elle a besoin de soins
pendant quelques jours.
Et l'ambulance?
Inutile.
Elle est hors de danger.
L'hospitalisation
entraînerait une enquête
et la prison
pour tentative de suicide.
Elle sera bientôt rétablie.
En attendant, qu'elle se repose.
Donnez-lui du jus d'orange.
Demain, un peu de bouillon.
Pas de conserves.
Passez au dispensaire.
J'aurai une ordonnance pour vous.
- Pour moi?
- Mais non, pour elle!
Mal à la tête?
Où suis-je?
Dans ma chambre, au deuxième étage.
Qu'est-il arrivé?
En rentrant, j'ai senti le gaz,
j'ai enfoncé votre porte
et nous vous avons portée ici.
Il fallait me laisser mourir.
Etes-vous si pressée?
Vous souffrez?
C'est tout ce qui compte.
Le reste n'est qu'illusion.
Des milliers d'années pour former
la conscience humaine,
et vous voulez tout effacer.
Effacer le miracle de l'existence,
ce qui compte le plus
dans l'univers!
Que font les étoiles?
Rien, elles restent
fixées à leur axe!
Et le soleil,
qui crache ses flammes
à 500 000 km.
Et alors?
Il gaspille
toutes ses ressources naturelles.
Le soleil pense-t-il?
A-t-il une conscience?
Non, mais vous, oui.
Je vous demande pardon.
A peine arrivé, tu repars déjà.
Juste ciel!
Regardez! Ma porte!
Du vandalisme!
Elle a emporté ses affaires.
Je l'envoie en prison!
Je le savais. Une traînée.
Trop tranquille!
Il n'est pire eau
que l'eau qui dort.
Tiens, elle n'a rien pris.
Et elle n'aura rien
avant d'avoir payé son loyer.
Défoncer la porte!
Il s'en passe de belles,
derrière mon dos!
Elle est dehors, qu'elle y reste!
J'achète et je vends tout
M. Calvero!
C'est vous, M. Calvero?
Votre linge.
J'allais le déposer.
Un instant!
Attendez!
Vous avez laissé tomber ça.
Et vos oranges.
Voilà à quoi elle passe ses soirées.
Bas les pattes!
Que fait-elle ici?
Pas ce que vous croyez.
Qui a défoncé ma porte?
Moi.
Vous avez une fuite.
Une quoi?
Le gaz fuit dans sa chambre.
Louche, tout ça.
- Qui est-ce?
- Vous devriez le savoir.
Elle disait qu'elle travaillait.
Elles le disent toutes.
Et ça vous regarde?
Elle a essayé de se tuer.
Elle a pris du poison, ouvert le gaz.
Je suis arrivé à temps.
Vraiment! J'appelle la police.
Ce sera dans tous les journaux.
Elle ne va pas rester là.
Je n'en veux pas.
Qu'elle rentre dans sa chambre.
Pas question. Elle est louée.
On ne peut pas la jeter à la rue.
Elle ne rentre pas dans sa chambre!
Alors, elle reste ici.
Pour faire scandale dans la maison!
Nous pourrions être mari et femme.
Vraiment!
Je ne vous le conseille pas.
Mettez-la vite à la porte!
Mari et femme!
Méfiez-vous de cette garce.
En plus, elle est toujours malade.
Des pellicules, peut-être?
Prêts?
Je suis dompteur
C'est mon bonheur
Sous le chapiteau
J'ai dressé tigres et lionceaux
J'ai gagné des millions
Etje les ai perdus
Peut-être par passion
Ou bien je les ai bus
Pour payer mes dettes
J'ai dû vendre mes bêtes
Mais loin de désespérer,
Il m'est venu une riche idée
Dans mes sous-vêtements,
J'ai trouvé l'astuce:
Si au lieu d'éléphants,
Je domptais des puces?
Pourquoi chasser le gibier
Dans la jungle embroussaillée
Quand on a tout ce qu'il faut
Comme talents locaux?
Je ne dis pas où je l'ai trouvé,
Mais je l'ai éduqué
Je lui ai appris les usages
Puis il s'est mis en ménage
Je leur offre table et logis
Et chaque soir je les nourris
Elles n'ont ni caviar ni cake
Mais se paient un bon rumsteak
De mon anatomie
Drôle de sensation
Quand ils font leur balade
dans ma plantation
Je suis le plus heureux des hommes
Je leur ai appris
les ficelles du métier
Et c'est elles aujourd'hui
qui me font gagner ma vie.
Entrez! Venez voir
le plus grand cirque du monde
Entrez! Vous en aurez
pour votre argent
Voyez Henry et Phyllis,
Puces et artistes,
Se lancer hardiment
Sur le trapèze volant
Si ça démange dans le gras,
Ne vous grattez pas
Vous pourriez trancher la vie
d'un brillant génie!
Phyllis, Henry, arrêtez!
Qu'est-ce que vous faites?
Vous devriez avoir honte!
Quelles manières!
Phyllis, dans ta boîte!
Trop ***,
il fallait y penser avant.
Tu m'entends?
Tu veux que je te pince?
Arrête!
Sors de là!
Phyllis! Tu es au régime.
Tu es folle?
Arrête, tu m'entends?
Sors tout de suite!
Tu vas trop loin!
Phyllis, que fais-tu?
Petite sotte!
Phyllis! Henry t'attend.
Qu'est-ce que tu fais?
Tu veux que je me gratte?
Mais ce n'est pas Phyllis!
Où est Phyllis? La voilà!
Vous êtes réveillée?
Votre mari m'a dit de passer.
- Qui?
- Votre mari.
Et de vous préparer du bouillon.
Je vais vous aider.
Vous n'avez rien mangé de la journée.
La soupe vous fera du bien.
Non, merci.
Votre femme ne mange pas.
Une chance pour un mari pauvre!
Comment ça va?
Mieux, merci.
Ne vous inquiétez pas
pour le "mari".
Mme Alsop tient
à sauver les apparences.
Dès que vous serez guérie,
vous pourrez divorcer.
Je suis guérie.
Pas tout à fait.
Attendez un jour ou deux.
Vous êtes très bon.
Je peux rentrer dans ma chambre.
C'est impossible, j'en ai peur.
Mme Alsop l'a louée.
A partir d'aujourd'hui.
Mais vous êtes la bienvenue ici,
en attendant.
Je ne peux rien faire!
Pourquoi ne m'avez-vous pas
laissé mourir?
Ne dites pas ça.
Vous êtes vivante, profitez-en.
Je suis pauvre, malade!
Je ne sais pas ce que vous avez,
mais si c'est
ce que pense Mme Alsop,
il faut faire quelque chose.
Il y a de l'espoir.
S'il s'agit de...
Vous me comprenez.
Je ne crois pas.
Eh bien, disons...
une jeune fille, seule au monde,
tombe malade...
si c'est cela, ça se guérit.
On a découvert un remède miracle.
Si c'est ça, n'ayez pas peur
de le dire, je peux vous aider.
Je suis un vieux pécheur,
rien ne me choque.
Ce n'est rien de tel.
- Vous êtes sûre?
- Certaine.
Mais vous avez été malade?
J'ai passé cinq mois à l'hôpital
pour des rhumatismes articulaires.
C'est tout!
De quoi vous plaignez-vous?
Je ne peux plus travailler.
Quel est votre métier?
J'étais danseuse.
Dans le ballet de l'Empire.
Et moi qui croyais...
Ainsi vous êtes ballerine!
Nous ne nous sommes pas présentés.
Thereza Ambrose.
On m'appelle Terry.
Charmant. Enchanté.
Je suis aussi du métier.
Calvero.
Vous me connaissez peut-être.
Le célèbre clown?
C'était moi. Mais passons.
Comment en êtes-vous arrivée là?
La maladie.
Eh bien, nous vous guérirons.
Le lieu n'est pas rêvé
pour une convalescence,
mais vous êtes la bienvenue,
si vous voulez rester Mme Calvero,
pour la forme.
Ça ne vous gêne pas?
Pas du tout.
J'ai été marié cinq fois.
Une de plus ou de moins...
J'en suis à un âge
où une amitié platonique peut
se situer sur un plan moral élevé.
Votre mère était couturière
et votre père lord?
Quatrième fils d'un lord.
C'est différent.
Il a épousé votre mère?
Elle était femme de chambre.
Une vraie bluette.
- Il avait de l'argent?
- On lui a coupé les vivres.
Il ne vous reste qu'une s***ur?
Oui, en Amérique du Sud.
Vous n'avez agi
qu'à cause de la maladie?
Et aussi...
La vanité de toute chose.
Je la vois dans les fleurs.
Je l'entends dans la musique.
La vie n'a aucun but, aucun sens.
Pourquoi aurait-elle un sens?
La vie est un désir, pas un sens.
Le désir est la base de toute vie.
C'est pourquoi la rose
veut être rose,
et la pierre se contente
de rester ainsi.
Vous souriez?
Votre rose et votre pierre...
Je sais tout imiter.
Un arbre japonais,
tourmenté et cocasse.
Quant aux pensées, elles font ainsi.
Et les sombres, comme ça.
Donner un sens, c'est remplacer
la chose par un mot.
Une rose est une rose.
Pas mal, on devrait le citer.
Votre vie n'avait plus aucun sens.
Vous avez trouvé un mari provisoire
et un foyer.
Voici votre eau.
En cas de besoin,
c'est la première porte à gauche.
A tous les étages.
C'est le printemps!
Les oiseaux chantent,
les putois se faufilent,
agitant la queue amoureusement.
C'est le printemps!
Les baleines brassent l'écume,
les vers se tortillent,
agitant la queue amoureusement.
Quelle est cette magie
qui nous ensorcelle?
Quelle est cette magie printanière
qui nous démange ainsi?
C'est l'amour!
Auriez-vous un tue-mouches?
Je vous demande pardon?
Si vous demandez l'aumône,
j'appelle la police.
Je vous demande pardon!
Je me fiche de ce que vous mangez.
Je n'ai rien mangé.
Tenez, achetez-vous un sandwich.
- J'exige des excuses.
- Je ne vous connais pas.
Qui êtes-vous,
êtes-vous bien née?
- Sachez que je m'appelle Smith.
- Connais pas.
Ça prouve votre sottise.
J'aurais dû mettre un manteau.
Vous avez interrompu mon sonnet.
Votre quoi?
Pas mon quoi, mon sonnet.
Mon ode au ver de terre.
O ver,
pourquoi te détournes-tu de moi?
C'est le printemps.
Relève la tête,
A un bout ou à l'autre,
Et souris au soleil,
Déploie ta nudité
et de la queue
Soulève la poussière!
C'est le printemps!
Ridicule!
Un ver qui sourit au soleil!
Un ver ne sourit pas.
- Que savez-vous de son humour?
- Il n'en a pas, bien sûr.
Ça n'a pas de sens.
La poésie doit-elle avoir un sens?
Et la licence poétique?
Je ne vous ai donné aucune licence!
Arrêtez!
Tout cela nous dépasse.
En cet instant,
je saisis le sens de la vie.
Quel gaspillage!
Quel est ce besoin
qui fait que la vie continue?
C'est vrai.
Qu'est-ce que ça veut dire?
Où allons-nous?
Quant à vous,
votre main va dans ma poche.
- Que fait-elle là?
- Pur magnétisme, très chère.
Pourquoi m'êtes-vous hostile?
Devons-nous être sérieux?
Je ne sais rien de vous.
La police vous renseignera.
Vous êtes un drôle de bonhomme.
Votre façon de parler des vers.
Pourquoi pas?
Même les mouches sont romantiques.
Les avez-vous vues venir
de l'étable à la table?
Se poursuivre sur le sucre,
se retrouver dans le beurrier?
Vous avez bien lu
"La Vie des abeilles"?
Les m***urs des abeilles
vont vous ébahir.
A vos souhaits.
Votre costume vous serre à souhait.
Vous êtes bien poussiéreuse ce soir.
On vous a oubliée sur une étagère?
Du savon? Du talc?
Je sais, de l'amidon.
Pensez donc!
L'amour gouverne toute la vie.
Comme c'est beau!
Ça n'a rien de beau.
C'est bas, infâme, horrible...
mais c'est merveilleux.
Vous me plaisez.
Vous avez de la sensibilité.
Ne m'encouragez pas.
Rares sont les hommes
capables de sensibilité.
Question d'occasion.
Permettez.
Faites-en ce que vous voudrez.
Bonjour, comment allez-vous?
Mieux, merci.
Quelle journée!
Le soleil brille, la bouilloire
chante, le loyer est payé.
La terre va trembler, je le sens.
Pour le petit déjeuner?
Œufs, bacon, fromage, oignons?
J'ai fait un rêve!
Nous faisions un numéro ensemble,
sur le printemps.
J'ai de belles idées en rêve,
je les oublie au réveil.
Je rêve beaucoup de théâtre
ces temps-ci.
Je refais tous mes vieux numéros.
Des harengs. Qu'ils sont beaux!
Qu'y a-t-il?
Mes jambes!
J'ai voulu me lever, je suis tombée.
Je ne tiens même pas debout!
C'était trop tôt.
Ce n'est pas ça.
Je ne sens rien.
Elles sont paralysées,
je le sais!
Ne vous affolez pas.
Nous appellerons le médecin.
Je devrais aller à l'hôpital.
Ecoutez d'abord ce qu'il dit.
Je ne peux pas rester ici.
Je ne me plains pas.
Vous devriez.
Je suis insupportable.
C'est votre faute,
vous avez tenu à me sauver.
Tout le monde peut se tromper.
Je suis désolée.
Vous pouvez l'être.
Jeune comme vous,
vouloir renoncer à la vie!
A mon âge,
vous vous y accrocherez!
A ce point,
la vie devient une habitude.
Une habitude sans espoir.
Même sans espoir.
Vivez pour l'instant.
Il reste des instants merveilleux.
Même malade?
On me donnait pour mort
il y a six mois. Je me suis battu.
Faites-en autant.
Je suis lasse de lutter.
Vous luttez contre vous-même!
Vous refusez tout espoir!
Luttez pour le bonheur.
Le bonheur...
- Ça existe.
- Où?
Enfant, je me plaignais
de ne pas avoir de jouets.
Mon père me disait :
"Voici le plus beau des jouets.
"Ici se trouve
le secret du bonheur."
On ne vous prendrait jamais
pour un clown.
Je m'en aperçois.
C'est pour ça
que je ne travaille plus.
Pourquoi?
Ils n'ont pas d'imagination.
Comme je vieillis,
ils me croient fini.
Jamais!
A vous entendre parler!
Je buvais trop, peut-être.
En général, il y a une raison.
Le malheur, sans doute.
Non, j'y suis habitué.
C'est plus compliqué.
En vieillissant,
on veut vivre intensément.
On gagne une sorte
de dignité triste,
et pour un clown, c'est la mort.
Mon travail en a souffert.
J'ai perdu le contact
avec le public.
C'est pourquoi
je me suis mis à boire.
C'est devenu un besoin.
Je n'étais plus drôle sans.
Et plus je buvais...
Un cercle vicieux.
Et ensuite?
Crise cardiaque.
J'ai failli mourir.
Et vous buvez encore?
Parfois, quand je pense...
sans doute à ce qu'il ne faut pas,
comme vous.
Que voulez-vous manger?
Quel triste métier d'être drôle!
Très triste si le public ne rit pas.
Mais quelle joie
de les voir rire,
d'entendre le rire
monter vers vous par vagues.
Mais changeons de sujet.
Je veux oublier le public.
Jamais. Vous l'aimez trop.
Je l'aime peut-être,
mais je ne l'admire pas.
Je crois que si.
Il y a de la grandeur
en chaque individu.
Mais la foule
est un monstre sans tête,
qui ne sait jamais où il va,
qu'on peut mener dans tous les sens.
Mais votre petit déjeuner.
Des œufs pochés?
Tout va bien?
C'est ce que j'attendais.
Bonnes nouvelles?
Mon agent veut me voir.
Merveilleux.
Oui, c'est le grand tournant.
Les directeurs ont voulu me briser.
Maintenant ils me demandent.
Je leur ferai payer leur mépris
et leur indifférence.
Non, je serai généreux.
Ça les remettra à leur place.
Je dois y être à 3 h.
En partant,
je passerai chez le médecin.
Mais votre petit déjeuner?
Que diriez-vous de ces harengs?
Rien pour vous...
- Qui attend?
- Mlle Parker.
C'est tout?
Calvero. Il est là depuis 3 h.
Je l'avais oublié. Faites entrer.
Excusez-moi pour hier,
j'étais retenu.
Bonnes nouvelles pour vous.
Une semaine au Middlesex.
A quelles conditions?
A votre place,
je ne m'en soucierais pas.
Je ne m'en soucie pas.
Mais si ce n'est pas
une question d'argent,
quelle place sur l'affiche?
De cela non plus.
Je n'aurai pas la vedette
au Middlesex?
Ce n'est même pas sûr.
Je les laisserais
se servir de mon nom
comme faire-valoir
pour un tas d'inconnus?
Calvero est toujours un nom!
Erreur.
Aujourd'hui il ne vaut plus rien.
Et ils me demandent?
Ils me rendent un service.
Trop aimable à eux.
J'espère que vous appréciez.
Je vais être franc.
Je leur ai rebattu les oreilles
de Calvero.
Ils ne veulent pas
entendre parler de vous.
Avant, c'était le contraire.
Je dois vous faire
comprendre la situation.
Vous y réussissez à merveille.
J'essaie de vous aider.
Mettez-y du vôtre.
Je ferai tout ce que vous voudrez.
Voilà qui est mieux!
Dès que j'ai le contrat,
je vous préviens.
En tout cas, courage!
S'ils ne veulent pas entendre parler
de Calvero,
- je changerai de nom.
- Excellente idée!
Comment va notre malade?
Plus trace de poison.
Mais elle n'a rien aux jambes.
Et son arthrite?
Je n'y crois pas.
Le c***ur aurait été atteint.
Pour moi, c'est un cas
de psychasthénie.
Une paralysie d'origine hystérique,
sans cause réelle.
La raison?
Dans son cas,
elle se l'est imposée.
Ayant raté son suicide,
elle a décidé d'être infirme.
Comment puis-je l'aider?
C'est à elle de s'aider.
Il lui faut un psychologue.
Le docteur Freud?
Je ferai de mon mieux.
Parlez-moi de votre s***ur Louise.
Il n'y a rien de plus à dire.
Sans travail,
elle a dû se prostituer.
- A quel âge l'avez-vous su?
- A huit ans.
Racontez-moi.
Ma mère venait de mourir.
J'adorais Louise.
Elle me choyait,
me faisait apprendre la danse.
Un jour, j'ai compris
ce qu'elle faisait.
Je revenais du cours de danse.
Je l'ai vue.
Les autres filles aussi
l'ont vue faire le trottoir.
Qu'avez-vous fait?
Je me suis enfuie en pleurant.
Et ensuite?
J'ai essayé d'oublier.
On m'a mise en pension.
A 16 ans, je suis entrée au ballet.
Louise est partie
en Amérique du Sud.
A cette époque,
vous n'aviez rien aux jambes?
Quand cela a-t-il commencé?
Deux ans plus ***.
Quand Melise est arrivée.
Qui est-ce?
Une fille du cours de danse.
Elle était là,
le soir où vous avez vu Louise?
Pas besoin d'être Freud
pour savoir que depuis,
vous ne voulez plus danser.
Vous l'associez
au malheur de votre s***ur,
qui payait vos leçons par sa honte.
Vous avez honte de danser.
Je me mépriserais de penser cela.
Vous vous méprisez.
Le monde est ainsi :
nous nous méprisons tous.
Se prostituer!
Nous luttons tous pour subsister.
C'est la croisade de l'humanité...
écrite sur l'eau.
Suffit.
Avez-vous été amoureuse?
Pas vraiment.
C'était plutôt de la pitié.
Le mystère s'épaissit.
Racontez.
C'est ridicule.
Je le connaissais à peine.
Tout est né de mon imagination.
A ma sortie de l'hôpital,
j'ai travaillé dans une papeterie.
C'était un client.
Un jeune Américain.
Il achetait du papier à musique,
plus ou moins, selon ses moyens.
Il avait l'air solitaire,
désemparé, timide.
Il faisait pitié.
Je l'ai remarqué quand quelqu'un
a voulu passer devant lui.
Je l'ai servi d'abord
et il m'a souri, reconnaissant.
La femme de ménage m'a dit
qu'il s'appelait Neville,
qu'il était compositeur
et vivait sous les toits.
Parfois, il se privait de repas
pour acheter son papier.
Je le lisais dans ses yeux.
Son regard de chien battu.
Je lui mettais des feuilles en plus,
je lui rendais plus
que sa monnaie.
Je ne sais pas s'il le remarquait.
Souvent, je passais devant chez lui
pour l'entendre jouer,
répétant sans cesse
le même passage.
Je l'écoutais,
exaltée et mélancolique.
Et après?
Pendant des semaines,
je ne l'ai plus vu.
J'ai appris qu'il était malade
et qu'on avait saisi son piano.
Un jour il est revenu,
les traits pâles.
Il a demandé 2 shillings
de papier à musique,
et a placé la pièce sur le comptoir.
Je savais que c'était sa dernière.
Si seulement j'avais osé l'aider!
Je voulais lui offrir
de lui prêter de l'argent.
J'étais intimidée.
Mais je tenais à l'aider.
J'ai ajouté quelques feuilles,
et je l'ai rappelé.
"Votre monnaie. "
"- Il doit y avoir erreur.
"- Pas du tout.
"Vous m'avez donné ½ couronne,
voici vos 6 pence. "
Je me sentais ridicule.
De plus, mon patron
a surgi à cet instant.
"Puis-je vous aider?
"- C'est inutile.
"Monsieur a oublié sa monnaie. "
Il l'a obligé à la prendre.
Mais ensuite il a vérifiié la caisse.
Il n'y a pas trouvé
de demi-couronne.
Il a découvert la différence
et m'a renvoyée.
Qu'avez-vous fait?
J'ai voulu reprendre la danse.
C'est alors que j'ai eu
cette crise d'arthrite.
Avez-vous revu
ce jeune compositeur?
Cinq mois plus ***,
à ma sortie de l'hôpital.
Je l'ai vu au Royal Albert Hall.
Sa symphonie
y remportait un triomphe.
Vous l'aimez, bien sûr.
Je ne le connais même pas.
Ça viendra.
Le monde est petit.
Je le vois d'ici.
Vous serez célèbre,
il viendra vous dire
qu'il vous a rencontrée
dans une soirée.
Je ne le reconnaîtrai pas?
Il aura une barbe,
comme tous les musiciens.
Il aura composé
un ballet pour vous.
Alors vous saurez qui il est,
vous lui direz qui vous êtes
et ce que vous avez fait pour lui,
avec le papier à musique.
Vous dînerez ensemble
sur une terrasse dominant la Tamise.
Ce sera l'été.
Vous porterez
une robe de mousseline.
Il remarquera votre parfum.
Londres sera belle
comme dans un rêve.
Dans l'élégante
mélancolie du crépuscule,
où la lueur des chandelles
dansera dans vos yeux,
il vous dira son amour.
Vous lui direz
que vous l'avez toujours aimé.
Où suis-je?
La vie peut être merveilleuse
si on n'en a pas peur.
Il suffit de courage,
d'imagination...
et d'un peu de fric.
Quoi encore?
Je ne danserai plus.
Je suis infirme!
Hystérie!
Vous vous forcez à le croire!
- Vous refusez de lutter!
- A quoi bon?
Vous voyez! Vous avouez!
Pourquoi lutter? Pour tout!
Pour la vie!
Ça ne suffit pas?
La souffrance et la joie de la vie.
A quoi bon lutter?
La vie est magnifique.
Même pour une méduse!
Et vous, vous avez votre art,
votre danse!
Je ne peux pas danser sans jambes!
Je connais un manchot
qui joue du violon
avec les orteils!
Mais vous avez renoncé!
Vous vous complaisez
dans la maladie et la mort!
Mais...
il y a aussi inévitable
que la mort, c'est la vie!
Pensez à l'énergie de l'univers,
qui déplace la terre,
fait pousser les arbres.
Cette même énergie est en vous!
Si vous aviez le courage
et la volonté de vous en servir!
Bonne nuit!
Allons, dansez!
Je vous ai eue!
Pas de chaise!
Quelles nouvelles?
L'Europe s'arme.
Rien d'intéressant?
Un article sur des médiums,
M. et Mme Zanzig.
J'ai joué avec eux.
Ils peuvent communiquer
par télépathie.
Ridicule!
Comment font-ils?
Je ne sais pas, mais je l'ai vu
envoyer un télégramme à sa femme.
Encore du café?
Une demi-tasse.
Pardon, je ne voulais pas...
Non, ça me fait du bien.
Regardez-vous.
On dirait un enfant de deux ans.
Je fais des progrès.
Sans aucun doute.
Je m'ennuie à ne rien faire.
J'ai même plaisir
à repriser vos chaussettes.
Vous faites déjà le ménage
et la cuisine.
Continuez de vous battre!
A propos, Mme Alsop
a repris le sentier de la guerre.
Elle m'a demandé quand je partais.
Ça la regarde?
Nous payons le loyer.
Non, un mois de retard.
C'est le retard de l'engagement
au Middlesex.
Je sais m'y prendre avec elle.
Une tape dans le dos,
et notre crédit est bon.
Si j'allais à l'hôpital?
Non.
Ça vous ferait un problème de moins.
Après le Middlesex,
tout ira bien.
Depuis que je vous fais la morale,
ça me fait de l'effet.
Je me mets à y croire moi-même.
Je ne bois plus
depuis que je vous connais.
Merveilleux.
Et je ne boirai pas,
même pour la première.
Vous n'en avez pas besoin
pour être drôle à mourir.
Le facteur. Peut-être de mon agent.
Cher Calvero,
vous débutez au Middlesex
le 5 septembre.
Je voulais vous voir.
Quelle joie!
Je ne ris pas.
Quand chasserez-vous cette fille?
Ne soyez pas jalouse!
Quelle coiffure!
Qu'avez-vous fait
de vos accroche-c***urs?
Pas de ça.
Vous me devez quatre semaines!
- L'ai-je nié?
- N'essayez pas!
Sybil, tu veux me faire mal,
petite friponne...
Tu me fais tourner la tête!
Alors, cette fille?
Patience.
Dans les huit jours ou...
De l'indulgence.
C'est une épreuve pour vous et moi.
Vous plaisantez?
Mon merveilleux petit
plum-pudding...
Mais soyons raisonnables.
Voilà pour le loyer.
- Du courrier?
- Non, c'était pour Mme Alsop.
La vie de la sardine,
C'est la vie que je veux
Je m'ébats et badine
Au fond de la mer bleue
Sans peur des filets
comme un feu follet
Car la vie de la sardine,
C'est la vie que je veux
J'ai rêvé que j'étais une sardine.
C'était l'heure du déjeuner
et je cherchais un petit appât
quand j'ai passé un lit de varech.
Et dessus, ou plutôt dedans,
se trouvait
la plue jolie des morues.
C'est leur nom,
chez les poissons.
Elle tortillait de la queue
avec raffinement.
Elle avait des ennuis.
Allez, mon vieux, on rentre!
T'as raison.
Bonne nuit!
Pardon.
Ces chaussures me serrent.
Bonsoir.
Vous ne dormez pas encore?
Je n'y arrivais pas.
J'ai vu la porte ouverte,
et je me suis levée.
De la soupe?
Vous avez l'air fatigué.
Vraiment?
Vous vous inquiétez,
mais au moins, le contrat est signé,
ce n'est qu'un retard.
Il n'y a pas de retard.
C'était ce soir.
Au Middlesex?
Vous ne m'avez rien dit?
Je voulais
vous épargner l'angoisse.
Oubliez tout et dormez bien.
Le public est sorti.
Ça ne m'était pas arrivé
depuis mes débuts.
La boucle est bouclée.
Sous un faux nom.
Ils ne vous ont pas reconnu!
Non, je n'étais pas drôle.
J'étais à jeun.
J'aurais dû me saouler.
Mais ils ne vous ont pas reconnu.
Tant mieux.
La première est toujours difficile.
Après tout ce temps sans travailler.
Demain soir, ce sera différent.
Je n'y retourne pas.
Pourquoi?
Ils ont... résilié le contrat.
Ils n'ont pas le droit.
Si. Ils l'ont fait.
Vous étiez engagé pour une semaine!
Inutile. Je suis fini.
Lessivé!
Ridicule!
Calvero se laisse abattre
après une seule représentation?
Non.
Vous êtes un trop grand artiste!
Montrez-leur
de quoi vous êtes fait!
C'est maintenant qu'il faut lutter!
Rappelez-vous
ce que vous m'avez dit, ici même.
Rappelez-vous.
L'énergie de l'univers
qui déplace la terre,
qui fait pousser les arbres!
Cette énergie est en vous!
C'est le moment d'en faire usage
et de lutter!
Calvero, je marche!
Je marche!
Vous vous rendez compte?
Je marche.
Moi, je n'en peux plus.
J'abandonne.
Il est près de 5 h.
Je ne pouvais pas rester
dans cette chambre.
Je vous comprends.
Courage.
Regardez.
Le jour se lève.
C'est un bon présage.
Je le sais. Ce sera.
Il le faut!
Ne vous découragez pas.
Vous retomberez sur vos pieds.
Sur mes quoi?
Pensez à notre chance!
Nous sommes en bonne santé.
Je travaillerai
dans le corps de ballet
pour nous faire vivre.
Nous?
Oui, nous!
Vous et moi... ensemble.
Six mois plus ***
M. Bodalink!
La direction.
J'allais vous laisser un mot
pour Calvero.
Qu'il vienne me voir demain
avant votre audition.
- Le rôle est pour lui.
- Merveilleux!
Un instant.
Je ne vous avais pas entendue.
Pas étonnant.
Mes amis...
Mademoiselle Thereza.
Bière, Bach et Beethoven
sont au programme.
N'est-il pas ***
pour de la musique?
Pas pour un nocturne.
Continuez le massacre.
Mais de la douceur, du sentiment.
Largo.
- Je m'en tiendrai à la bière.
- Elle monte.
Et Mme Alsop?
C'est du joli.
J'ai grimpé trois étages
avec des bouteilles vides
dans les bras!
Plus de bière?
Le spectacle est fini?
Il est si ***?
Il est très ***.
C'est le signal du départ.
Vous partez?
La fête commence à peine.
- Il est presque une heure.
- Et alors?
Attendez!
Calvero m'a donné un tuyau,
j'ai doublé ma mise.
Ça n'arrive qu'une fois dans la vie.
Attendez, l'escalier est raide.
Je passe devant.
Ça va. Je m'en sortirai.
Désolé, ma chère.
Je suis ivre.
Votre santé m'inquiète.
Vous avez entendu le docteur.
Je ne devrais pas boire.
C'est mauvais pour le c***ur.
Mais pour l'esprit?
Il devrait être vif et lucide
pour affronter l'avenir,
la perspective de rejoindre
les vieillards
qui dorment sous les ponts.
Pas tant que je vivrai.
J'ai oublié votre dîner.
Je ne suis bon à rien.
Plus ***.
D'abord, je vous mets au lit.
Mais vous n'avez rien mangé.
Vous avez pris vos médicaments?
Pour vous donner de l'appé***.
J'ai étanché mon appé***.
Vous devez manger.
Je préfère boire.
Un homme se révèle
quand il a bu.
Moi, je suis plus drôle.
J'aurais dû boire au Middlesex.
Bonne nouvelle.
M. Bodalink veut vous voir
demain matin.
Qui est-ce?
Notre directeur.
Pour un rôle de clown.
J'ai fini de faire le clown.
La vie ne me fait plus rire.
Je suis un humoriste à la retraite.
Vous changerez d'avis demain.
Je dé*** le théâtre.
Un jour, je m'achèterai
un bout de terrain.
Je cultiverai des fleurs
et j'en vivrai.
Affaire conclue.
Je joue le clown!
Asseyons-nous.
Vous allez tout me raconter.
Bien sûr,
ce n'est pas très bien payé.
Deux livres?
C'est un début.
Bien sûr, je prends un pseudonyme.
Ce Bodalink vous trouve
beaucoup de talent.
Si vous étiez venu me voir,
vous le sauriez.
Vous ne m'avez rien dit
de votre audition?
C'était une surprise.
Et le résultat dépend encore
de M. Postant.
Je le croyais à la retraite.
Vous le connaissez?
Quand j'ai travaillé pour lui,
je passais en vedette.
Allumez la rampe.
Vos mains sont froides.
Je crois avoir la fille,
une excellente danseuse.
Montrez-la-moi.
Thereza!
Ce n'est qu'une improvisation.
C'est là-dessus
que je juge les danseuses.
Vous allez danser sur la musique
de M. Neville. Ecoutez-la.
M. Neville, le compositeur.
Nous nous connaissons, je crois.
Vous croyez?
Arrêtons pour déjeuner.
On reprend à 1 h 30.
Puis-je féliciter
notre nouvelle danseuse étoile?
Vous êtes en nage.
Prenez votre manteau.
Mettez-le.
Nous allons parler affaires.
Puis-je aussi vous féliciter?
Rendez-vous à mon bureau
à 2 h 30 pour le contrat.
Nous répétons à 2 h.
Après la répétition, alors.
Courez dans votre loge,
vous allez attraper froid.
Où est Neville?
C'est bon. Tu peux couper.
Je suis ici.
Je vous cherchais dehors.
Que faites-vous dans le noir?
Je serais ridicule à la lumière.
Je n'ai aucune pudeur...
mais je n'y peux rien.
Vous êtes une véritable artiste.
Une véritable artiste.
C'est absurde, ridicule.
J'ai attendu ce moment.
Je vous aime.
Je voulais vous le dire
depuis longtemps.
Depuis le jour où vous m'avez prise
pour une fille des rues,
où vous m'avez accueillie,
soignée.
Vous m'avez sauvé la vie,
rendu l'espoir.
Mais par-dessus tout, je vous aime.
Je vous en prie, Calvero,
épousez-moi.
- Quelle folie!
- Ce n'est pas de la folie.
Ma chère, je suis un vieil homme.
Je m'en moque.
Je vous aime.
C'est tout ce qui compte.
Allez déjeuner.
Je dois choisir ma perruque.
- Je viens.
- Ça risque d'être long.
Je vous retrouve au théâtre.
C'est moi qui vous ai accompagnée
au piano.
Il y a foule.
Toujours, à cette heure.
Deux?
***ufs au bacon, toasts et thé.
Moi aussi.
C'est plus prudent.
Belle journée pour répéter.
Le journal annonce de la pluie.
Qu'y a-t-il de drôle?
Je peux enfin vous parler,
et je ne trouve rien à dire.
Quoi de plus éloquent
que le silence?
- Je devrais changer de table.
- Je ne mords pas.
Je ne sais pas. J'ai pris
une *** froide tout à l'heure.
Comment cela?
Quand on nous a présentés.
Je ne comprends pas.
Votre accueil a été plutôt froid.
Je ne comprends toujours pas.
Pardon.
Je dois paraître bien confus.
J'avais l'idée
que nous nous connaissions.
C'est possible.
Ou alors vous avez une s***ur jumelle.
Qui est-ce?
Vous tenez à le savoir?
Elle travaillait dans une papeterie
où j'achetais mon papier à musique.
Une jeune fille timide et réservée.
Elle parlait peu.
Mais son sourire était chaleureux,
et j'y voyais bien des choses.
J'étais timide, moi aussi.
Un lien entre nous.
Elle me donnait
des feuilles en trop,
et parfois de la monnaie.
J'acceptais.
La faim n'a pas de scrupules.
Après mon concert à l'Albert Hall,
j'y suis retourné.
Mais elle était partie.
Depuis des mois.
Vous ne l'avez pas revue?
Dites-le-moi.
Oui, vous l'avez revue.
Je sais.
Ces feuilles m'ont coûté ma place.
- Ne me le reprochez pas.
- Non, bien sûr.
J'étais très jeune.
Vous l'êtes toujours.
Bientôt je serai
une vieille femme mariée.
Tous mes v***ux de bonheur.
Comme c'est long!
Avant de régler la chorégraphie,
j'explique l'argument.
C'est une arlequinade.
Terry est Colombine.
Elle agonise dans une mansarde.
Arlequin, son amant,
et les clowns sont à son chevet.
Elle veut être portée à la fenêtre
pour voir les toits
une dernière fois.
Les clowns pleurent. Elle sourit.
Ils sont là pour la faire rire.
Elle veut les voir
faire leurs tours.
Ici les clowns
font leur numéro.
Alors qu'elle est mourante?
Où en étais-je?
Pendant leur numéro, elle délire.
Les esprits dansent devant elle.
Et elle meurt.
Fin de la première scène.
La deuxième scène
se passe sur sa tombe.
Arlequin entre au clair de lune.
Avec sa baguette magique,
il essaie de la ramener à la vie.
Mais en vain.
Les esprits lui disent
de ne pas pleurer.
Son amour n'est pas dans la tombe,
mais partout.
Alors Terry apparaît.
C'est votre solo, suivi du finale.
Au travail,
nous n'avons que trois semaines.
- Comment ça va?
- A merveille.
- Je voudrais que ce soit fini.
- Rien à craindre.
J'ai le trac. Priez pour moi.
Aide-toi, le ciel t'aidera.
Bonne chance.
Je ne peux pas!
Mes jambes! Je ne peux plus bouger.
C'est nerveux.
Je ne peux pas! Je suis paralysée.
Pure hystérie.
Votre signal! En scène!
Je tombe.
Mes jambes sont paralysées!
En scène!
Vous n'avez rien aux jambes!
Allez-y!
Qui que tu sois, être ou chose,
soutiens-la.
J'ai perdu un bouton.
Un de ceux-là.
Où est Calvero?
Il devait me rejoindre.
Je l'envoie chercher.
Le souper est servi.
Vous êtes à côté de M. Postant.
Venez, ma chère.
Vous êtes à côté de moi.
Bodalink, vous êtes à l'autre bout,
mon vieux.
Le destin est maître d'hôtel.
Il nous place encore côte à côte.
C'est peut-être une vengeance.
Je subirai le châtiment.
Félicitations.
Vous avez été merveilleuse.
Toujours les joies de l'armée.
Neville, il paraît
que vous êtes bon pour le service.
Vous vous êtes engagé?
C'est l'armée qui m'a engagé.
Je suis mobilisé.
C'est affreux.
Oui, c'est pousser la guerre
un peu loin.
Mais je serai peut-être affecté
près d'ici.
Vous dansez?
Soyez patriotique.
On ne dit pas non à un soldat.
Je me rappelle quand tu jouais
"La Veuve Twankey",
au Royal de Birmingham en 1890.
Pitié, mon garçon.
Prenons un verre.
Comment le monde te traite-t-il?
Plutôt agressivement,
pour l'instant.
Tu ne me reconnais pas?
Et je m'en félicite.
Tu crois être drôle?
Vous ne le saurez jamais.
Prenez un verre.
Mais à l'autre bout du bar.
Mlle Thereza vous attend
dans les salons.
Mlle Thereza vous attend
dans les salons.
Rassure-la.
Dis-lui que je suis
rentré me coucher.
Et Calvero?
Il est rentré et vous fait dire
de bien vous amuser.
Non, je dois y aller.
Saluez M. Postant.
Je vous appelle une voiture.
Je rentrerai à pied.
Il doit dormir.
L'émotion a été trop forte.
Je me sens épuisée.
Je m'en vais.
Vous verrai-je avant votre départ?
Je pars au matin.
Ne faites pas ça.
Dites que vous m'aimez un peu.
C'est plus fort que moi.
Je vous en prie. C'est inutile.
Nous n'y pouvons rien,
nous nous aimons.
Je n'ai jamais dit cela.
Si, par vos regards, vos gestes.
Ne dites pas ça.
Vous tenez à Calvero,
mais vous ne pouvez pas l'épouser.
Votre vie commence à peine.
C'est l'idéalisme de la jeunesse,
ce n'est pas de l'amour!
Vous vous trompez.
Je l'aime vraiment.
Vous avez pitié de lui.
C'est plus que de la pitié.
C'est quelque chose
qui est né en moi, qui a grandi...
Son âme, sa douceur, sa tristesse.
Rien ne m'en séparera jamais.
Bonne nuit, Terry.
Adieu.
Ecoutez.
"Thereza virevoltait
avec une sûreté radieuse.
"Elle était légère, aérienne,
évanescente,
"une Diane filant
des écheveaux de beauté."
C'est bien.
Vous avez réussi.
Que dites-vous de cette gloire?
Pleurez un bon coup et profitez-en.
Ça n'arrive qu'une fois.
Marions-nous vite!
Si nous pouvions partir!
A la campagne,
pour avoir la paix et le bonheur.
Le bonheur?
C'est la première fois
que vous prononcez ce mot.
- Je suis heureuse avec vous.
- Vraiment?
Bien sûr... Je vous aime.
De l'amour perdu pour un vieillard.
L'amour n'est jamais perdu.
Une vraie nonne. Pour moi,
vous vous fermez au monde.
C'est injuste.
Vous gâchez votre jeunesse.
Vous méritez mieux.
Laissez-moi partir.
Qu'est-ce qui vous prend?
Si seulement j'avais
la force de partir!
Je reste là à me tourmenter.
Ce n'est pas bien.
Tout cela n'est qu'un mensonge!
Pour ce qui me reste à vivre,
il me faut la vérité!
C'est tout ce qui me reste.
La vérité.
C'est tout ce que je veux.
Et peut-être un peu de dignité.
Si vous me quittez, je me tue!
Je hais la vie!
Ses tourments, sa cruauté!
Je ne peux pas vivre sans vous!
Je vous aime!
Vous voulez m'aimer.
Vous aimez Neville,
et je vous comprends.
Ce n'est pas vrai.
C'était lui,
l'homme de la papeterie.
Je ne vous l'avais pas dit...
C'était inévitable.
Je l'avais prédit.
Il y aura un dîner sur la Tamise.
Ce n'est pas vrai!
Au crépuscule,
il vous dira qu'il vous aime.
Et vous,
que vous l'avez toujours aimé.
Je ne l'aime pas!
Je ne l'ai jamais aimé!
J'aimais sa musique.
Un monde qui m'était refusé!
Vous allez bien ensemble.
Mais je ne l'aime pas!
Je vous en prie,
vous devez me croire!
Le ballet est excellent,
mais pas la comédie.
Il faut renvoyer le clown.
J'ai appelé l'agence,
on va m'envoyer un remplaçant.
Savez-vous qui c'est?
Quand ce serait Calvero,
il n'est pas drôle.
Mais c'est lui.
Calvero, sous un autre nom.
Pourquoi ne m'avez-vous rien dit?
Il ne le voulait pas.
Pauvre vieux Calvero.
Ça change tout. On le garde.
La comédie importe peu.
Mais je ne l'ai pas vu
après la première.
C'est pourquoi Thereza
est partie tôt.
Quel rapport?
Elle va l'épouser.
Ce vieux chenapan?
Alors, il me reste de l'espoir.
Allons répéter.
Un instant.
J'appelle l'agence
pour décommander le remplaçant.
Ne m'attendez pas
après la répétition.
Je serai rentrée à 6 h.
Griffin! Ça fait longtemps!
Tu travailles?
Je cherche.
L'agence m'a envoyé voir ce ballet.
L'Arlequinade?
Le clown n'est pas très bon,
et je suis sur les rangs.
Souhaite-moi bonne chance.
Bonne chance, vieux.
Qu'y a-t-il?
Qu'y a-t-il, mon petit?
Calvero! Vous l'avez vu?
Il m'a quittée!
Il est parti!
Pour les artistes.
Capitaine, pour les artistes.
Allez-y, donnez.
Je n'ai pas de fausse honte.
Asseyez-vous, prenez un verre.
Pas pendant les heures de bureau.
Mais je m'assieds.
Comment allez-vous?
Mieux que jamais!
Et la vie militaire?
Ça peut aller.
Je viens à Londres
tous les 15 jours.
Vous avez vu Terry?
Comment va-t-elle?
Elle a été très malade.
Elle est guérie?
Elle est partie en tournée.
Depuis son retour, elle va mieux.
Que s'est-il passé entre vous?
Rien que l'inévitable.
Vous la voyez beaucoup?
Bien.
Je savais que ça arriverait.
Le temps est un grand auteur.
Il écrit les meilleures fins.
Grand Dieu!
Bonjour, M. Postant.
Vous êtes l'homme qu'il me faut.
Pour les artistes.
Vous êtes avec ces gens?
Vous ne devriez pas!
Pourquoi pas?
Le monde est une scène,
et celle-ci la plus authentique.
Mes confrères vont croire
que je suis parti avec la caisse.
Dois-je dire à Terry
que je vous ai vu?
Je ne pense pas.
Savoir ce que je fais
pourrait la troubler.
Moi, j'aime bien
travailler dans les rues.
C'est le vagabond en moi.
Attendez.
Venez donc me voir au bureau.
Pour affaires.
Je ne discute jamais affaires.
Mon agent s'en occupe.
Mais je suis très pris.
Arrêtez. Faites demi-tour!
Gardez la monnaie.
Cyrano de Bergerac... moins le nez.
Allons nous asseoir.
Ils vous l'ont dit?
Je vous ai cherché
dans tout Londres.
Toujours la même...
Vraiment?
Un peu plus grande, c'est tout.
Je ne veux pas grandir.
Personne n'y tient.
J'ai été obligée,
après votre départ.
C'est mieux ainsi.
Peut-être.
Je ne sais pas.
Mais quelque chose a disparu.
Pour toujours.
Rien ne disparaît.
Tout change seulement.
Je vous aime toujours.
Bien sûr.
Vous m'aimerez toujours.
Calvero, revenez.
Vous devez revenir.
Je ne peux pas.
Je dois aller mon chemin.
C'est le progrès.
Laissez-moi venir avec vous.
Je ferai tout
pour vous rendre heureux.
C'est ce qui me fait mal.
Je sais que c'est vrai.
M. Postant veut donner un gala
en votre honneur.
Je ne veux pas de sa charité.
Ce n'est pas de la charité.
Il dit que ce serait
un événement historique.
Je ne m'intéresse pas aux événements.
Mais j'aimerais montrer
que je ne suis pas fini.
J'ai encore des idées.
J'ai beaucoup travaillé à un numéro
pour moi et un ami.
Une sorte de satire musicale.
Merveilleux!
C'est un très bon pianiste,
et avec moi au violon...
Il y a des choses très drôles.
Asseyez-vous,
vous avez l'air fatigué.
J'ai répété avec la claque
les blagues de Calvero
pour qu'ils sachent où rire.
C'est si mauvais que ça?
Je suis inquiète.
S'il échoue ce soir, ça le tuera.
Il n'échouera pas.
La salle sera avec lui.
Il ne veut pas de sympathie.
Il veut un vrai succès.
Et quoi encore?
Il n'est plus ce qu'il était.
Il ne doit pas le savoir.
Dites-moi.
Vous allez toujours l'épouser?
Je ferai tout pour son bonheur.
Il a de la chance.
Beaucoup de chance.
Je ne pensais pas
qu'on en arriverait là.
La loge des vedettes,
mais pas d'habilleuse.
Enfin, ça ira pour un soir.
Fred, le régisseur.
C'est comme au bon vieux temps,
de vous voir ici.
Qu'y a-t-il?
Vous n'avez plus que dix minutes,
vingt numéros passent après.
D'abord une chanson,
puis le sketch musical.
Et vous tombez
dans la grosse caisse.
Non, on m'emporte
dans la grosse caisse.
Si on dit encore
"comme au bon vieux temps",
je saute par la fenêtre.
D'abord le portier,
puis l'avertisseur,
maintenant le régisseur.
C'est Postant.
C'est comme au bon vieux temps,
de vous voir vous maquiller.
Je descends voir les autres numéros.
Oui, comme au vieux temps...
sauf qu'à l'époque vous étiez saoul.
Je suis plus drôle quand j'ai bu.
Peut-être, mais c'était du suicide.
Tout pour les faire rire...
Comment est la salle?
Pleine à craquer.
Tout ce qui compte en Europe :
rois, dames, valets...
- Neville est là?
- Venu exprès.
Et quel programme!
Regardez.
Toutes les vedettes y participent.
Et je passe après tout ça!
A côté de vous,
ils auront l'air d'amateurs!
Nous sommes tous des amateurs.
Personne ne vit assez
pour devenir autre chose.
D'un vieil amateur à un autre,
bonne chance!
De quoi ai-je l'air?
Drôle.
Je sais à quoi vous pensez.
Ma santé, et tout.
Mais il fallait que je boive.
Il y a une lumière qui clignote
dans mon ventre.
Et ça ne vaut rien,
si je veux avoir du succès.
Ça en vaut la peine?
Je ne tiens pas au succès,
mais je ne veux pas d'échec.
Il y aura toujours
la maison de campagne.
C'est ici que je suis chez moi.
Vous ne détestez pas le théâtre?
Si. Comme la vue du sang,
mais il coule dans mes veines.
M. Calvero, en scène.
Bonne chance!
Tout le monde vous attend.
Ça ne me plaît pas.
Ils sont tous si gentils avec moi.
Je me sens isolé.
Même avec vous,
je me sens isolé.
Pourquoi dites-vous ça?
Je ne sais pas.
Je ne sais vraiment pas.
Votre second costume.
Eteignez tout, là-haut.
Votre costume est là-bas.
Bonne chance, mon chéri.
Vous n'allez pas regarder?
Je ne peux pas.
Mais je vous aime.
Toujours.
De tout mon c***ur.
Prêt, M. Calvero?
Bonne chance, mon chéri.
Allons-y!
Je suis dompteur
C'est mon bonheur
Sous le chapiteau
J'ai dressé tigres et lionceaux
Ce n'est pas Phyllis!
Où est Phyllis?
La voilà!
A trois ans, on m'a parlé
De la réincarnation.
Depuis, j'en suis persuadé
Etj'attends avec passion
De quitter cette terre
Car j'y compte etj'espère
Que je reviendrai
Sous un autre aspect
Mais je ne veux pas être un arbre
Planté dans le sol
Plutôt être une bestiole
Je ne veux pas être une fleur
Qui attend à tout heure
Que le pollen lui tombe dessus
Alors, quand je ne serai plus,
Je veux retourner à la mer
La vie de la sardine,
C'est la vie que je veux
Je m'ébats et badine
Au fond de la mer bleue
Sans peur des vents sur les flots
Ni des grands cachalots
Car la vie de la sardine
C'est la vie que je veux
Vous dépassez de 3 minutes!
C'est le public!
Saluez et terminez.
J'ai un sketch.
Saluez et terminez!
Alors?
Il y a quinze numéros après vous!
Laissez-moi écouter.
Pourquoi ne fait-il pas un bis?
Les autres s'impatientent.
Débrouillez-vous!
Qu'il fasse son bis.
Allez-y!
Mon chéri!
Prenez ça.
C'est mon dos.
J'ai une terrible douleur.
Je vais chercher le Dr Blake?
Oui, tout de suite.
Il s'est blessé.
On a appelé un médecin?
Portez-le dans sa loge.
J'annonce qu'il y a eu un accident?
Non! Portez-moi.
Je leur parlerai.
Leur soirée serait gâchée.
Au nom de mon partenaire
et au mien...
ce fut une merveilleuse soirée.
J'aimerais continuer...
mais je suis coincé.
Démaquillez-le.
Il y a un divan?
Dans le magasin.
Qu'on l'y porte.
Qu'on ne laisse entrer personne.
Où est Calvero?
Où est ce vieux gredin?
Je veux le féliciter.
Où est-il?
Avec le docteur.
Il a eu un accident.
Appelez une ambulance.
- Est-ce grave?
- Très grave.
Une crise cardiaque.
- Il souffre?
- Je lui ai donné un calmant.
Il ne passera pas la nuit.
Que vous ont-ils dit?
Vous vous sentez bien?
Bien sûr.
Je suis comme le chiendent.
Plus on me coupe, plus je repousse.
Vous les avez entendus?
Et pas la claque.
Merveilleux!
C'était comme ça avant...
et ce sera comme ça, désormais.
Nous irons dans le monde entier.
J'ai des idées...
Vous danserez,
je ferai mon numéro.
Et dans l'élégante
mélancolie du crépuscule,
il vous dira qu'il vous aime.
Ça n'a pas d'importance.
C'est vous que j'aime.
Le c***ur et l'esprit...
quelle énigme!
Mlle Thereza, c'est à vous.
Je reviens vite, mon chéri.
Je crois que je meurs, docteur.
Mais je n'en suis pas sûr.
Je suis mort tant de fois.
Vous souffrez?
Plus maintenant.
Où est-elle?
Je veux la voir danser.
Portez le divan en coulisses.
Je m'occupe de l'ambulance.