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LE REBELLE
Etre seul contre tous?
C'est ce que vous voulez?
L'originalité et l'architecture
sont incompatibles.
On ne peut surpasser nos pairs.
On peut juste apprendre à les copier.
On a essayé de vous enseigner
l'architecture.
Mais vous n'en faites qu'à votre tête.
Vous concevez des édifices
qui ne ressemblent à aucun autre.
Nous sommes contraints de vous renvoyer.
Il est de mon devoir de vous dire
que vous ne serez jamais architecte.
Il faut savoir faire
des compromis dans la vie.
Dans quelques années,
je serai un architecte renommé
parce que j'aurai donné
au public ce qu'il veut.
Tu n'arriveras à rien comme ça.
Tu veux travailler pour Henry Cameron?
C'était un grand architecte il y a 30 ans.
Son goût de l'architecture moderne
a fichu sa carrière en l'air.
Pourquoi moi?
Vous courez à la ruine.
Vous le savez?
Je devrais vous renvoyer
avant qu'il ne soit trop ***.
J'aurais aimé avoir fait ça à votre âge.
Que me voulez-vous?
Je suis heureux
avec mes balourds d'associés.
Je n'ai que faire
d'un crève-la-faim visionnaire!
Vous êtes un égotiste. Un impertinent.
Vous êtes arrogant.
Il y a 20 ans, je vous aurai mis
mon poing dans la figure.
Je vous attends demain matin à 9 h.
Non. Je les garde.
Et, maintenant, fichez-moi le camp.
Attendez!
Votre nom?
Howard Roark.
Nouvelle édition!
Le journal, monsieur?
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Dernière édition.
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Journal, monsieur?
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Le Banner, monsieur.
Edition spéciale.
Donnez-m'en un.
Et un autre, maintenant.
Donnez-les-moi, tous.
Tous, j'ai dit.
Vous croyez que je suis cuit, hein?
C'est tout ce qui me reste, mais je peux
encore me permettre de faire ça.
Oui, je peux encore...
Howard. Regarde.
Dans le journal...
C'est inutile. Pourquoi refuses-tu
de voir les choses en face?
Entrez.
C'est perdu d'avance.
Tu as repris là où je m'étais arrêté.
Mon héritier!
Regarde-moi ça.
Tu n'as pas été plus loin que moi.
- Tu n'iras nulle part.
- On verra.
Quand as-tu ouvert ton cabinet?
Et qu'as-tu fait depuis?
Tu n'as fait que quatre chantiers.
C'est déjà pas mal.
Quoi? Après les difficultés que tu as eues?
Je m'y attendais. Ceux qui aiment
mon travail viendront à moi.
Personne n'aime tes projets.
Voilà ce qu'ils veulent.
LE BANNER
Le Banner de Gail Wynand
est un journal abject.
Continue comme ça et tu mourras de faim.
Gail Wynand donne
au peuple ce qu'il veut.
De la vulgarité et de la trivialité.
Et c'est un homme très puissant.
- Que peux-tu contre lui?
- L'ignorer.
Tu vois, ces gens-là, en bas?
Tu sais ce qu'ils pensent de l'architecture?
Je me fiche de ce qu'ils pensent.
Je ne veux pas les voir te détruire.
Moi... Moi, je suis vieux.
J'en ai assez.
La ville de Gail Wynand
me sort par les yeux!
Une ambulance, vite.
Regarde ces bâtiments, Howard.
Les gratte-ciel, la plus grande
invention structurelle de l'homme.
Et ils leur donnent des airs
de temples grecs,
de cathédrales gothiques, leur collent
tous les styles antiques inimaginables
juste parce que d'autres l'ont fait.
Je leur ai dit.
Je leur ai dit que la forme
d'un édifice dépendait de sa fonction.
A nouveaux matériaux, nouvelles formes.
Qu'un édifice ne peut emprunter
la forme d'un autre,
de même qu'un homme n'emprunte pas
l'âme d'un autre.
Les plus grandes innovations sont nées
de l'esprit d'hommes indépendants,
mais tu sais le prix que ça coûte?
J'ai dessiné celui-là.
Howard, rends-moi un petit service,
veux-tu?
Brûle toutes les affaires
que je t'ai confiées.
Tous mes papiers, mes dessins
mes contrats.
- Tout. Brûle-les. Tu veux bien?
- Oui.
Je ne veux rien laisser au monde.
Je regrette de devoir te laisser lutter seul.
Howard, lutter est inutile!
Accepte la défaite.
Accepte les compromis. Accepte-les.
Il le faudra, tôt ou ***.
Pourquoi?
Vous n'avez jamais renoncé, vous.
C'est pour ça que je te dis de le faire.
Parce que je ne l'ai pas fait.
Veux-tu finir comme moi?
C'est ton avenir.
- C'est ce que tu veux?
- Oui.
Que Dieu te bénisse, Howard.
Tu prends le chemin de l'enfer.
JAMAIS CONSTRUIT
Je passais dans le quartier.
Ça fait une éternité qu'on ne s'est pas vu.
Tu sais que Guy Francon
m'a pris comme associé?
Tu ne suis pas ma carrière.
Mais je suis la tienne.
Maintenant, c'est Francon et Keating.
Tu n'ignores pas que Francon
est l'architecte le plus en vue.
Non.
Tu te souviens?
Je t'avais dit que je réussirai.
Non, vous faites erreur.
Tu attends un coup de fil important?
Tu me parlais de Guy Francon.
Je te rappelais simplement
ce que j'avais dit autrefois.
Je n'aime pas te voir dans cet état.
Tu te souviens de nos débuts?
Et regarde-nous.
Tu n'en as pas marre?
Pourquoi es-tu venu?
On est de vieux amis,
- je n'aime pas te voir vaincu.
- Vaincu?
Inutile de faire semblant.
Tu n'as rien fait en un an.
Tu es mal renseigné.
Un an et demi.
Tu as, quoi, 200 $ d'économie?
J'ai 14 $ et...
57 cents.
Ce sont des factures?
Une facture d'électricité impayée?
Ils vont me la couper. Dans le tiroir,
il y a une menace d'expulsion.
Que vas-tu faire?
C'est mon problème, pas le tien.
Ne refuse pas, Howard.
Tu pourras me rembourser plus ***.
Ça te dépannera.
Merci, Peter.
Je n'en ai pas besoin.
Mais je veux t'aider.
Je ne propose ni demande de l'aide.
Arrête, bon sang!
- Quoi?
- Ton petit numéro.
Ton numéro d'idéaliste.
Tu ne peux pas te battre seul
contre tous. Accepte les compromis.
Dessine les mêmes édifices
que tout le monde! Tu seras riche.
Tu seras admiré.
Tu seras l'un de nous.
C'est donc ça qui te dérange?
Mon indépendance?
C'est ça?
Je ne sais pas.
Rentre chez toi, Peter.
Il est ***.
- Où est ta montre?
- Je l'ai mise au clou.
Bonsoir.
Bonne chance.
- Oui?
- M. Roark?
- Oui.
- Vous attendiez une réponse,
mais le Conseil d'Administration
n'a pas encore pris de décision.
Je sais que c'est plus long que prévu
mais votre projet est si surprenant
que l'on a du mal à se décider.
Mais je vous promets
d'avoir une réponse demain.
Au pire,
lundi, sans faute.
Vous avez été extrêmement patient,
M. Roark.
Pouvez-vous attendre?
Oui, j'attendrai.
Merci.
M. Roark, le projet est à vous.
Le Conseil d'Administration
de la Security Bank de Manhattan vous
a choisi comme architecte.
Félicitations.
C'est un projet superbe.
Le comité a été très impressionné.
C'est un contrat capital,
une chance inouïe pour un architecte.
Ce projet vous rendra célèbre.
C'est la chance que vous attendiez.
- Oui.
- Elle est à vous.
A une toute petite condition.
Donnez-nous votre accord
et vous pourrez signer.
- De quoi s'agit-il?
- Bien sûr, on ne modifiera pas vos plans.
C'est l'ingénuité de vos plans
qui nous a séduits.
Mais votre style esthétique est inconnu.
Il déplairait à nos clients.
C'est trop différent, trop original.
Inutile d'être excessif.
Il sauf savoir accepter les compromis.
Nous tenons à préserver votre conception
mais voudrions l'ennoblir
d'une touche de classicisme.
Un instant.
On va vous montrer
ce à quoi nous pensions.
Vous n'aurez qu'à le copier.
Nous pensions adapter
votre immeuble de la sorte.
Un mélange de style classique
et contemporain,
qui plaira à tout le monde.
C'est plus populaire comme ça.
Pourquoi prendre des risques inutiles?
Vous voyez! Ça ne gâche rien!
Nous nous devons de respecter
le goût actuel. Vous le comprenez?
Soit vous acceptez mon projet tel quel,
- soit vous le refusez.
- Pourquoi?
Un édifice a autant d'intégrité
qu'un homme.
Que certains hommes.
Un édifice doit avoir sa forme propre
définie par son objectif.
Mais on ne peut pas ignorer
l'architecture classique.
Pourquoi?
- Tout le monde l'a acceptée.
- Pas moi.
Vous voulez défier les canons établis?
J'ai mes propres canons.
- Vous défiez l'ordre établi?
- S'il le faut.
Mais nous sommes vos clients
et le client est roi.
Je ne bâtis pas pour avoir des clients.
J'ai des clients pour bâtir.
M. Roark, nous n'avons aucune marge
de négociations.
La décision de notre conseil est définitive.
Nous exigeons ces changements.
Acceptez-vous
ce contrat dans ces conditions?
Vous savez que votre avenir est en jeu.
C'est peut-être votre dernière chance.
Alors?
Oui ou non, M. Roark?
Non.
Vous savez ce que vous faites?
Oui.
C'est de la folie pure.
Soyez conciliant pour une fois.
Vous devez vivre.
- Pas comme ça.
- Comment alors?
Vous devez gagner votre vie, non?
Je travaillerai comme journalier,
s'il le faut.
- A-t-on jamais vu pareil énergumène!
- Non.
C'est vous qui nous l'aviez recommandé.
Vous aviez dit qu'il était excellent.
- Il l'est.
- Vous avez suggéré ces changements.
Et dit qu'il les accepterait.
Oui, c'est vrai.
M. Wynand tient à ce que ces immeubles
soient de style classique.
- Alors pourquoi Roark?
- C'était une expérience.
Une expérience très intéressante.
Mais qu'allons-nous faire?
Choisir un autre architecte, bien sûr.
Oui, M. Toohey.
LE JOURNAL DU PEUPLE
Je ne dis pas ça pour moi.
Tout ce qui m'intéresse,
c'est le bien d'autrui.
Le nouveau site de la Security Bank
est un projet capital
et vous êtes l'actionnaire
principal, M. Wynand.
Le Conseil d'Administration
n'a pas trouvé d'architecte.
Ils se plieront à votre choix.
Je mets mon expertise à votre service.
- Qui choisiriez-vous?
- Un jeune homme plein d'avenir,
Peter Keating. Aucun architecte
ne lui arrive à la cheville.
Ceci, M. Wynand, est ma sincère opinion.
Je vous crois.
- Vraiment?
- Oui, mais M. Toohey,
pourquoi devrais-je suivre vos conseils?
Je suis le critique de la rubrique
architecture du Banner.
Vous me confondez avec vos lecteurs.
Je me suis permis de vous amener
des échantillons de ses travaux.
Vous en jugerez par vous-même.
- Si vous avez déjà vu ces édifices...
- Oui.
Ils étaient superbes il y a 2000 ans
quand le style était nouveau.
Ne me dites pas que vous aimez
l'architecture contemporaine?
Elle n'a aucune valeur, elle est
l'œuvre d'individualistes forcenés.
La valeur artistique est acquise
collectivement
par la subordination de l'artiste
aux canons de la majorité.
- J'ai lu votre article hier.
- Vraiment?
Merci.
Le talent de Peter Keating réside dans
le fait que ses édifices n'ont
- aucun signe distinctif.
- En effet.
Par conséquent, il représente
une multitude d'hommes.
Et il dessine des édifices
d'une platitude affligeante.
Peter Keating ne semble pas vous plaire.
Vous faites erreur.
Vous êtes un excellent agent.
Votre Keating est insipide,
il est donc l'architecte idéal pour ce projet.
Il est sûr de plaire.
Vous pensiez que je prendrais
un homme de talent?
Je n'ai jamais pris de bons
architectes pour les banques
ou les hôtels que j'ai fait construire.
Je donne au peuple ce qu'il veut,
votre rubrique par exemple, M. Toohey.
Choisirez-vous Peter Keating?
Ça m'est égal. Tous ces architectes
en vogue rivalisent de médiocrité.
Mais, ce n'est pas une mauvaise idée.
Je vais m'en remettre aux experts
en architecture de la Banner.
Vous m'en voyez ravi.
Une Petit Voix
ELLSWORTH M. TOOHEY
Mais vous n'êtes pas mon seul expert,
M. Toohey. Vous avez une rivale.
"Votre Maison"
DOMINIQUE FRANCON
Je vais aussi consulter Dominique Francon.
- Oui?
- Faites venir Mlle Francon.
- On est rarement d'accord.
- Ça ne m'étonne pas.
- Oui?
- Je suis vraiment désolée,
mais Mlle Francon n'est pas là.
Souhaitez-vous que j'appelle chez elle?
Vous n'allez pas y aller...
Vous savez, Toohey.
Un jour, vous finirez par m'ennuyer.
Je tâcherai d'attendre le bon moment.
- Comment êtes-vous entré?
- La bonne m'a ouvert.
Sans me prévenir?
Elle ne partage pas votre mépris pour moi.
Vous seule, à New York,
me fermez votre porte.
Que faites-vous ici?
J'avais besoin de vous
et vous n'étiez pas au bureau.
N'est-ce pas excessif de venir
chercher une employée chez elle?
J'espérais que vous le remarqueriez.
Je veux votre avis
sur un sujet qui devrait vous intéresser.
Je cherche un architecte pour
la Security Bank. Qui prendriez-vous?
Personne.
Je ne connais aucun architecte de talent.
Mais, ce n'est pas
le talent que vous recherchez.
Et si je vous laissais le choix?
- Ça me serait égal.
- Vraiment?
Ellsworth Toohey me pousse
à prendre Peter Keating.
C'est un architecte médiocre.
- C'est l'associé de votre père.
- Je sais.
- C'est aussi votre fiancé, non?
- Oui.
Si l'idée de me voir vanter
les mérites de Peter vous amusait,
vous risquez d'être déçu.
Sa carrière ne m'intéresse pas.
C'est vrai, j'essayais de vous tenter,
mais ça n'avait rien d'amusant.
J'aimerais rencontrer Peter Keating.
Voulez-vous venir dîner, ce soir?
Nous parlerons du projet.
- Si vous y tenez.
- J'aurais renvoyé tout autre
employé qui se serait absenté.
Je le sais.
- Suis-je renvoyée?
- C'est ce que vous voulez?
Ça m'est complètement égal.
Vous pourriez faire plus qu'écrire
pour la rubrique architecture.
Vous pourriez faire carrière au Banner
si vous me le demandiez.
Je ne veux pas faire carrière au Banner.
Qu'est-ce qui vous tenterait?
J'aimerais vous voir satisfaite.
Inutile d'essayer, M. Wynand.
Je ne veux rien.
Devinez ce que je faisais
avant votre arrivée.
J'avais une statue d'un dieu grec
que j'avais ramenée d'Europe.
J'y tenais terriblement
- mais je l'ai jetée.
- Pardon?
- Par la fenêtre.
- Pourquoi?
Pour ne plus avoir à l'aimer.
Je ne veux être attachée à rien.
J'ai préféré la détruire plutôt que
de lui imposer un monde
où le génie était vaincu d'avance.
Le monde de la populace et du Banner.
Votre invitation à dîner tient toujours?
Plus que jamais.
C'est une chance inespérée.
Je ne vous décevrai pas.
- Vous acceptez, alors?
- Si j'accepte?
Je vendrais mon âme au diable.
Vous ne croyez pas si bien dire.
Tout a un prix.
Le mien est la rupture de
vos fiançailles avec Mlle Francon.
Que je rompe mes fiançailles?
Pourquoi?
Pensez ce que vous voulez.
Imaginez ce que vous voulez
mais ce n'est pas négociable.
- Dominique?
- Je ne t'aiderai pas.
Ça ne concerne que toi et M. Wynand.
- Tu serais d'accord?
- C'est ton choix, pas le mien.
Nos fiançailles t'ont permis
de t'associer à mon père.
Mais le patronage de M. Wynand
t'aidera bien plus.
Ce doit être une blague.
Ces choses-là ne se font pas.
C'est très courant mais on n'en parle pas.
Je reconnais que mon marché
est abominable.
L'honnêteté est extrêmement cruelle.
Je ne sais pas quoi faire.
C'est simple.
Vous êtes censé me gifler.
Vous auriez dû le faire
il y a un moment déjà.
Non? Vous ne voulez pas me gifler?
Vous n'êtes pas obligé
d'accepter mon offre.
Préférez-vous refuser la commande?
- Non.
- Très bien, M. Keating.
Laissez-nous, maintenant, je vous prie.
Passez demain au bureau,
nous signerons les contrats.
Si c'est ce que tu veux,
je ne te contrarierai pas.
Nous ne sommes plus des enfants.
Tout se passera très bien, M. Wynand.
Bonsoir.
Pourquoi avez-vous fait ça?
Pensiez-vous que je capitulerai?
Pensiez-vous m'acheter comme Peter?
Non. Je voulais juste vous montrer
que tous les hommes sont vénaux.
Et que je ne mérite pas votre mépris.
Toute transaction est vénale.
On a juste le choix entre être soumis
et diriger.
J'ai préféré diriger.
Un homme intègre refuserait de choisir.
L'intégrité n'existe pas.
La vie n'a cessé de me le prouver.
Je suis né à Hell's Kitchen.
J'en suis sorti, en créant le Banner.
C'est un journal abject, je sais.
Mais il a rempli son objectif.
- Quel objectif?
- Le pouvoir.
Pourquoi vous justifiez-vous?
Je n'essayais pas de...
Si.
- C'est ce que je faisais.
- Pourquoi?
Je pense que vous le savez.
Vous voyez?
Je dois être une de ces femmes
dont on parle tant.
Une femme incapable d'aimer.
Je me suis fiancée à Peter Keating
parce qu'il était l'être le plus
insignifiant que je connaisse.
Je savais que je n'aimerais jamais.
Avez-vous déjà aimé?
Non, jamais.
Si je tombais amoureuse,
ce serait comme la statue grecque.
Je le sais. Je l'accepte.
Epousez-moi.
Si un jour, j'ai une faute terrible à expier,
- je vous épouserai.
- J'attendrai.
Quelles que soient vos raisons.
- Puis-je vous revoir?
- Je pars dans quelques jours.
- Où allez-vous?
- Dans le Connecticut.
Là où je ne verrai personne.
Que cherchez-vous au juste?
La liberté: ne vouloir et n'attendre
rien, ne dépendre de personne.
Mlle Francon.
Comment allez-vous?
Que faites-vous ici?
Je vais rester tout l'été.
Père m'a laissé la maison.
- Je voulais voir la carrière.
- Venez. Je vais vous montrer.
C'est le meilleur granit du Connecticut.
- Le mois dernier...
- Qui est-ce?
Qui, Mlle Francon?
Peu importe.
Pourquoi me fixez-vous toujours?
Pour la même raison que vous me fixez.
Je ne comprends pas.
Si c'était vrai, vous seriez plus
étonnée et moins furieuse.
Vous savez qui je suis.
Vous le criez sur les toits.
Ne soyez pas insolent! Je peux vous
faire renvoyer à tout moment.
- J'appelle le contremaître?
- Non, bien sûr que non.
Mais, puisque vous savez qui je suis,
évitez de me fixer ainsi.
Ça pourrait être mal interprété.
Non, je ne pense pas.
Entrez.
Bonsoir.
Vous vouliez me voir?
Voudriez-vous gagner un peu d'argent?
Avec plaisir, Mlle Francon.
Cette dalle de marbre est cassée.
Il faut la changer.
Je vous prie de la retirer.
Maintenant elle est vraiment cassée.
Savez-vous de quel marbre il s'agit
et où en commander?
- Oui, Mlle Francon.
- Allez-y. Enlevez-la.
Oui, Mlle Francon.
Je suis désolée.
Vous avez dû croire que je riais
à vos dépends, pas du tout.
Je ne voulais pas vous déranger.
Je suis sûre que vous devez
être pressé de partir.
Vous devez être fatigué.
Peut-on parler un moment?
Oui, Mlle Francon.
Je vous écoute.
Cette cheminée est hideuse.
Mon père a dessiné cette maison.
Vous êtes mal placé pour
parler architecture.
Très mal, en effet.
Un autre sujet?
Il y a trois sortes de marbre:
le blanc, l'onyx et le marbre vert.
Ce dernier n'est pas un marbre pur.
Le marbre est un roc calcaire
produit par la chaleur et la pression.
La pression est un facteur capital.
Elle provoque une réaction en chaîne
qu'on peut difficilement arrêter.
C'est-à-dire?
L'infiltration d'éléments étrangers
dans le sol.
Ils forment des veines colorées
qui sont le propre du marbre.
Mais, ça, c'est du marbre blanc.
Soyez vigilante, Mlle Francon.
Qu'on ne vous propose rien d'inférieur.
C'est du marbre d'Alabama et
du meilleur, il est difficile à trouver.
Et la dalle cassée?
Laissez-la ici.
Je la ferai enlever.
Très bien.
Je vous commanderai une autre dalle
que je vous ferai livrer.
- Devrai-je vous la poser?
- Oui.
Je vous dirai quand elle sera arrivée.
Combien vous dois-je?
Gardez la monnaie.
Merci, Mlle Francon.
- Bonsoir.
- Bonsoir, Mlle Francon.
Entrez.
L'ouvrier de la carrière, Mlle Francon.
Qui êtes-vous?
- Pasquale Orsini.
- Que voulez-vous?
Un grand type, à la carrière, m'a dit
de venir réparer votre cheminée.
Bien sûr. J'avais oublié.
Allez-y.
Pourquoi n'êtes-vous pas venu?
Je pensais que vous attachiez
peu d'importance à qui allait venir.
Cher M. Roark, j'ai essayé
de vous joindre, en vain.
Je vous prie de bien vouloir prendre
contact avec moi.
Vous êtes l'architecte qu'il me faut
pour le projet que j'ai en tête.
Sincèrement, Roger Enright
P. S. J'ai vu vos édifices.
Bonjour, Mlle Francon.
Comment allez-vous?
Je cherche l'un de vos hommes.
Un homme grand et mince.
Il avait une perceuse.
- Où est-il?
- Il est parti.
- Parti?
- Il est rentré à New York, je crois.
- Quand?
- Il y a deux jours.
Comment s'ap...
Non, je ne veux pas savoir son nom.
- Je peux avoir ses coordonnées si...
- Non.
Je ne sais plus quoi faire.
Ma tête va exploser.
- Ça ne changera rien.
- Riez, si cela vous amuse.
Mais je dois trouver un moyen
de relancer la circulation.
Il me faut une cause à défendre,
mais je suis à court de causes.
On peut dénoncer
le monopole des tramways?
On l'a fait il y a deux ans.
Puis on a dénoncé les légumes en boîte.
On s'est déchaîné contre Wall Street.
Qu'y a-t-il d'autre à critiquer?
Vous qui êtes si intelligente...
- Ce n'est pas mon domaine.
- Gail Wynand veut du chiffre.
Le Banner doit être actif.
J'ai beau chercher,
je ne vois rien d'autre à dénoncer.
- J'ai une idée.
- Quoi?
Ça.
- Ça n'intéressera personne.
- Tout est dans le ton.
Cet immeuble est un outrage
à l'art et au bon sens.
C'est une menace à la sécurité publique.
- La méthode de construction est inédite.
- Oui?
Roger Enright, le propriétaire,
est un self-made-man.
Borné et richissime.
C'est facile de dénoncer les riches.
Tout le monde vous aide.
Surtout les riches.
- Howard Roark, qui est-ce?
- Je n'en sais rien.
Imaginez le potentiel.
Il bâ*** une résidence de grand standing
quand ces pauvres gens
vivent dans des taudis.
On pourrait consacrer le supplément
week-end aux jolies filles
- qui vivent dans ces taudis.
- Photos en couleur à l'appui.
Bravo. C'est une excellente idée.
C'est une idée merveilleuse.
Wynand va être enchanté.
La Enright House
est magnifique et vous le savez.
J'ai rarement vu plus beau.
Ellsworth, que voulez-vous?
Personne ne sait ce que je veux.
Ça ne saurait tarder.
Mais chaque chose en son temps.
On a trois angles d'approche:
l'atrocité de l'art contemporain,
les risques d'effondrement.
Le mélo sur les pauvres.
Et personne ne viendra nous contredire.
Après tout, ce n'est jamais qu'une tour.
- Je vais...
- Epargnez-moi les détails.
J'aime. Allez-y.
Toohey s'en occupera.
Quelle surprise! Et quel contraste
avec mes visiteurs habituels.
Vous lui avez donné le feu vert?
Bien sûr. Ça promet de faire du bruit.
Je serai absent tout l'hiver.
Ça les occupera.
Avez-vous vu la Enright House?
- Demandez à voir les plans.
- Pourquoi?
Cet édifice est un véritable
chef-d'œuvre architectural.
- Ça n'a pas d'importance?
- Non.
Vous la condamnez pour amuser la foule
et lui donner de quoi se faire les crocs?
C'est la méthode qui a fait du Banner
le journal le plus vendu de la ville.
Je ne compte pas en changer.
Un jour, vous m'avez demandé
si je voulais quelque chose.
Je n'ai jamais rien demandé à quiconque
mais je vais le faire aujourd'hui.
Annulez cette campagne.
L'architecte est votre ami?
Je ne l'ai jamais vu.
Et je ne veux pas le connaître.
Alors pourquoi défendre la tour?
Parce qu'elle est superbe.
La noblesse et la beauté sont si rares.
Je plaide pour le travail d'un homme.
Pour la beauté.
Vous critiquez le Banner?
Je vous en supplie, M. Wynand.
Dominique, je serais prêt à
vous donner tout ce que j'ai,
à part le Banner.
J'ai passé ma vie à me battre
pour l'imposer.
Je ne le sacrifierai pour personne.
Comme vous voulez.
C'est votre décision.
La mienne est de
ne pas participer à cette campagne.
Je vous prie d'accepter ma démission.
Je suis désolé.
C'est inutile.
Vous n'avez aucune chance contre moi.
Je le sais.
Une Petite Voix
Quand tant d'Américains sont à la rue,
une fortune est dépensée pour
construire une monstruosité,
la Enright House.
Dessinée par un dénommé Howard Roark,
un amateur incompétent
qui a l'arrogance
de n'en faire qu'à sa tête...
En tant qu'architectes,
vous devez comprendre qu'Howard Roark
est un vrai danger.
Le conflit des formes est trop important.
De quoi auront l'air vos édifices à côté?
Je pense avoir été assez clair, messieurs.
Signez une pétition contre la Enright House,
le Banner se fera un plaisir de la publier
et nous gagnerons,
car nous sommes des milliers,
des milliers contre un.
Toujours plus.
Des lettres à l'éditeur.
Par milliers,
elles dénoncent la Enright House.
Vous êtes fantastique.
Comment saviez-vous
qu'ils réagiraient comme ça?
Merci.
- Ignorez la presse.
- C'est ce que je fais.
On m'a tant décrié
que ça ne me touche plus.
J'ai commencé dans les mines.
Je suis arrivé là où je suis
en suivant mes propres idées,
que ça leur plaise ou non.
Vous verrez que
c'est la seule façon de réussir.
- Je sais.
- Ils sont durs,
et ne s'arrêteront pas là.
- Mais vous gagnerez.
- Ça y est.
- La preuve est indéniable.
- Elle parlera pour moi.
Et pour moi.
Je serai le premier à emménager.
Je donnerai une grande soirée
d'inauguration.
J'inviterai la presse,
les architectes, les critiques.
Ils veulent des excuses.
On fera la fête à la place.
Je n'ai rien à dire sur cet immeuble.
Dieu vous a donné des yeux
et un cerveau. Servez-vous en.
- Ne voulez-vous pas me convaincre?
- En quoi votre avis me concerne-t-il?
Je tremble pour l'avenir de Howard Roark.
- Vous ne le trouvez pas doué?
- Beaucoup trop.
Quelle agréable surprise.
Tu es plus belle que jamais.
Alors qu'en penses-tu?
J'ai fait un petit sondage d'opinion.
- Un quoi?
- Un sondage d'opinion.
Pourquoi? Pour t'aider à savoir
ce que tu devais en penser?
On ne saurait négliger l'opinion publique.
Méfiez-vous des architectes géniaux.
- Les génies sont dangereux.
- Vraiment?
Plus doué que ses confrères,
il les insulte implicitement.
Il ne doit pas aspirer
aux vertus individualistes.
Ces considérations intellectuelles
me dépassent. Je joue en bourse.
Et moi, je joue la bourse de l'âme
et je vends à découvert.
C'est superbe, vraiment,
mais je ne pourrais pas y vivre.
Je ne me sentirais pas chez moi.
Vous comprenez?
- Je ne pourrais pas me détendre.
- C'est vrai.
- Dominique.
- Oui, père.
Je ne vois pas comment ma fille
peut admirer cette atrocité.
C'est inhumain.
Défendras-tu l'architecte?
Non, je ne vais même pas essayer.
Il faut reconnaître que
cet escalier est très ingénieux.
Il serait idéal dans le chantier
sur lequel je travaille
mais il me faudrait l'adapter.
Oui l'agrémenter d'un ornement grec
ici ou là.
Cet escalier est remarquable.
Je m'en inspirerais bien.
Je vous attendais.
Vous êtes mon invité d'honneur
à plus d'un sens.
Qui vais-je vous présenter d'abord?
Dominique Francon nous regarde.
Venez.
Mlle Francon, je vous présente
Howard Roark.
Vous êtes...
- Howard Roark?
- Oui, Mlle Francon.
Vous l'ignorez,
mais vous êtes déjà lié à Mlle Francon.
Elle a démissionné du Banner
en signe de protestation.
- Qui vous l'a dit?
- Ça s'est su.
- Je voulais le cacher à M. Roark.
- Pourquoi, Mlle Francon?
C'était un geste futile, rien de plus.
Dominique s'en cache mais elle admire
vos édifices et les comprend.
- Cela ne m'étonne pas.
- Vraiment?
- Vous ne me connaissez pas.
- Je lisais vos articles.
J'admire votre travail
plus que tout au monde.
Sachez que cela ne peut
que nous éloigner
si vous vous souvenez de mes articles.
Je n'ai pas oublié un seul mot.
Je regrette d'avoir vu votre travail.
Ce sont les choses que l'on aime
qui nous asservissent.
Je me soumets difficilement.
Cela dépend de la force
de votre adversaire, Mlle Francon.
Alors?
Pourquoi l'avez-vous invité?
Pourquoi le sacrifier?
Il n'a aucune chance contre tous ces gens.
Entrez.
Je vous attendais.
J'ignorais votre nom.
Vous connaissiez le mien.
Et vous n'avez pas
essayé de me retrouver.
Je voulais que ce soit vous
qui veniez à moi.
Si cela vous amuse de me voir vaincue,
vous allez pouvoir rire.
Je vous aime, Roark.
Ces derniers mois ont
été une véritable torture pour moi.
Je ne voulais plus vous voir,
mais j'étais prête à tout
pour vous revoir une fois de plus.
Vous le saviez.
C'est ce que vous vouliez.
- Oui.
- Vous pouvez rire. Vous avez gagné.
Vous m'avez ôté toute fierté.
Je vous aime sans dignité, sans regret.
Je suis venue pour vous le dire
et ajouter que vous ne me reverrez jamais.
Vous voulez savoir
si vous pouvez me faire souffrir?
Vous le pouvez.
Vous êtes tout ce que j'ai toujours voulu.
C'est pour cela que je ne voulais pas
vous rencontrer.
Je vous quitterais plutôt
que de vous voir anéanti
par un monde obtus et cruel.
- De quoi avez-vous peur?
- Je sais ce qu'ils vous feront.
Vous êtes assez génial
pour édifier la Enright House.
Mais vous travaillez
comme un forçat dans une carrière.
- C'était mon choix.
- Pourquoi?
Vous savez pourquoi.
Parce que vous refusez tout conformisme.
Ils vous musèleront.
Les carrières, c'est votre avenir.
- J'en suis sorti.
- C'est ce que vous croyez.
Vous pensez que la Enright House
est un début?
C'est votre sentence de mort.
Avez-vous eu d'autres clients depuis?
Vous n'en aurez pas.
Ils haïssent votre génie, votre réussite.
Ils haïssent votre intégrité.
Et le fait qu'ils savent qu'ils ne pourront
jamais vous corrompre.
Ils ne vous laisseront pas survivre.
Roark, ils vous détruiront.
Mais je ne serai pas là pour le voir.
Vous voulez me quitter?
Je vous ai aimée dès le premier instant.
Vous le saviez.
Vous avez voulu me fuir.
Je devais vous laisser le temps
d'accepter la réalité.
Allez-vous me quitter?
Je ne vous retiendrai pas.
Ne comprenez-vous pas?
Je ne veux pas vous quitter.
Voulez-vous m'épouser?
Je veux rester avec vous.
On vivra dans une maison que
je tiendrai pour vous.
Ne riez pas. Je cuisinerai,
laverai vos vêtements, ferai le ménage
et vous abandonnerez l'architecture.
Si vous le faites, je resterai à vos côtés,
mais je ne veux pas assister
à votre mise à mort.
Ça ne peut pas finir autrement.
Sauvez-vous.
Prenez n'importe quel travail.
On vivra l'un pour l'autre.
J'aimerais pouvoir vous dire que
je suis tenté.
Roark, oui ou non?
Vous devez apprendre à ne plus
avoir peur du monde.
Je dois vous laisser du temps.
Quand ce sera fait, vous reviendrez à moi.
Ils ne me détruiront pas, Dominique.
Je vous attendrai.
Je vous aime.
Je le dis maintenant et pour toutes
les années qui nous sépareront.
Je suis prête à tout pour vous échapper.
Je ne pensais pas que vous seriez
la première à m'accueillir.
C'est à croire que vous étiez
impatiente de me voir.
- C'est vrai.
- Je suis ravi de vous l'entendre dire.
Il n'y a pas de quoi vous réjouir.
Pourquoi êtes-vous venue?
Si c'est pour un service,
j'espère pouvoir vous l'accorder.
Je ne vous demande rien. Je suis venue
exaucer l'un de vos souhaits.
Souhaitez-vous m'épouser?
Plus que jamais.
Je suis d'accord.
- Avez-vous des questions?
- Non.
Merci.
Vous me facilitez la tâche.
Quelle que soit votre raison, je l'accepte.
Ce que j'attends de notre mariage
ne regarde que moi.
Je n'exige aucune promesse
et ne vous impose aucune règle.
Et puisque cela n'a aucune importance
à vos yeux, je vous aime.
Non, M. Roark, l'opinion publique
est contre vous.
On ne veut pas de polémique.
On ne peut pas se le permettre.
Je suis désolé, nous ne pourrons pas
vous confier ce projet.
Comme a dit l'un de nos actionnaires:
"On ne peut pas prendre de risque."
Non, bien sûr.
OPÉRA MUNICIPAL DE NEW YORK
OPÉRA MUNICIPAL
J'espérais bien tomber sur vous un jour.
- Vous pouvez me parler.
- De quoi?
Ce chantier aurait dû être le vôtre.
De nouveaux édifices tous plus hideux
les uns que les autres sont érigés.
Vous tuez le temps pendant qu'eux
font le travail que vous aimez.
Cette ville vous a fermé ses portes.
Et c'est à cause de moi.
- Vous ne voulez pas savoir pourquoi?
- Non.
Je suis prêt à tout pour vous anéantir.
- Libre à vous d'essayer.
- M. Roark, nous sommes seuls.
Dites-moi donc
ce que vous pensez de moi.
Mais je ne pense pas à vous.
C'est merveilleux, M. Roark.
J'ai vu la Enright House et
j'ai voulu travailler avec vous.
Mais je craignais qu'un garage
ne vous déplaise
après avoir édifié des gratte-ciels.
Chaque édifice compte.
Je suis là pour quiconque me demande.
Où que ce soit.
Pourvu qu'on me laisse travailler.
PROJET POUR UN MAGASIN
Howard Roark ARCHITECTE
PROJET POUR UNE FERME
PROJET POUR UNE RÉSIDENCE
PROPOSITION DE BUREAUX
PROPOSITION D'USINE
Votre carrière est aussi
étonnante que votre style.
Vous êtes le premier à avoir survécu
aux attaques du Banner.
Comment avez-vous fait
pour tenir le coup?
- Que pensez-vous de cette campagne?
- C'est un tissu de mensonges.
Vous avez répondu à votre question.
Mais la campagne vous a volé
des années de votre vie.
Non, il y a toujours eu un homme
prêt à travailler avec moi,
un homme capable de voir
et de penser par lui-même.
Ce sont ces hommes rares
qui font avancer le monde.
- Où les cherchiez-vous?
- Ils venaient à moi.
Tout homme prêt à travailler
avec moi m'intéresse.
Ce doit être très important.
Je vous ai pris un rendez-vous
à 15 h, à son bureau.
- Au bureau de qui?
- Il a appelé il y a une demi-heure.
M. Gail Wynand.
- Vous refuserez sûrement mon offre.
- Pourquoi?
Vous devez me mépriser si vous avez
vu les immeubles que je fais bâtir.
- Vous êtes honnête.
- Merci.
C'est la première fois qu'on me dit ça
et l'une des rares fois où je le suis.
Il ne s'agit pas d'un édifice public.
- De quoi alors?
- Ma maison.
Une maison de campagne
pour ma femme et moi.
Mme Wynand m'a-t-elle recommandé?
Non, elle n'est même pas au courant.
C'est mon projet.
J'ai regardé ce qui se faisait.
Et dès que j'aimais quelque chose
et que je demandais qui était
l'architecte, on me disait Roark.
Je tiens à ce que vous sachiez
que je respecte peu de choses.
La seule chose
que j'admire et qui est si rare,
c'est un génie comme le vôtre.
Je vous crois.
Vous dites ça comme si vous étiez vexé.
Pas du tout.
Oubliez ce que j'ai fait bâtir.
Ce sont des lieux commerciaux sans
importance et le Banner me permet
de m'offrir vos services.
La fin justifie les moyens.
Vous n'avez pas à vous justifier.
C'est inutile.
Vous êtes très courageux.
Personne d'autre n'aurait osé me dire ça.
Vous avez raison. Je m'excusais.
J'ai besoin de vous.
Ce projet me tient à cœur
et vous êtes le seul à pouvoir le réaliser.
Quel genre de maison?
A la campagne. J'ai le terrain.
Dans le Connecticut, 200 hectares.
Le style?
Le prix? A vous de voir.
L'extérieur, ce que vous voulez.
Mais l'essence...
Je veux cette maison parce que
j'aime profondément ma femme.
Qu'y a-t-il?
Vous trouvez cela futile?
Non. Continuez.
J'ai horreur de voir ma femme
au milieu des gens.
Ce n'est pas de la jalousie.
C'est pire.
Je ne peux la partager avec quiconque.
Je veux une maison
qui ne soit que pour elle et moi.
Une sorte de forteresse
ou de temple.
Un temple à la gloire de Dominique Wynand.
Je voudrais vous la présenter.
J'ai rencontré Mme Wynand
il y a quelques années.
- Alors, vous comprenez.
- Oui.
Commencez immédiatement.
Oubliez vos autres projets.
Je vous paierai tout ce...
Pardonnez-moi.
Je suis habitué aux architectes médiocres.
Je ne vous ai pas demandé
si vous étiez intéressé.
Je le suis.
- Qu'y a-t-il, Gail?
- Bonsoir. Pourquoi?
- Tu as l'air heureux.
- Je me sens rajeuni,
comme si je débutais et
que j'avais un avenir brillant
et honnête devant moi.
- Ça te plairait?
- Je ne savais pas
à quel point ça m'aurait plu.
Dominique, tu es superbe, ce soir.
Non. En fait, voilà
ce que je voulais te dire:
Pour la première fois, je te mérite.
- Tu ne me méritais pas avant?
- Non.
Je crois que rien ne t'arrachera plus à moi.
Rien, ni personne.
- Je ne t'aime pas.
- Je le sais
mais tu n'as jamais aimé.
- Qu'en sais-tu?
- Ça ne te ressemble pas.
Tu ne capituleras jamais, mais au moins,
tu ne me dé*** plus.
Non. J'ai découvert
qu'on avait beaucoup en commun.
Nous avons tous les deux de la force,
mais pas de courage.
Nous sommes coupables
des mêmes trahisons.
Et, ce soir, j'ai l'impression d'être absous.
- Pourquoi?
- Je ne sais pas.
Tu as toujours voulu fuir le monde.
Aimerais-tu vivre à la campagne,
loin de tout,
- loin du Banner?
- Oui.
Je fais construire une maison.
Ce sera mon plus beau cadeau.
Cette maison me lavera
de tous mes péchés passés.
- Qui est l'architecte?
- Le seul génie que je connaisse.
Il s'appelle Howard Roark.
As-tu oublié pourquoi j'ai démissionné
du Banner?
A cause d'une campagne
contre la Enright House.
Juste une des innombrables campagnes
du Banner.
Ça comptait si peu
que tu l'avais oublié, Gail?
C'était juste une campagne de plus.
Tu étais en mer.
Tu as jeté un architecte
en pâture à la foule.
Ça a relancé la circulation,
n'est-ce pas, Gail?
Quand je l'ai vu, il ne m'en a pas reparlé.
Pourquoi l'aurait-il fait?
Il sait qu'il a gagné.
- Il peut se montrer généreux.
- Je ne veux pas de sa générosité.
Je ne pensais pas qu'il était
de taille à te vaincre. J'avais tort.
On se trompe peut-être
sur le monde, toi et moi.
Il a gagné le droit de nous mépriser.
Je ne donnerai jamais ce droit à quiconque.
Il n'y a plus d'hommes intègres?
Tu viens d'en rencontrer un.
L'intégrité n'existe pas.
Il ne vaut pas mieux que nous.
- Et si tu te trompes?
- Si je me trompe, je le détruirai.
Il est indestructible.
On verra bien.
Pourquoi avez-vous accepté?
Vous devriez me haïr.
Pourquoi?
- Dois-je en parler?
- De quoi?
La Enright House.
Vous aviez oublié, n'est-ce pas?
N'en parlons plus.
Je sais ce que le Banner vous a fait
et je soutiens
- mon journal.
- Je ne vous ai rien demandé.
M. Roark, j'étais en mer
pendant la campagne
mais mon rédacteur
a agi sur mes ordres.
Ma présence ici n'aurait rien changé.
- Si vous le dites.
- Vous ne me croyez pas.
- Non.
- Je n'ai que faire
de vos compliments et de votre pitié.
Asseyez-vous.
Je voudrais vous faire signer
un contrat qui fera de vous
mon architecte exclusif.
Acceptez, et vous serez riche.
Refusez et vous ne travaillerez plus jamais.
Vous devez savoir
que j'ai horreur qu'on me dise non.
Vous dessinerez
mes futurs édifices commerciaux
en respectant le goût du public.
Vous ferez des maisons de style colonial,
des hôtels Rococo,
des bureaux de style gréco-romain.
Vous soumettrez votre immense talent
au goût du public.
Voilà ce que je veux.
Bien sûr. Avec plaisir.
C'est facile.
C'est ce que vous voulez?
Seigneur, non.
Alors, taisez-vous et ne vous avisez
plus de me parler d'architecture.
Je ne pensais pas
qu'on essaierait encore de m'acheter.
- J'étais décidé avant de voir ça.
- Je sais.
Vous preniez un risque.
Pas du tout.
J'avais un allié fiable.
- Votre intégrité?
- La vôtre.
Pourquoi dites-vous ça?
Pourquoi refusez-vous d'admettre
ce que l'on sait?
- Quoi?
- Nous nous ressemblons.
Vous parlez de Gail Wynand
du New York Banner?
Oui.
Gail Wynand de Hell's Kitchen
qui a eu la force et la vision
de se faire tout seul,
sa seule erreur a été
la voie qu'il a choisie.
Vous ne devriez pas travailler pour moi.
Vous devriez partir.
- Vous voulez me renvoyer?
- Je ne peux pas.
Je vais vous dire ce que j'en pense.
Vous me l'avez déjà dit.
Je vais montrer ces plans à ma femme.
Je veux qu'elle vous remercie en personne.
Pouvez-vous venir dîner
chez nous ce soir?
Alors?
- Bonsoir, Howard.
- Bonsoir, Gail.
Vous vous connaissez.
- Enchantée, M. Roark.
- Moi de même.
Merci pour les plans de la maison.
Je n'ai jamais rien vu de plus beau.
J'ai suivi les instructions de votre mari.
Quelles instructions?
Dessiner une maison
qui soit un temple pour vous.
Dois-je y voir un hommage
de la part de Gail ou de la vôtre?
De la nôtre.
Je suis très touchée.
D'autant plus que je m'attendais
à ce que vous refusiez.
Pourquoi?
Rien dans votre passé
ne vous aurait poussé à refuser?
- Non.
- Merci, Howard.
Je ne pensais pas que vous capituleriez.
Ne voulais-tu pas anéantir M. Roark?
J'ai essayé et j'ai échoué.
Admettez-vous la défaite?
Tous les deux?
La défaite? Je pense qu'il s'agit
plutôt d'une victoire pour les deux.
Votre parole, une fois donnée,
la reprenez-vous?
Non, jamais.
Avez-vous pu regarder le plan des pièces?
Je voulais savoir si l'agencement
des pièces vous convenait.
- Les pièces...
- Le salon
- donne sur la terrasse.
- As-tu vu notre chambre?
- On aura la lumière du matin.
- Tu me vois vivre dans cette maison?
- Pourquoi pas?
- Je ne pourrai pas.
- C'est impossible.
- Pourquoi?
Dominique, qu'y a-t-il?
Rien.
Ce serait un rappel permanent.
- Après la campagne, c'est immoral.
- Oublions la Enright House.
Je n'aurai pas si peur
si je comprenais. Qu'ai-je fait?
- Pourquoi?
- Cessez de geindre.
Depuis la retraite de Guy Francon,
rien ne va plus.
J'ai de moins en moins de travail.
Pourquoi?
Vous étiez à la mode.
La mode a changé.
J'étais à l'apogée de ma profession.
Que s'est-il passé?
Demandez-vous plutôt si vous méritiez
votre réputation.
Vous disiez que j'étais
un des plus grands architectes.
J'avais deux bonnes raisons
de vous le dire.
Je voulais sans doute vous encourager
mais aussi discréditer
toute forme de génie.
Je nous croyais amis.
Bien sûr. Je suis l'ami de tout
le monde. L'ami de l'humanité entière.
Pourquoi êtes-vous venu?
Que voulez-vous?
Cortlandt Homes.
Vous n'êtes pas sérieux.
Si je pouvais obtenir un chantier
comme Cortlandt Homes,
cela relancerait ma carrière.
Mais c'est l'un des plus grands
projets de logements sociaux.
Le monde entier s'en inspirera.
Vous pouvez m'aider.
Vous pouvez influencer
le conseil d'administration.
Ce n'est pas un projet pour Wynand.
Je n'ai aucune autorité.
Je ne suis qu'un consultant.
Juste une petite recommandation.
Peter, pensez-vous être capable
de dessiner Cortlandt?
Ils n'ont trouvé personne capable
de le faire.
Vous savez ce qui pose problème?
L'économie.
Comment édifier des bons immeubles
à loyers modérés?
Cortlandt Homes doit être un miracle
d'ingénuité structurelle et économique.
Vous en sentez-vous capable?
Je peux essayer.
Je ferai de mon mieux.
Ça ne suffira pas, Peter.
Mais vous pouvez toujours essayer.
Le cahier des charges de Cortlandt.
Résolvez le problème, et je vous promets
de soutenir votre projet.
Vous me laissez essayer.
Nos meilleurs architectes ont échoué.
On ne peut rien sans vision.
Mes amis ont le terrain,
l'argent, les matériaux
mais pas le visionnaire.
Je suis un parasite.
Je l'ai toujours été.
Tu m'aidais quand on était étudiants.
Tout ce que j'ai fait,
je l'ai volé à toi ou à d'autres.
Je n'ai jamais eu d'idées.
Je suis venu te demander de me sauver.
- Continue.
- Cortlandt est ma dernière chance.
Je ne peux pas le faire.
Je suis venu te supplier
de le dessiner à ma place.
De le dessiner
et de me laisser mettre mon nom.
Il n'y a aucune raison
pour que tu acceptes.
Si tu arrives à le faire,
tu décrocheras le projet.
- Tu crois qu'ils m'accepteraient?
- Non.
Aucun conseil d'administration corporatif
n'acceptera de me confier
ce genre de projets,
mais celui-ci m'intéresse.
Tu acceptes de dessiner
Cortlandt pour moi?
Si l'offre est assez alléchante.
Howard, tout ce que tu veux. Tout.
Donne-moi une bonne raison d'accepter.
Tu n'as aucune raison de vouloir m'aider.
- Non.
- Mais c'est un projet social.
Pense à tous ces pauvres gens.
En leur donnant un toit,
tu feras une bonne action.
Le ferais-tu juste pour eux?
Non. L'homme qui travaille
sans rémunération est un esclave.
Il n'y a rien de noble dans l'esclavage.
Quelle que soit sa forme.
Quel que soit l'objectif.
Puis-je t'offrir autre chose?
Oui.
Ecoute-moi bien.
Je travaille depuis longtemps
sur les logements sociaux.
J'ai pensé aux nouveaux matériaux,
aux diverses possibilités de bâtir
simplement et intelligemment.
C'était un problème
que je voulais résoudre.
Oui, je comprends.
Peter, avant de faire
des choses pour les gens,
il faut s'assurer qu'on est
capable de les faire.
Pour en être capable,
il faut aimer le travail, pas les gens.
Il faut aimer ton travail,
pas la cause que tu veux servir.
Je serai content d'offrir de meilleurs
logements aux gens dans le besoin,
mais ce n'est ni une raison,
ni une récompense suffisantes.
Ma récompense, mon objectif,
ma vie, c'est le travail.
Mon travail exécuté à la lettre.
Rien d'autre ne compte.
Je rêve de travailler
à grande échelle, comme ça,
mais on ne m'en donnera
jamais la chance.
Voilà ce que je te propose.
Je dessinerai Cortlandt.
Tu mettras ton nom sur les plans.
Tu garderas l'argent,
mais tu me garantiras
que mes plans seront suivis à la lettre.
- Je vois.
- Aucune modification.
Voilà comment je veux être payé.
Mes idées m'appartiennent.
Je suis le seul à pouvoir les modifier.
Ceux qui en ont besoin
les acceptent telles quelles.
Très bien, Howard.
Je te le garantis.
Tu as ma parole.
Les gens diront que tu es fou.
Que c'est moi qui ai tout.
Tu auras ce que la société a à offrir.
L'argent, la notoriété
et la reconnaissance publique et j'aurai
ce que personne ne peut me donner.
La satisfaction d'avoir dessiné Cortlandt.
"Après deux ans de vaines tentatives,
le projet soumis par Peter Keating
est une solution remarquable
qui offre les meilleurs logements
au prix le plus bas.
- Qu'est-ce qui t'a pris?
- Que veux-tu dire?
Tu crois que je suis dupe
d'une signature?
Qui a conçu le projet?
Peter Keating.
Qui a conçu ça?
- Bien sûr.
- Pourquoi?
- N'en parlons plus.
- Bien.
Je n'essaie pas de deviner tes raisons
mais je reconnaîtrais
ton travail n'importe où.
Je ne pensais pas un jour
devoir remercier quiconque
mais je te remercie
pour chaque jour que je passe ici.
Je découvre tant de nouvelles sensations.
- Lesquelles?
- La joie de posséder.
Je suis un millionnaire qui n'a rien eu.
J'appartenais à la rue,
comme les affiches.
Mais ici, je suis chez moi.
Je suis en sécurité.
Pourquoi n'es-tu pas venu hier?
Tu m'as manqué.
- Trop de travail.
- Tu te tues à la tâche.
- Depuis des années.
- Et pas toi, peut-être?
Si. On a besoin de repos, toi et moi.
Je fais rééquiper mon yacht
pour une croisière.
J'y pense depuis des années.
Accompagne-moi.
C'est une obsession.
Qui est M. Roark pour toi?
Ma jeunesse.
- Tu étais comme ça, jeune?
- Pas du tout.
C'est ce que je rêvais d'être
quand j'avais 16 ans.
M. Roark ne pourra pas t'accompagner.
Je me ferais un plaisir de partir.
Je pensais que votre travail
passait avant tout.
Je ne l'abandonne pas.
Je prends des vacances.
De plusieurs mois?
Ça me fera du bien.
C'est incroyable. On dirait que
tu es jalouse. C'est fantastique!
Il a même réussi à te rendre jalouse.
Ne boude pas.
Je vais chercher à boire.
On boira à la croisière.
Roark, n'y allez pas.
Je n'en peux plus.
Je suis jalouse
de chaque instant que vous lui consacrez
et de votre folle amitié.
- Vous ne devez pas l'aimer.
- Je ne veux pas en parler.
C'est ici que je suis né.
A Hell's Kitchen.
Maintenant, c'est à moi.
Tout ça.
J'ai décidé à 16 ans qu'ici
se dresserait la tour Wynand
et que ce serait la plus haute de la ville.
Quoi? Tu voudrais la dessiner?
- Ça t'intéresse vraiment?
- Je donnerais ma vie pour ça.
- Tu voulais entendre ça?
- Oui.
C'est drôle de te choquer
de temps en temps.
Je m'y mettrai dans quelques années.
Tu sais ce que ça signifie?
- Je sais ce que tu veux.
- Un hommage à ma vie.
Après ma mort,
ce gratte-ciel sera Gail Wynand.
Ma dernière entreprise
correspondra à ton plus gros chantier.
La Tour Wynand de Howard Roark.
J'attends ce moment
depuis que je suis né. Et toi, aussi,
tu attendais ce moment. Le voilà,
dans le quartier de Hell's Kitchen.
Avec mes compliments.
M. Keating, cessons de nous disputer.
M. Prescott et M. Webb
sont vos collaborateurs.
- Pourquoi?
- Votre projet est formidable.
Vous pouvez partager la gloire
avec deux de vos confrères.
Ne soyez pas égoïste.
Trois cerveaux valent mieux qu'un.
Mais vous aviez accepté mes plans.
Bien sûr. Mais il y a
quelques modifications à prévoir.
- Comme quoi?
- C'est trop brut.
On devrait ajouter des balcons.
Pour quoi faire?
Pour humaniser le projet.
Il faudrait aussi orner un peu les entrées.
Il n'en est pas question.
C'est mon projet.
Mais on peut en discuter ensemble, non?
Nous avons aussi notre mot à dire.
Sur mon travail?
Votre travail appartient à tout le monde.
C'est impossible.
Ne comprenez-vous pas?
Mais pourquoi, Peter?
Que vous arrive-t-il?
Vous qui d'ordinaire êtes si conciliant.
- Pourquoi vous fâcher aujourd'hui?
- Ils gâchent mon projet.
C'est possible. Et alors?
Le contrat stipulait que
Cortlandt serait construit
selon mes plans, c'était ma seule condition.
- Et alors?
- Vous êtes démodé, Keating.
- J'ai un contrat.
- Vous allez nous faire un procès?
Allez-y.
Mais ça ne vous avancera à rien.
Vous n'avez pas le droit!
Le droit? Quel droit?
Cessons ces bavardages
et mettons-nous au travail.
J'étais impuissant.
Ils ont modifié les plans sans raison.
C'était l'anarchie.
J'ai essayé de résister. En vain.
- Je n'ai rien pu faire.
- Je vois.
Je ne pouvais pas te joindre.
J'ai dû attendre ton retour.
J'étais terrifié.
Que vas-tu faire?
On ne peut même pas leur faire de procès.
- Non.
- Tu veux que je dise tout?
- A tout le monde?
- Non.
Je peux te verser l'argent que j'ai reçu.
Je suis désolé.
Que vas-tu faire?
J'en fais mon affaire.
Que faites-vous ici?
Je n'en pouvais plus.
Vous êtes parti des mois.
Je devais vous voir.
Vous voir seul.
Allez-vous-en.
Roark, ne suis-je rien à vos yeux?
Je ne peux vous répondre.
Vous m'avez évité pendant des années.
J'ai essayé de vous oublier. En vain.
- Vous le saviez.
- Oui.
Je ne pensais pas que Gail nous réunirait.
Ne comprenez-vous pas mon dilemme?
Vous avez conçu notre maison,
je vous vois régulièrement
sans jamais pouvoir vous dire que je vous...
Ne le dites pas.
Vous vous souvenez?
Vous m'avez dit un jour:
"Pour toutes les années
qui nous sépareront."
Roark, je sais
que vous connaissez
la nature de mes sentiments.
Nous ne pourrons jamais rien y faire.
Je vais quitter Gail.
Même si vous refusez de me revoir,
je le quitterai.
Avant de le quitter,
pourriez-vous me rendre un service?
- Oui.
- Sans poser de questions?
Oui, Roark, tout ce que vous voulez.
Vous avez vu Cortlandt Homes?
Oui, j'ai vu ce qu'ils en ont fait.
Lundi prochain, à la nuit tombée,
passez en voiture devant le chantier.
Venez seule.
Vous prétendrez que
vous êtes une passante.
Roark, je sais ce que vous allez faire.
C'est une épreuve, n'est-ce pas?
Vous voulez voir si j'ai votre courage,
si je peux vous aider
à prendre le plus gros risque de...
Pensez ce que vous voulez.
Ecoutez-moi. Quand j'aurai fini,
ne me dites ni oui, ni non.
Mais si vous décidez de m'aider,
soyez au rendez-vous.
Très bien. Allez-y.
Lundi soir, passez devant Cortlandt
vers 23h30.
Je n'ai plus d'essence.
Puis-je téléphoner?
Je suis désolé mais le téléphone
ne marche pas, ce soir.
Où est le garage le plus proche?
Au bout de la rue.
Pourriez-vous aller
me chercher quelqu'un?
Avec plaisir, madame.
Que faites-vous ici?
Arrêtez-moi.
Je parlerai au tribunal.
Inutile d'attendre le procès
pour le condamner.
Howard Roark est coupable de nature.
On murmure qu'il a conçu Cortlandt.
- Et alors?
- Il fallait des logements sociaux.
C'était son devoir de sacrifier ses désirs
et de coopérer et de partager
ses idées avec nous.
Qui est la société?
Nous.
L'homme y est le bienvenu
s'il se met au service des autres.
Il n'est qu'un instrument au service
de l'humanité.
L'abnégation est une loi de notre âge.
L'homme qui refuse de se soumettre
et de servir,
Howard Roark, l'égoïste suprême,
doit être détruit.
On ne nous apprend pas
à déceler la richesse des hommes.
L'abnégation nous répète-t-on
est la vertu suprême.
Mais réfléchissons un moment.
Un homme peut-il sacrifier
ses droits, sa liberté,
ses convictions, son honnêteté
et son indépendance?
C'est ce que l'homme a de plus précieux.
A quoi doit-il les sacrifier?
A qui?
L'abnégation?
C'est justement l'âme
qui ne doit pas être sacrifiée.
L'âme d'un homme est son essence.
C'est cette âme
que nous devons respecter
et où se trouve-t-elle?
Chez un homme comme Howard Roark.
Mettez-le en première page, demain.
Bien, M. Wynand.
Gail, avez-vous perdu la tête?
Défe...
Taisez-vous ou je vous assomme.
Il s'est mis la ville à dos.
C'est de la folie pure
de défendre sa cause.
Surtout pour un journal populaire.
- L'opinion publique est...
- L'opinion publique, c'est moi.
Je vais me battre pour ce que je crois.
Vous combattrez seul contre tous
pour la première fois de votre vie?
Oui, pour la première fois de ma vie.
Il ne fallait pas être si consciencieuse!
Le verre cassé est dangereux, tu sais?
- Je n'ai pas eu mal.
- La prochaine fois,
préviens-moi,
je te donnerai des conseils.
Inutile de te trancher une artère!
La police pense que j'étais là par hasard?
Oui. Tu as failli mourir.
Ils ignorent que tu as risqué
ta vie pour lui.
- Pour qui?
- Howard.
Tu as toujours défendu son œuvre,
n'est-ce pas?
Je suis content que tu l'aies fait pour lui.
Et ravi qu'il l'ait fait.
- Il devait le faire.
- Oui.
- L'ont-ils arrêté?
- Il a été libéré sous caution.
- Qu'a-t-il dit?
- Rien.
Il refuse de parler.
Ils le disent coupable
mais ne trouvent aucun mobile.
Ils lui imputent Cortlandt
- mais ne peuvent le prouver.
- L'opinion publique?
On n'a jamais vu une telle animosité.
- Les journaux le dénoncent?
- Tous sauf un.
Gail, si tu le soutiens...
Inutile de m'acheter.
C'est la bataille que j'attendais.
J'ai beaucoup péché.
Cette bataille sera mon salut.
Cette fois, le Banner
part vraiment en croisade.
LE BANNER
DÉFEND HOWARD ROARK
L'AFFAIRE CORTLANDT
FERA JURISPRUDENCE
Je t'attendais.
- As-tu des questions?
- Non.
Je peux passer des années en prison.
Ça te fait peur?
Non. Je partagerai toutes tes peines.
Je t'ai trahi par peur de te voir souffrir.
Mais je resterai à tes côtés.
Je supporterai la honte, le scandale, tout.
Ma chérie.
Mme Gail Wynand est
au-dessus de tout soupçon.
Tout le monde pense
que ta présence était un accident.
S'ils apprennent
ce que nous sommes l'un pour l'autre,
cela reviendra à une confession.
C'est pour ça que tu m'as impliquée?
Pour m'empêcher de t'aider davantage?
Dominique, si je suis condamné,
je t'en prie, ne quitte pas Gail.
Ne lui parle pas de nous,
vous aurez besoin l'un de l'autre.
Très bien, si c'est ce que tu veux,
mais si tu es acquitté?
On avisera.
Tu seras acquitté.
Ce n'est pas ce que je voulais entendre.
Si tu es condamné,
s'ils t'interdisent de poursuivre ta carrière
et si on m'empêche de te revoir,
je serai forte.
Je saurai me battre.
Je n'ai plus peur d'eux.
C'est ce que j'ai voulu entendre
toutes ces années.
- Qui a dessiné Cortlandt?
- Arrêtez.
- Il est trop ***.
- Laissez-moi.
- Cortlandt?
- Vous vous acharnez contre lui!
Je ne m'acharne pas, je veux juste
le voir en prison, soumis et anéanti.
Je veux le voir obéir.
- Oui, obéir aux ordres.
- Que voulez-vous, au juste?
Le pouvoir.
Qu'est-ce que le pouvoir?
Les armes? L'argent?
Il faut briser les hommes
pour les réduire en esclavage.
Leur ôter toute indépendance d'esprit.
Il faut leur apprendre à se conformer,
à s'assujettir, à obéir.
Après ça, vous avez des esclaves parfaits.
Ellsworth.
Je tiens ce discours depuis des années,
mais vous étiez trop sot
pour comprendre ce que je disais.
Pourquoi ai-je toujours dénoncé
le talent et encensé la médiocrité?
Les génies sont invincibles.
Pourquoi ai-je prêché l'abnégation?
Si on tue l'amour-propre d'un homme,
il se soumet plus facilement.
Est-ce possible avec Howard Roark? Non?
Voilà pourquoi je veux l'anéantir.
Les voilà, vos nobles idéaux.
Vous avez cru en moi.
Regardez-vous aujourd'hui.
Allons.
Qui a conçu Cortlandt?
Son prix?
Qu'on respecte ses plans à la lettre.
Ecrivez-le.
Ecrivez-moi votre confession.
Vous êtes ma plus grande réussite.
J'ai de quoi être fier.
Un homme sans âme.
Egoïste?
On me traite d'égoïste?
C'est vrai. Je ne suis que mes idées.
Laissez-les parler.
Aucun jury ne te déclarera coupable.
Le public dira ce que je lui dirai de dire.
Le Banner te sauvera.
Tu sais ce que j'aime ?
Le pouvoir que le Banner me donne.
Tu en es sûr?
La ville m'appartient.
Je n'ai encore jamais perdu de bataille.
Mais c'est la première fois que tu...
- Oui.
- Gail, c'est Alvah.
Keating a parlé.
Toohey lui a fait signer une confession.
Ça a fait la une de tous les journaux.
On a dû suivre.
J'arrive.
Qu'y a-t-il?
Toohey a la confession signée
de Peter Keating.
Ça fera la une de tous les journaux
demain.
Je ne compte pas sur l'opinion publique,
ne t'en fais pas.
Je me battrai pour toi,
même si j'y perds ma fortune.
Quand je ne pourrai plus renvoyer
mes employés,
je fermerai, et me ferai sauter la cervelle.
Ils nous ont tous plantés là.
Les meilleurs gars.
Les gars de Toohey.
- Ils ne reviendront pas sans lui.
- Toohey est renvoyé. Point.
Comment a-t-il acquis tant de pouvoir?
Il a introduit ses gars un à un,
et maintenant, il est leur maître.
- Et moi celui du Banner.
- En êtes-vous sûr?
Vous aspiriez au pouvoir, M. Wynand
et vous pensiez avoir
un bon sens pratique.
Vous avez laissé aux intellectuels
comme moi le champ libre
pour corrompre
pendant que vous faisiez fortune.
Vous pensiez que l'argent
c'était le pouvoir?
Vous n'êtes qu'un pauvre amateur.
Vous êtes bien trop honnête
pour votre ambition.
Je reprendrai mon poste
et, quand je reviendrai,
ce sera comme directeur.
En attendant, fichez-moi le camp.
LA PRISON POUR HOWARD ROARK
LE BANNER NE DOIT PAS
SOUTENIR ROARK
ELLSWORTH MONKTON TOOHEY
INJUSTEMENT RENVOYÉ
NOUS NE LISONS PAS WYNAND
NOUS NE LISONS PAS WYNAND
- Comme c'est ingénieux.
- N'est-ce pas?
C'est pour une bonne cause.
J'ai renvoyé ma cuisinière,
je l'ai surprise en train de lire le Banner.
NOUS NE LISONS PAS WYNAND
Que va-t-on faire?
Je ne trouve personne.
Ils refusent tous de travailler.
On n'a personne.
Et personne n'ose lire le Banner.
Combien de temps tiendra-t-on?
Le temps qu'il faudra.
Gail, reprends-moi au journal.
Je serai fière d'écrire pour le Banner.
Très bien.
Dépose-les à l'imprimerie.
Et n'oublie pas les dépêches.
Puis va voir Manning des nouvelles locales.
- Tous des invendus?
- Oui.
Ça me donne la chair de poule.
On dirait un cimetière.
Ce n'est pas prêt de s'arranger.
Personne n'achète le Banner.
C'est du suicide.
Ils travaillent nuit et jour
et ne vendent pas un seul exemplaire.
Prête, Mme Wynand?
L'édition du week-end.
Ce n'est pas très bon, mais ça ira.
Manning est rentré.
Il tombait de sommeil.
Jackson a démissionné
mais on se débrouillera sans lui.
J'ai dû réécrire l'article d'Alvah.
Mais dites-lui que c'est Gail qui l'a fait.
Très bien.
Tout ira bien, Gail.
Ne t'en fais pas.
Le Banner n'aide pas Howard.
Au contraire.
Le journal nuit à sa cause.
Ça lui est égal mais soutiens-le.
- Tiens le coup.
- Je ne peux rien.
Il gagnera à sa façon.
Je ne peux rien faire.
Je suis impuissant.
Je n'ai jamais eu de pouvoir.
Personne ne m'écoutait
parce que personne ne me respectait.
Je n'étais pas le maître de la foule.
J'étais son pantin.
Tiens bon et tu sauveras le Banner et toi.
Ce n'est pas moi qui dirigeais le Banner.
Mais le peuple.
C'était leur journal, pas le mien.
Il n'y a plus rien à sauver.
Gail, ne baisse pas les bras.
N'abandonne pas.
Abandonnez.
Ça ne peut pas continuer.
Votre Conseil d'Administration
a aussi son mot à dire.
Nous avons perdu nos annonceurs.
Nos lecteurs.
Et tout ça, pour un fou violent?
Allons-nous perdre nos chemises
pour des principes, maintenant?
Gail, c'est inutile.
Appelez Ellsworth Toohey et reprenez-le.
Nous devons cesser de soutenir Roark.
Et le condamner ouvertement.
Wynand, alors?
C'est oui ou non?
Abandonnez ou fermez.
Acceptez notre proposition.
Très bien.
LA VÉRITÉ SUR HOWARD ROARK
Nous confirmons que Howard Roark
est un être dangereux et anti-social.
S'il est condamné, comme il le mérite,
espérons que la peine
sera lourde.
Je demande à tous ceux
qui ont assisté à ce procès
de se fier à leur intelligence
pour décider du verdict.
Vous avez entendu
les témoins de la partie civile.
La confession de Peter Keating a prouvé
que Howard Roark était un vil égoïste
qui a détruit Cortlandt Homes
pour des motifs personnels.
La question est une question clé,
à notre époque:
L'homme a-t-il le droit d'exister,
s'il refuse de servir la société?
Que votre verdict soit votre réponse.
Je n'ai plus rien à ajouter.
La parole est à l'avocat de la défense.
Monsieur le juge, il n'y aura pas de témoin.
Cela sera mon témoignage
et ma conclusion.
- Prêtez serment.
- Jurez-vous de dire la vérité,
toute la vérité et
- rien que la vérité?
- Je le jure.
Il y a des millénaires, un homme
a découvert comment faire le feu.
Il fut fort probablement mis au bûcher
par les siens.
Mais il leur laissa un don inimaginable.
Il avait écarté les ténèbres.
Depuis, il y a toujours eu des hommes
qui ont poussé de nouvelles portes,
armés uniquement de leur sagacité.
Les grands créateurs, penseurs,
artistes, chercheurs étaient
toujours seuls
face à leurs contemporains.
Chaque nouvelle pensée fut ridiculisée,
chaque invention dénoncée,
mais les visionnaires
ne se sont pas arrêtés pour autant.
Ils se sont battus, ont souffert,
mais ils ont fini par gagner.
Aucun créateur n'a été motivé par
le désir de plaire à ses concitoyens.
Leurs contemporains haïssaient leur don.
La vérité était leur unique mobile.
Leur travail, leur seul objectif.
Leur travail et pas ceux qui l'exploitaient,
leurs créations,
pas ce que les autres en tiraient,
la création qui donnait forme à leur vérité.
A leurs yeux, la vérité est
au-dessus de tout et de tous.
Ils ont continué, indifférents
aux critiques de leurs confrères,
avec comme unique arme, leur intégrité.
Ils n'étaient au service de rien,
ni de personne.
Ils vivaient pour eux-mêmes
et c'est en vivant pour eux-mêmes
qu'ils ont découvert les choses
qui ont fait la gloire de l'homme.
Telle est la nature de la réussite.
L'homme ne peut survivre qu'en pensant.
Il arrive sur terre sans arme.
Son cerveau est sa seule arme,
mais l'esprit est l'attribut de l'individu.
Le cerveau collectif n'existe pas.
L'homme qui réfléchit
doit agir en fonction de lui-même.
Le cerveau ne peut travailler
correctement sous la contrainte.
Il ne peut être subordonné
aux désirs, aux besoins d'autrui.
Ce n'est pas un objet sacrificiel.
Le créateur assume ses choix.
Le parasite suit l'opinion des autres.
Le créateur pense.
Le parasite imite.
Le créateur produit.
Le parasite pille.
Le créateur aspire à conquérir la nature.
Le parasite aspire à conquérir l'homme.
Le créateur a besoin d'indépendance.
Il n'est au service de personne.
Il croit aux échanges équitables
et à la liberté de décision.
Le parasite cherche à dominer.
Il veut une humanité conformiste
pour la réduire en esclavage.
Il répète que l'homme n'est fait
que pour servir les autres,
qu'il doit penser et agir comme les autres
et vivre dans cet état d'ingrate servitude.
Un aperçu historique.
Tout ce que nous avons,
toutes nos grandes découvertes
sont le fruit de la réflexion
de cerveaux indépendants.
Tous les carnages et les destructions
sont nés de tentatives
de transformer l'homme en robot.
Un être sans droit,
sans ambition personnelle,
sans volonté, sans espoir, sans dignité.
C'est un conflit vieux comme le monde.
Il porte un autre nom.
L'individu contre la collectivité.
Notre pays, le plus noble qui soit,
a été fondé sur l'individualisme.
L'inaliénable principe des droits de l'homme.
L'homme était alors
libre de chercher sa propre voie.
De réussir et de produire,
pas de capituler et de renoncer.
De prospérer, pas de mourir de faim.
De réussir, pas de piller.
De considérer comme son bien
le plus précieux, sa fierté
et comme sa plus grande vertu,
son amour-propre.
Regardez-nous aujourd'hui.
C'est ce que les collectivistes
vous demandent de détruire,
comme la terre qui a été détruite.
Je suis un architecte.
Et je sais que le résultat naît
d'une idée initiale.
Nous approchons d'une ère
où je n'aurai plus ma place.
Mes idées m'appartiennent.
On me les a prises de force,
en violant un contrat.
Sans me consulter.
On a cru que mon travail appartenait
à d'autres pour en faire ce que de bon.
Ils ont décidé, sans mon accord,
qu'il était de mon devoir de
les servir sans choix, ni salaire.
Vous savez pourquoi
j'ai dynamité Cortlandt.
J'ai dessiné Cortlandt,
je l'ai fait naître,
je l'ai détruit.
J'ai accepté de le concevoir pour
le voir édifier comme je le voulais.
C'était le prix de mon travail.
Je n'ai pas été payé.
Mon projet a été défiguré par ceux
qui ont exploité mon travail
sans rien me donner en retour.
Je suis venu ici pour dire que je ne donne
à personne le droit
à une seule minute de ma vie.
Ni à un brin de mon énergie,
ni à aucun de mes travaux.
Peu importe qui les réclame.
Il fallait que ce soit dit.
Le monde se meurt
d'une orgie d'abnégation.
Je suis venu ici pour parler
au nom de chaque homme indépendant
qui vit encore en ce monde.
Je voulais être clair.
Je ne veux pas vivre autrement que libre.
Je revendique le droit de l'homme
d'exister pour soi-même.
Sachez également
que le préjudice financier
subi par les propriétaires
ne vous concerne pas.
La responsabilité de l'accusé
sur ce point
sera traitée dans un procès civil.
Vous devez vous concentrer
sur l'acte criminel.
Vous devez décider si l'accusé est
coupable ou innocent
du crime dont il est accusé.
Vous êtes les seuls juges des faits
et je vous rappelle qu'il est de votre devoir
de juger de la culpabilité
ou de l'innocence de l'accusé.
Monsieur le juge.
M. le président du jury.
- Etes-vous arrivé à un verdict?
- Oui.
Que l'accusé se lève.
Quel est votre verdict?
Innocent.
Je leur ai racheté les plans,
le site et les ruines de Cortlandt.
C'est à vous et à moi maintenant.
Vous le reconstruirez
comme vous l'aviez prévu.
M. Gail Wynand souhaiterait
que vous passiez le voir à son bureau.
- Il est en ligne?
- Non. C'est sa secrétaire.
Dites-lui que je passerai.
Cet entretien est nécessaire
mais m'est très pénible.
Ne l'oubliez pas.
Lisez-le et signez-le
si cela vous convient.
Qu'est-ce que c'est?
Votre contrat pour la tour Wynand.
Ecoutez-moi bien, M. Roark.
J'ai fermé mon journal.
Le Banner a cessé d'exister.
Je voudrais que vous commenciez
la tour Wynand immédiatement.
Ce sera l'édifice le plus élevé de la ville.
Je m'en remets complètement à vous.
Vous serez le seul maître à bord.
Mais je ne veux plus jamais vous revoir.
Lisez-le et signez le contrat.
Vous ne l'avez pas lu.
Les deux exemplaires.
Merci.
Ce sera le dernier gratte-ciel
à être construit à New York.
Le dernier exploit de l'homme
avant que l'humanité ne s'autodétruise.
L'humanité ne s'autodétruira pas,
M. Wynand
et ne devrait pas s'imaginer vaincue.
Pas tant qu'il existe de telles choses.
- Quelles choses?
- La Tour Wynand.
Cela ne dépend que de vous.
Les choses mortes,
comme le Banner,
ne sont que des engrais
qui rendent ces projets possibles.
C'est leur fonction.
Je vous ai dit, un jour, que la tour
serait un hommage à ma vie.
Il n'y a plus rien à commémorer.
La tour Wynand ne sera rien d'autre
que ce que vous en ferez.
Un hommage à l'âme qui est la vôtre
et qui aurait pu être la mienne.
LA PLUS GRANDE STRUCTURE AU MONDE
M. Roark, je vous prie?
M. Roark est tout en haut.
Qui le demande?
Mme Roark