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Manji (v.01)
Adaptation : Ulairi
PASSION
Monsieur,
si seulement j'avais eu
un brin de talent littéraire,
j'aurais fait un genre de roman
et je vous l'aurais donné à lire.
Mais j'en suis incapable.
Ce qui explique ma visite inopinée.
Je crains de vous importuner...
Je ne vous dérange pas ?
Voici mon histoire.
Après avoir été diplômé,
mon mari a ouvert
un cabinet d'avocat à Osaka.
C'était l'année dernière,
en février, je crois.
Il devait se sentir gêné
d'être toujours aidé
financièrement par ma famille.
Moi non plus,
je ne voulais plus passer
mes journées à ne rien faire.
Il existe une école des beaux-arts,
à Tennôji.
C'est une banale école privée pour
jeunes filles. Je m'y suis inscrite.
D'après le roman
de Tanizaki Junichirô
Scénario : Shindô Kaneto
Photographie : Kobayashi Setsuo
Montage : Nakashizu Tatsuji
Avec :
Wakao Ayako
Kishida Kyôko
Funakoshi Eiji
Kawazu Yûsuke
Sazanka Kyû
Mitsuda Ken
Réalisation : Masumura Yasuzô
Il y avait deux cours :
art japonais et art occidental.
Nous dessinions
la Déesse de la Miséricorde.
Un jour,
le directeur entre dans la classe.
Mme Kakiuchi. Votre dessin
ne ressemble pas au modèle.
Qui donc avez-vous dessiné ?
Je me suis sentie rougir.
Je ne m'en étais pas aperçue.
La remarque du directeur
me laissa sans voix.
Sans le savoir, j'étais en train
de dessiner Tokumitsu Mitsuko.
Regardez.
C'est la fille
d'un industriel du textile.
Mme Kakiuchi !
Qui avez-vous pris comme modèle ?
Mon dessin ressemble pourtant
à ce modèle, ne trouvez-vous pas ?
À ce modèle ici ?
C'est vrai que je dessine mal.
Ceci explique peut-être cela.
Vous dessinez très bien,
au contraire.
Je dis seulement que le visage
est celui d'une autre personne.
Vous parliez du visage ?
C'est un visage aux traits idéalisés.
Alors, qui est votre idéal ?
Mais personne !
Puisqu'il est idéal.
J'ai voulu dessiner la pureté
de la Déesse de la Miséricorde.
Est-ce défendu ?
Je ne vous suis pas très bien.
Même si quelqu'un devait ressembler
au visage de la Déesse,
en serait-ce pour autant une faute ?
Puisque vous insistez tellement,
dites-moi alors à qui il ressemble !
Ma discussion avec le directeur
fit jaser toute la classe.
Des rumeurs commencèrent à circuler.
On racontait que Mitsuko et moi
avions des relations amoureuses.
C'était tellement absurde
que je ne m'en offusquais même pas.
La pauvre Mitsuko...
J'ai dû lui causer du tort.
Je la cherchais du regard
à l'entrée de sa classe.
Un jour, je tombai nez à nez
avec elle dans les toilettes.
Mme Kakiuchi...
On cherche à nous piéger.
Prends garde.
Qui donc ?
Je ne peux rien dire ici.
Voyons-nous quelque part pour parler.
Avec plaisir.
C'est le directeur qui a lancé
la rumeur sur nos relations.
Pour quelle raison a-t-il fait cela ?
Je dois me marier avec un homme
d'une grande famille.
C'est surtout mon fiancé
qui est inquiet.
En fait, la fille d'un politicien
d'Osaka veut l'épouser.
Nous sommes donc devenues rivales.
Le père de cette fille a payé
le directeur pour faire circuler
des rumeurs à mon sujet.
L'infâme !
Et ça se dit professeur.
Quelle bassesse !
Tu n'es pas encore mariée.
Prends garde à ce qu'on
ne te porte pas préjudice.
Moi, je ne crains pas les rumeurs,
mais toi...
Moi non plus.
Devenons amies.
Et montrons-nous
devant tout le monde.
C'est une bonne idée.
Le directeur va faire une tête...
Allons nous promener à Nara
dimanche prochain.
Quelle histoire ça va faire,
si on nous voit !
Allons-y !
Je dois te remercier.
De quoi ?
Je ne dois pas me marier
avec un homme que je n'aime pas.
Manifestement,
la rumeur a fait son effet.
La fille du politicien
doit être contente.
Elle et moi devrions te remercier.
Quel triste endroit !
Je n'aimerais pas y venir seule.
Mais si. Quand on est
avec quelqu'un qu'on aime.
Je voudrais rester ainsi toujours.
Moi aussi.
Ton mari n'est pas inquiet ?
Il ne se mêle jamais de mes affaires.
Et je lui ai parlé de toi.
Qu'a-t-il dit ?
Comme tu es belle,
il aimerait te rencontrer.
J'ai terminé.
Regarde un peu.
Je n'arrive pas à croire
que c'est toi qui as dessiné ça.
Je me suis donnée à fond.
C'est Mitsuko ?
Elle ressemble à ce dessin ?
Assez en tout cas
pour faire un scandale.
En fait, je n'ai pas réussi à rendre
toute sa sensualité.
C'est un chef-d'œuvre.
Tu devrais l'encadrer.
Et le montrer après à Mitsuko.
S'il faut l'encadrer,
autant le corriger un peu.
Bien sûr, il est très réussi.
Le visage est bien dessiné,
mais le corps diffère un peu du mien.
Comment cela ?
Comment dire... ?
Ce n'est pas facile à expliquer.
Alors montre-moi ton corps
que je comprenne.
Ça ne me gêne pas, mais...
Allons chez toi
et je te le montrerai.
Personne ne nous verra ici.
Quelle pièce agréable !
Ce grand lit à l'air confortable.
J'aimerais avoir
une chambre pareille.
Tu en auras une plus belle encore
quand tu seras mariée.
C'est votre chambre intime ?
Ton mari ne risque-t-il pas
de se fâcher ?
Ça n'a aucune importance.
Dans ton cas, c'est différent.
Mais on dit que la chambre
d'un couple est sacrée.
Le corps d'une vierge étant
aussi sacré, le lieu est approprié.
Montre-le-moi vite.
On pourrait m'apercevoir.
Ferme les fenêtres.
Je t'emprunte un drap.
Suis-je différente de ton dessin ?
Comment est-ce permis
d'avoir un corps aussi superbe !
Pourquoi m'avoir caché
si longtemps
cette pure merveille ?
C'est trop ! C'est trop !
Calme-toi un peu.
Quand je vois une merveille,
j'en pleure d'émotion.
Tu es contente ?
Je vais me rhabiller.
Je veux en voir plus !
Je ne vais quand même pas
rester toute nue.
Pourquoi pas ?
D'ailleurs,
tu n'es pas complètement nue.
Enlève ce drap.
Lâche-moi !
Lâche-moi !
Ça suffit, maintenant !
Je ne savais pas
que tu avais un cœur aussi froid.
C'est fini.
Nous ne sommes plus amies.
Serais-tu devenue folle ?
Ta froideur me terrifie.
Nous nous étions pourtant juré
de ne rien nous cacher ?
Pourquoi te caches-tu ?
Menteuse !
Je te hais.
Ton corps est trop beau !
J'ai envie de te tuer.
Alors tue-moi !
Je veux être tuée par toi.
Tu es injuste.
Déshabille-toi, toi aussi
et laisse-moi te regarder.
Je ne suis pas injuste...
Tu es si belle
que j'ai honte de mon corps.
Si je te le montre,
tu ne m'en voudras pas ?
Tu es belle, toi aussi.
Je ne vois aucune différence.
Ne dis pas de mensonges.
Je me sens toute petite.
Je vous ai apporté la correspondance
que nous avons échangée
à cette époque. Lisez-la.
"Il pleut ce soir.
J'écoute le bruit des gouttes."
"Goutte à goutte, goutte à goutte,"
"j'entends murmurer :"
"Mitsuko, Mitsuko,
Mitsu, Mitsu..."
"Je me suis mise à écrire ton nom
sur ma main. Ma paume a été bientôt"
"recouverte de 'Mitsuko'."
"De mon pouce
jusqu'à mon petit doigt."
"Pardonne-moi d'écrire
de telles bêtises."
"Ma chérie.
Que les dimanches sont maussades !"
"Pourquoi ?
Parce que je ne peux te voir."
"J'ai appelé chez toi, mais on m'a dit
que tu étais de sortie avec ton mari."
"C'est trop cruel !"
"Je suis seule et je pleure."
"Je souffre.
Je n'en dirai pas plus."
"Tu es cruelle !"
"Finalement c'est arrivé.
Ce que je craignais est arrivé."
"Si tu avais vu ça,
notre dispute entre mon mari et moi."
"Excuse-moi d'écrire encore mon mari."
Kiyo !
Apporte le thé au premier.
Kiyo m'a dit que tu étais
très intime avec Mitsuko.
Qu'est-ce que ça veut dire ?
J'aime beaucoup Mitsuko.
Nous sommes amies.
Certes,
mais de quelle manière l'aimes-tu ?
Aimer est un sentiment.
Ça ne s'explique pas.
Il y a différentes façons d'aimer.
Évitons tout malentendu.
Je n'aime pas qu'on m'interroge
sur mes amies.
Trouve-toi des amis
et laisse-moi tranquille.
Si c'est une relation normale,
je n'y vois pas d'inconvénient.
Tu ne vas plus à ton école de dessin,
et tu écris des lettres bizarres.
Vous vous enfermez toutes les deux.
J'appelle pas ça une relation normale.
Je trouve que
tu as l'esprit mal placé.
Je ne te savais pas aussi vulgaire.
Vulgaire, moi ?
Es-tu sûre d'avoir toute ta tête ?
Bien sûr !
C'est naturel d'aimer les gens beaux.
C'est comme apprécier
une œuvre d'art.
Il n'y a rien de malsain.
C'est toi le malsain !
Alors pourquoi vous cachez-vous,
comme si je ne devais rien savoir ?
Tu mens !
Ce n'est pas pour la peinture.
Qu'est-ce que vous fabriquez ?
Va donc visiter un atelier
pour voir un artiste à l'ouvrage.
Il ne peint pas sans s'arrêter.
Il lui arrive de passer des heures
à attendre l'inspiration.
Mitsuko n'a pas seulement un visage.
Son corps est si beau
qu'on a envie de l'étreindre.
Je pourrais passer des heures
à le contempler.
Et Mitsuko supporte de poser
toute nue devant toi tout ce temps ?
Bien sûr que oui.
Puisque nous sommes entre femmes.
Être admirée n'a rien de déplaisant.
C'est quand même insensé,
de rester nue toute la journée,
même devant une autre femme.
N'as-tu donc jamais été ému
devant la nudité d'une femme ?
C'est comme la fascination
exercée par un paysage grandiose.
Je me sens envahie d'un bonheur infini
à tel point que j'en pleure.
Je n'insiste pas.
Tu n'entends rien au beau.
Ça n'a rien à voir avec le beau.
C'est de la perversité.
Quel vieux jeu !
Cette Mitsuko est une dépravée.
J'en suis sûr.
Qu'est-ce que tu as dit ?
De quel droit peux-tu juger
une personne que j'aime ?
Elle est trop pure pour être humaine.
C'est une déesse.
L'insulter c'est la profaner.
Tu ne comprends pas ?
Personne de sensé
ne peut dire des choses pareilles.
Vieux fossile !
Tu es devenue une belle dépravée.
Parfaitement.
Tu le savais bien.
Alors pourquoi m'as-tu épousée ?
Pour mon argent, n'est-ce pas ?
Répète un peu ça !
Autant de fois qu'il le faudra.
Tu m'as épousée pour mon argent.
Tu es peut-être intelligent,
mais tu es un lâche.
Tu me dé*** à ce point ?
Si tu t'avises de lever
la main sur moi, je le dirai à père.
Te voilà prévenu.
Maintenant, frappe autant que tu veux.
Je veux que tu me tues.
Vas-y, tue-moi !
Tue-moi !
Idiote !
Nous ne sommes pas faits
l'un pour l'autre, c'est évident.
Je n'ai jamais été heureuse avec toi.
Parce que tu es trop obstinée.
J'ai tout essayé.
Toi, tu n'as jamais rien fait.
Non ! C'est toi qui n'as pas
de passion. Tu manques de sentiments.
Le lendemain, nous nous sommes lancés
des regards haineux sans nous parler.
Mais le soir...
Je peux paraître maladroit et froid.
Mais je ne suis pas
dépourvu de sentiments.
Je ferai de mon mieux
pour être un meilleur mari.
Mais il faut que
tu respectes ma volonté.
Dis-moi que tu ne
la fréquenteras plus.
Non !
Au moins, qu'elle ne vienne plus
dans notre chambre.
Non !
S'il te plaît.
Écoute ce que je te dis.
Je ne veux pas être contrôlée.
Je veux être libre.
Je veux devenir plus forte.
Assez forte pour ne plus avoir
à craindre ni Dieu, ni la mort,
ni mes parents, ni mon mari.
Tu ne me dé*** pas, après tout
ce que ton mari a dit sur moi ?
Maintenant que la vérité a éclaté,
je ne crains plus rien.
Je ne t'abandonnerai jamais.
Je le jetterai dehors, s'il se plaint.
Il est chez moi, après tout.
Tu dis cela maintenant. Mais j'ai peur
qu'un jour tu me délaisses pour lui.
Tous les couples sont pareils.
Nous ne sommes pas un couple !
Nous fuirons, s'il le faut.
Tu es sincère ?
Je suis prête à tout.
Moi aussi.
Si je te demandais de mourir avec moi,
tu accepterais ?
Bien sûr !
Je mourrais pour toi.
Je n'ai pas d'enfant.
Tu es ma seule raison de vivre.
Pourquoi n'as-tu pas d'enfants ?
J'ai un médicament
qui permet d'éviter l'avortement.
J'en voudrais, moi aussi.
Une de mes amies
ne veut pas d'enfant.
C'est cher, mais je t'en donnerai.
Je suis si contente.
Je préfère être aimée par une femme
plutôt que par un homme.
C'est naturel qu'un homme
trouve belle une femme.
Moi, j'attire les femmes...
Ma chérie.
Soyons amies toute notre vie.
Je veux mourir ici et maintenant.
Notre relation devint
de plus en plus forte et passionnée.
Mon mari semblait s'être résigné.
Profitant de sa faiblesse,
je me cachais de moins en moins.
Que fais-tu si *** ?
Il est deux heures passées.
Tu es seule et triste ?
Tu n'arrives pas à dormir ?
C'est pour me dire ça
que tu m'appelles ?
Tu es incorrigible !
Viens demain.
On s'amusera bien ensemble.
Mon mari ? S'il dort encore,
je le jetterai du lit.
C'est promis ?
Oui, je te le jure.
Je perdais la raison
et devenais esclave de ma passion.
C'est alors que se produisit
un évènement
qui me prit totalement au dépourvu.
Une chose que je n'aurais jamais
pu imaginer.
Allô, Mitsuko ?
Que se passe-t-il ?
On a volé tes vêtements ? Où ça ?
Mais que faisais-tu ?
J'étais dans la baignoire.
Je suis à l'auberge Izutsuya.
On me les a volés
quand j'étais dans la salle de bain.
Que fais-tu là-bas ?
J'ai certaines raisons.
Je suis dans le pétrin.
Il faut que tu m'aides.
Envoie-moi de quoi m'habiller.
Excuse-moi de te le demander mais...
Envoie-moi aussi des vêtements
de ton mari. Un de ses costumes.
Un costume ?
Mais avec qui es-tu ?
Eh bien, c'est quelqu'un
que tu ne connais pas.
J'ai autre chose à te demander.
Peux-tu apporter aussi de l'argent ?
Trente mille yens.
Tu me rendrais un grand service.
Je t'en supplie, aide-moi !
Ma bonne, Umé, doit passer chez toi.
Elle t'accompagnera.
S'il te plaît !
Mon cœur battait la chamade
et mes jambes tremblaient.
À la barbe de mon mari,
j'enveloppai les vêtements,
et pris un taxi avec Umé.
Umé, dis-moi...
Avec qui est-elle ?
Tu suis Mitsuko partout.
Tu dois le savoir.
Depuis quand
fréquente-t-elle cet homme ?
Ne me cache rien.
Depuis un certain temps.
Avril dernier.
Combien de fois ?
Je ne les compte plus.
Qui est cet homme ?
Je n'en sais rien.
Écoute Umé.
J'ai tout fait pour Mitsuko.
Comment ose-t-elle m'avouer
qu'elle prend un bain avec un homme ?
Comment ose-t-elle se moquer de moi ?
Vous avez raison, madame.
Mais si on lui a volé son kimono,
elle ne peut pas sortir toute nue.
Moi je rentrerai nue, plutôt
que de donner ce coup de fil honteux.
Tomber sur un voleur
dans de pareilles circonstances !
C'est le châtiment.
Tout à fait. C'est leur châtiment.
Elle qui disait que j'étais la seule
à connaître sa nudité. Tu parles !
J'ai hâte de les voir tout nus,
ces deux-là.
C'est ici.
Attends ici.
AUBERGE IZUTSUYA
Excusez-moi !
Vous avez de la visite.
Entrez, madame.
Excusez-moi.
Vous êtes bien madame Kakiuchi ?
C'est moi.
Je ne sais comment m'excuser
pour ce qui est arrivé ce soir !
Mitsuko voulait tout vous expliquer.
Mais elle a trop honte d'elle.
Elle n'ose se montrer
à vous dans sa tenue.
Je ne me suis pas présenté.
Je m'appelle Watanuki Eijirô.
Je suis le fiancé de Mitsuko.
Voici les vêtements.
Le costume y est aussi.
Merci. Je les donne à Mitsuko.
Dites-lui que je repars.
Voici l'argent. Trente mille.
Attendez.
Elle ne va pas tarder.
Mitsuko éprouve un sentiment
très sincère envers vous.
Nous nous sommes rencontrés
l'an passé
et nous nous sommes promis
de nous marier.
À condition
que j'accepte votre relation.
L'amour entre mari et femme
c'est une chose, dit-elle,
l'amour entre femmes, c'en est
une autre. Elle veut vous garder.
Si je n'accepte pas votre relation,
elle refusera le mariage.
Je comprends votre colère
pour ce qui est arrivé ce soir.
Mais promettez-moi, madame,
que vous ne la réprimanderez pas.
Comprenez ce qu'elle peut ressentir.
Très bien.
Vous êtes d'accord.
Merci beaucoup !
Jamais je n'oublierai
votre gentillesse.
Je me sens rassuré.
Mitsuko, viens !
J'étais folle de rage.
Je voulais me jeter sur elle
et la déshabiller
en lui arrachant son kimono.
Je l'aurais fait
si Watanuki n'avait pas été là.
Plus je pensais à cette trahison,
plus la colère montait en moi.
Ils s'étaient moqués de moi.
Comment allais-je me venger,
lui faire payer cette humiliation ?
J'étais si bouleversée
que je bus du vin à grandes gorgées.
J'étais ivre.
Quand es-tu rentrée ?
Je suis folle !
J'enrage !
Qu'as-tu ?
Que s'est-il passé ?
Je suis folle !
Arrête de pleurer et raconte-moi.
Je vais effacer cette fille
de ma mémoire.
Promets-moi de m'aimer toujours.
J'avais décidé de tourner la page
définitivement.
Je me levais tôt,
lui préparais son déjeuner
et lui cirais ses chaussures.
Tu ne vas pas à l'école, aujourd'hui ?
Je crois que je vais arrêter.
Sa présence m'empêchera
de me concentrer.
Je ne veux pas sortir.
Sois à moi pour toujours.
Rien ne pourra plus nous arriver.
Tu passes d'un extrême à l'autre.
Tu ne m'aimes pas assez.
Aime-moi plus fort.
À part cette fameuse nuit,
Je n'étais pas arrivée à oublier
complètement Mitsuko.
Et puis un jour...
Une personne
de l'hôpital Nakanoshima
souhaiterait vous voir.
L'hôpital ? C'est bizarre.
Que peut-il bien vouloir ?
Mme Kakiuchi ?
Vous êtes bien Mme Kakiuchi ?
Pardonnez ma visite impromptue.
Est-ce vous qui avez donné un
contraceptif à Mlle Tokumitsu Mitsuko ?
Oui, c'est moi.
Elle l'a donné à une de ses amies,
Mme Nakagawa.
Elle a subi de graves complications.
Que s'est-il passé ?
Notre hôpital
décline toute responsabilité.
Vous devez vous concerter
avec Mlle Tokumitsu.
Au début, j'ai cru à un complot
de la part de Mitsuko.
Mais s'agissant de contraception,
j'ai accepté de la rencontrer.
Mitsuko est arrivée chez moi
une demi-heure plus ***.
Ma chérie, tu m'en veux encore ?
Mlle Tokumitsu. Nous avons
un autre sujet à aborder aujourd'hui.
Je n'arriverai pas à te parler
si tu ne m'assures pas
que tu m'as pardonnée, ma chérie.
Je vous interdis de m'appeler
"ma chérie".
Si tu persistes à me parler ainsi,
je ne pourrai rien te raconter.
En fait, cette histoire d'hôpital
que tu viens d'entendre,
ne concerne pas Mme Nakagawa.
Ah bon ? Et qui donc, alors ?
Il s'agit de moi.
Je suis enceinte de trois mois.
J'ai essayé le contraceptif
que tu m'avais donné.
Il provoque des hémorragies.
Jusqu'où allait-elle pousser
l'effronterie ?
Engrossée par Watanuki, elle venait
maintenant implorer mon aide.
Mes douleurs me reprennent.
Ma chérie,
accompagne-moi aux toilettes.
J'ai vraiment mal !
Qu'est-ce que tu as ?
Je souffre !
Kiyo, viens vite !
Aux toilettes !
Ma chérie.
Ma chérie, j'ai si mal.
Qu'est-ce que tu as ?
Mitsuko !
Je vais mourir.
Aide-moi, s'il te plaît !
Ne dis pas de sottises.
Tu ne vas pas mourir.
Tu vas me pardonner, n'est-ce pas ?
J'appelle un docteur ?
Non. Je ne veux pas
te causer de tracas.
Laisse-moi mourir ici.
Tu ne dois pas m'abandonner.
Je veux mourir dans tes bras.
Peu importe le reste.
Monte sur mon dos
et appuie de toutes tes forces.
Ici ?
Comme ça ?
Cette souffrance,
c'est la punition qui m'est infligée.
Me pardonneras-tu, si je meurs ?
Je meurs !
De l'eau !
- Kiyo !
- Oui, madame.
J'ai perdu du sang.
Tu saignes ?
Monte sur mon dos et appuie fort.
Je commençais à réaliser
que Mitsuko jouait la comédie.
Je le savais,
mais je lui donnais le change.
Mitsuko avait dû se rendre compte
que je n'étais pas dupe,
mais elle n'en cessa pas
pour autant son petit jeu.
Tu ne m'en veux plus, maintenant ?
La prochaine fois que tu me trompes,
je te tue pour de bon.
Est-ce que je peux revenir chez toi ?
J'ignore si c'est bien ou pas.
Je ne suis pas enceinte. C'était juste
un prétexte inventé pour te revoir.
L'homme de l'hôpital
est un de nos employés.
J'avais très bien compris.
Le sang, c'était
de la géline de théâtre.
Je m'en doutais.
Ne parle plus.
Si je disais que j'avais un enfant
ton mari ne nous soupçonnerait plus.
On pourrait alors se voir librement.
N'est-ce pas une bonne idée ?
Ainsi suis-je tombée dans son piège.
Nous retrouvâmes dès lors
notre ancienne intimité.
Je disais que j'allais voir
Mitsuko enceinte.
En fait, nous nous voyions
à l'auberge.
Un jour que j'attendais Mitsuko
à l'auberge,
Watanuki est arrivé.
À votre avis, lequel de nous deux
aime le plus Mitsuko ?
Allez savoir.
C'est vous, bien sûr !
Voilà pourquoi elle ne m'épouse pas,
bien qu'elle attende mon enfant.
Qu'ai-je fait au Bon Dieu ?
Je suis poursuivi par le malheur.
J'ignorais qu'elle était enceinte.
Comment ?
Vous verrez
qu'il n'y a pas de grossesse.
Pourquoi la cache-t-elle ?
Elle m'a dit
qu'elle n'était pas enceinte.
Je peux vous assurer du contraire.
Elle en est à trois mois.
Elle vous a menti
par peur de vous perdre.
Elle a l'air gentille,
mais elle ne l'est pas.
Nous sommes tous les deux
tombés dans son piège.
C'est une femme terrible.
Nous devrions nous associer
pour ne plus être dupés par elle.
Puisque nous l'aimons différemment,
nous n'avons pas à être jaloux.
C'est un tort de vouloir garder
pour soi une si belle femme.
Partageons-nous ses grâces.
Prêtons-nous serment par écrit.
Voici le serment écrit en question.
Lisez-le.
Kakiuchi Sonoko et Watanuki Eijirô
s'engagent à partir de ce jour,
le 18 juillet 1964,
à entretenir, aux conditions suivantes,
un lien de fraternité
en rien différent
de celui de la parenté.
Un : Kakiuchi Sonoko
accepte de devenir
la grande sœur de Watanuki Eijirô,
du fait que Watanuki épousera
Mitsuko, la petite sœur de Kakiuchi.
Deux : La sœur reconnaît à son frère
le statut de fiancé de Tokumitsu Mitsuko.
Le frère reconnaît l'amour
entre les deux sœurs.
Trois : La sœur et le frère
agiront d'un commun accord
pour empêcher que l'amour de
Mitsuko ne se transfère sur un tiers.
La sœur devra faciliter
le mariage du frère et de Mitsuko.
Après son mariage,
le frère s'interdira
de contester la liaison des sœurs.
Quatre : Si un des contractants
était rejeté par Mitsuko,
l'autre devra renoncer aussi
à sa liaison avec elle.
Cinq : Les deux contractants
s'engagent
à ne jamais fuir ni mourir avec elle
sans consentement réciproque.
Qu'en dites-vous, grande sœur ?
J'accepte.
Parfait. Signez ici.
J'appose mon sceau ?
Ce n'est pas trop douloureux.
Que faites-vous ?
C'est le serment du sang.
Je n'en prendrai qu'un peu.
Ne criez pas et fermez les yeux.
Un peu de courage !
Buvez en premier.
À mon tour, maintenant.
Nous voilà frère et sœur.
Je vous chérirai toute ma vie
comme ma grande sœur.
Agissez de même
avec votre petit frère.
Je peux devenir terrible
quand on me traite en ennemi.
Mais en tant qu'allié,
je serai prêt à mourir pour vous.
Ne parlons jamais de notre serment
à Mitsuko.
C'est notre secret.
Nous avons signé le serment
avec notre sang.
Ce Watanuki me faisait si peur
que je n'ai rien dit à Mitsuko.
Qu'as-tu au bras ?
C'est bizarre.
Eijirô a la même blessure.
Ne me cacherais-tu pas quelque chose ?
Y aurait-il
quelque secret entre vous ?
J'en suis sûre.
Tu me caches quelque chose,
toi aussi. N'est-ce pas ?
Et quoi donc ?
Tu ne me caches rien
sur ton état physique ?
Il t'a dit que j'étais enceinte,
c'est ça ?
Il a osé dire ça, alors qu'il est
incapable d'engendrer ?
Qu'est-ce que tu dis ?
Dans son enfance,
il a attrapé les oreillons.
Ça l'a rendu stérile.
C'est vrai ?
Quand je l'ai su,
il était déjà trop ***.
J'ai continué à le voir.
Tu n'as qu'à t'en séparer.
Si je le faisais,
il irait tout raconter sur nous.
Quand j'ai eu
la proposition de mariage,
il a menacé de raconter
notre relation aux journaux
pour faire échouer le projet.
Il m'a forcée à écrire au directeur
à propos de
notre relation homosexuelle.
Alors, tu t'es servie de moi ?
Pardonne-moi, je t'en supplie.
Au début, oui.
Mais devant la sincérité
de ta passion,
j'ai commencé à t'aimer vraiment.
J'ai autre chose à t'avouer.
À propos des vêtements volés ici.
Eijirô a demandé qu'on les cache,
puis m'a convaincue de t'appeler.
Il pensait que ce coup de fil
mettrait fin à notre relation.
Je comprends, maintenant.
Ce Watanuki est vulgaire et lâche.
Mais je ne peux pas m'en séparer.
Il a fichu ma vie en l'air.
Je suis désespérée.
Aide-moi, je t'en supplie.
Il ne me reste plus que toi.
Ne m'abandonne jamais.
Bien sûr que non. Je suis heureuse
que tu te sois confessée à moi.
En fait,
Eijirô et moi avons signé un serment.
Un serment ?
Un serment d'amour envers toi.
Il t'utilise pour empêcher
d'autres hommes de m'approcher.
Je préfère mourir
plutôt que de devenir sa femme.
Aide-moi à m'en séparer.
Je le dé***.
J'ai compris, je t'aiderai.
Je mourrais pour moi.
S'il le faut, je le tuerai.
Ma sœur chérie !
Mitsuko, qui en imposait
avec sa beauté conquérante
était devenue la proie sans défense
d'un rapace.
Je l'adorais tant.
J'avais de la peine pour elle.
Mme Kakiuchi.
Votre mari est ici.
Il désire vous voir ensemble.
Dois-je le faire entrer ?
Mon mari ?
Mon mari est venu te rendre visite.
Que dois-je faire ?
Il doit avoir une bonne raison.
Je vais annoncer
que tu es indisposée.
Non, je préfère le voir. Qu'il constate
que je suis bien enceinte.
Bonne idée.
Oharu !
Installe-le dans la pièce
la plus sombre.
S'il vous plaît.
Je dois être plus ronde.
À combien de mois en suis-je ?
Je ne sais plus.
Tu dois bien en être à 6 ou 7 mois.
Je voulais venir
vous présenter mes hommages.
J'ai profité que je passais
dans le quartier.
Votre femme
est toujours si prévenante.
Le bébé se présente bien.
Oui. J'en suis au sixième mois.
Comment allais-je m'y prendre
pour forcer Watanuki à rompre ?
Je cherchais une solution.
Mais Watanuki attaqua en premier.
Viens là-haut !
Viens voir ça.
Cette signature est bien la tienne ?
Ou bien est-ce un faux ?
Parle !
Pourquoi ne réponds-tu pas ?
J'en conclus donc
que c'est bien la tienne.
Watanuki est venu à mon bureau, hier.
Nous ne sommes pas seulement fiancés.
Mitsuko porte aussi mon enfant.
Votre femme s'est immiscée entre nous
et ne cesse de nous importuner.
Si bien que Mitsuko hésite à m'épouser.
Ramenez votre femme à la raison.
Surveillez-la un peu mieux.
Elle m'a forcée à signer ce contrat
pour déstabiliser nos relations.
Reconnaissez-vous
la signature de votre femme ?
On dirait bien son écriture.
Mais je dois m'en assurer
auprès d'elle.
Puis-je vous l'emprunter ?
Que comptez-vous faire
si votre femme avoue ?
C'est une affaire
entre ma femme et moi.
Divorcerez-vous ?
Cela ne vous regarde pas.
Étant donné vos obligations envers
le père de Sonoko, ce serait une erreur.
Je n'ai aucune leçon à recevoir !
À votre guise.
Dans ce cas, je ne peux pas
vous prêter ce contrat.
Pardon pour le dérangement.
Les maris faibles ont toujours
des soucis avec leur femme.
Pardonnez ma conduite tout à l'heure.
Vous permettez ?
Si cela vous chante.
Aveuglé par mes soucis personnels,
j'ai manqué au respect élémentaire.
Oubliez ce que j'ai dit
tout à l'heure.
Comprenez que je me trouve
dans une situation désespérée.
Je vous prêterai volontiers
ce contrat que nous avons signé.
L'idée que vous devriez divorcer
me glace le sang.
Car cela pourrait inciter
votre femme à fuir avec Mitsuko.
Drôle d'oiseau !
Et tu as signé avec ce type ?
Sans consulter ton mari ?
Explique-moi un peu.
Je ne pouvais plus rien lui cacher.
Je décidai de parler
sans me soucier de la suite.
Je lui parlai du serment secret
de Watanuki.
De la grossesse truquée de Mitsuko.
J'ai tout avoué.
Tu dois te sentir mieux.
Je t'ai rarement entendu parler
avec tant de sincérité.
Est-ce parce que tu regrettes
ce que tu as avoué ? Réponds-moi.
J'ai pris un air de soumission
empreint de tristesse.
Es-tu consciente de t'être fourrée
dans une sale affaire ?
J'ai aussi ma part de responsabilité.
Mon rôle était de te mettre en garde.
Toi et moi sommes responsables.
D'après ta version des faits,
c'est Watanuki
qui a inventé ce stratagème.
C'est lui qu'il faut blâmer.
Ma fausse tristesse du début devint
réelle et je me mis à sangloter.
Arrête de pleurer et réponds
à ma question, pour que je comprenne.
Regrettes-tu ce que tu as fait ?
Laisseras-tu cette fille ?
Ma mort suffira-t-elle
à me laver de mes crimes ?
Au point où j'en suis arrivée,
je n'ose plus regarder les gens en face.
Laisse-moi mourir.
Tu ne regretteras pas
une femme dépravée comme moi.
Qui parle de t'abandonner ?
Je n'ai jamais eu cette intention.
Mais si je laisse Mitsuko seule,
elle va souffrir le martyr.
Elle en mourra.
Pourquoi devrait-elle mourir ?
Elle se tuera.
Elle menace de se tuer.
Je ne peux l'en dissuader.
Je mourrai avec elle. En mourant
je demanderai pardon aux gens.
Ne dis pas de bêtises !
Ce n'est pas ça, le pardon.
Je préfère la mort à la contrainte.
Laisse-moi mourir.
Ma seule préoccupation
était de trouver
un moyen de revoir
Mitsuko comme avant.
Je le menaçai de me tuer
dans le seul but
qu'il finit par reconnaître
ma relation avec Mitsuko.
Je continuai donc de pleurer
tout mon soûl.
Mais mes menaces et mes gémissements
ne suffirent pas à le convaincre.
Je devais trouver autre chose...
C'est toi, Mitsuko ?
Ma chérie !
Mon mari est à son bureau.
Je veux que tu viennes.
Le plus vite possible.
Pas un mot à mon mari, compris ?
Mitsuko !
Grande sœur !
Depuis l'autre soir,
Watanuki ne cesse de me persécuter.
Écoute-moi.
Vous complotez contre moi.
Mais je vous ai devancées
en allant voir M. Kakiuchi.
Tu es à moi maintenant.
Mets ton sceau sur ce papier.
Qu'est-ce que c'est ?
"Tokumitsu Mitsuko et Watanuki Eijirô
sont unis dans un seul corps."
"Mitsuko devra suivre Eijirô
jusque dans la mort."
Pas question !
Signe ici.
Tu vas le signer !
S'il te plaît !
Tu es le seul à t'intéresser
à un tel torchon.
Tu ne penses qu'à me faire chanter.
Tu n'as aucune raison de t'inquiéter.
Ce n'est pas une reconnaissance
de dette. Tu ne m'achèteras pas avec ça.
Qu'est-ce que tu complotes ?
Je veux que tu changes tes sentiments.
L'avenir n'est pas garanti.
Ton obstination
pourrait te coûter cher.
Je te conseille de m'obéir.
Sinon, je suis prêt
à toutes les folies pour me venger.
Je te détruirai !
Si tu veux que je t'obéisse,
aime-moi pour de bon.
L'amour spirituel
est supérieur à tout.
Bouddha, le Christ...
Les grands hommes sont tous asexués.
Même le plus petit des insectes
est pourvu d'un esprit.
Je ne veux pas servir ton idéal.
Essaye de m'échapper et je te tue !
Tue-moi.
J'ai décidé d'en finir.
Je vais le faire.
Allez, tue-moi.
Quel type collant !
Mon mari va me surveiller de près.
Watanuki te profère des menaces.
Si on fuyait ?
Oui. Réfugions-nous
dans ma ville de Hamadera.
En prenant Umé avec nous,
on pourra y rester cinq jours.
Bonne idée !
À Hamadera, Umé téléphonera
à mon mari et lui dira :
"Madame et Mitsuko sont droguées.
Elles sont dans le coma."
"Elles ont laissé des lettres d'adieu.
C'est sûrement un suicide."
Ça va être amusant.
Quand mon mari arrivera,
nous ferons les mortes enlacées.
Et on se réveillera brusquement
en pleurant devant lui.
Pendant ce temps-là,
Umé implore mon mari d'écouter
nos requêtes s'il veut nous sauver.
Tu es très astucieuse.
Mais il faudra
qu'on se drogue réellement ?
Les somnifères ne sont pas mortels.
Nous n'en abuserons pas.
Mais peu m'importe de mourir,
puisque je serai avec toi.
Cela m'est égal à moi aussi.
Mettons vite notre plan à exécution.
Vous arrivez tôt.
J'ai tout préparé.
Je vais lui téléphoner.
Prenez les somnifères.
Tu as la bonne dose ?
Juste ce qu'il faut.
Allons-y. Buvons-le.
Si on s'est trompées
et que j'en meure,
tu mourras avec moi, n'est-ce pas ?
Promets-moi la même chose
si je meurs.
As-tu écrit la lettre d'adieu ?
Oui.
Lis la mienne.
Elle est adressée à ton mari.
"Cher Monsieur Kakiuchi..."
"J'ai entraîné votre femme.
Comment me ferai-je pardonner"
"cet acte insensé ?"
"Considérez que c'est
la force du destin."
Quand il l'aura lue, il sera tant ému
qu'il en oubliera son ressentiment.
Adieu, Mitsuko !
Adieu, grande sœur !
J'ai dû rester inconsciente
pendant une bonne demi-journée.
Je me suis réveillée
le lendemain midi tout étonnée.
Mais je n'ai pas un souvenir précis
de ce qui put se passer
les jours suivants.
J'avais l'impression d'être plongée
dans un rêve dont je ne sortais pas.
Au début, nous dormions
l'une contre l'autre au milieu du lit.
Mon mari et Umé
dormaient sur les côtés.
Ils tirèrent la couche de Mitsuko
vers la chambre voisine.
Elle se réveilla.
Grande sœur, où es-tu ?
Rendez-moi ma sœur !
Je vous en supplie !
Ensuite, j'entendis les voix
de Mitsuko et Watanuki qui murmuraient.
Est-elle vraiment endormie ?
Ne parle pas.
Je ne les voyais pas
mais je sentais leur présence.
Ils m'avaient donc bien dupée.
J'étais la seule
à avoir avalé de la drogue.
Ça me fit enrager.
Tu m'aimes ?
Oui.
Tu préfères elle ou moi ?
Toi.
J'essayai de me lever,
mais je ne pouvais bouger.
Je voulais appeler, mais ma langue
était paralysée et mes yeux fermés.
J'étais folle de rage.
Je voulais pouvoir agir.
Mais je me rendormis.
Grande sœur va-t-elle se fâcher ?
C'est sans doute ce qu'elle désirait.
Soyons bon amis, tous les trois.
Soudain, Watanuki
prit l'apparence de mon mari.
Que faisait-il là ?
Je croyais au début à un cauchemar.
Mais quand le somnifère cessa d'agir,
il n'y eut plus l'ombre d'un doute.
Ton mari nous a confondues.
J'étais trop droguée
pour m'en apercevoir.
Pardonne-nous.
Mitsuko t'appelait
et voulait venir à côté de toi.
Craignant qu'elle te réveille
je l'ai prise entre mes bras,
pour vous reborder
et remettre en place vos oreillers.
Je la croyais endormie.
J'ai manqué de vigilance.
Quand j'ai compris ma méprise,
il était trop *** pour fuir.
J'ai été faible.
Sonoko, pardonne-moi !
Je t'en supplie !
Mon mari a si peu d'expérience
en la matière. C'est un véritable enfant.
Alors j'ai pensé que c'était lui
qui disait la vérité.
Mais je me demandais quelles étaient
les intentions de Mitsuko.
Était-elle vraiment inconsciente,
comme le déclarait mon mari ?
Ou bien a-t-elle agi
dans un but précis ?
Veut-elle s'entourer toujours plus
d'adorateurs masculins ?
Son premier faux pas avec Mitsuko
ne s'arrêta pas là.
Il continua à la fréquenter tout en
se sentant coupable envers moi.
Mais je ne lui en voulais pas.
Il y a toujours eu
incompatibilité entre nous.
Il a cherché l'amour avec Mitsuko.
Je suis sûre qu'il ressentait
ce besoin même inconsciemment.
Pardonne-moi.
Pense que c'est la force du destin.
Je voudrais me séparer de Mitsuko.
Mais je n'y arrive pas.
Tu m'as dit un jour que j'étais sans
passion. Elle m'a prouvé le contraire !
Si je te pardonne,
me pardonneras-tu toi aussi ?
Voilà donc ta manière
de te venger de moi ?
Vous allez faire alliance
pour me rejeter ?
Tu as dit que
nous étions incompatibles.
Alors tu veux m'abandonner.
Je ne ferai jamais ça.
Je te comprends parfaitement.
Je ne te rendrai jamais malheureuse.
Vivons tous les trois.
Si l'un de nous trois est malheureux,
mourons tous ensemble.
Mon mari rendit visite
à la mère de Mitsuko.
Lui qui ne ment jamais, ce jour-là,
il fit des prouesses, par amour.
Il m'expliqua qu'il n'y avait rien
entre Mitsuko et Watanuki.
Et qu'il arrangerait l'affaire
avec Watanuki,
qui était le seul coupable.
Il acheta le silence de Watanuki
pour cent mille yens.
Tout allait en s'arrangeant.
Mais en réalité, nos relations
étaient en train de se détériorer.
Tu es déjà de retour ?
Ne rentre pas si tôt.
J'ai à peine le temps de lui parler.
Je n'avais rien à faire au bureau.
Laisse-moi entrer,
je veux la voir.
Pas question.
Vous êtes toujours ensemble.
Et moi, alors ?
Non !
Redescends !
Va-t'en, vite.
Si tu veux tout savoir,
c'est Mitsuko qui m'a demandé
de rentrer plus tôt.
Elle est fâchée,
croyant que je l'aime moins que toi.
C'est vrai ?
Grande sœur !
Kôtarô !
Vous n'êtes plus mari et femme.
Cessez donc ce comportement.
Appelle-le "Monsieur Kôtarô"
et plus "chéri".
Et toi, appelle-la "Mme Sonoko"
ou "grande sœur".
C'est compris ?
Passait encore ce caprice.
Mais un soir,
elle a apporté
un somnifère et de l'eau.
Buvez-le et allez vous coucher.
Je ne partirai pas avant d'être sûre
que vous êtes endormis.
C'est un somnifère très efficace.
Buvez-le vite.
Allais-je encore être
la seule à en boire ?
En l'avalant, vous me donnerez
la preuve de votre fidélité.
Elle veut m'empoisonner, maintenant ?
Qu'attendez-vous ?
Ne chercheraient-ils pas encore
à me duper, ces deux-là ?
Pourquoi ne l'avalez-vous pas ?
J'ai compris.
Vous ne m'êtes donc pas fidèles.
Je suis si malheureuse !
Sonoko, attends !
Au point où on en est,
tentons notre chance.
Échangeons nos sachets.
Faisons comme ça.
Avalons-les en même temps.
Vous êtes décidés ?
Attendez.
Je vais vous les administrer moi-même.
Ouvrez la bouche.
Il sera plus efficace
avec beaucoup d'eau.
Attendez. Je vais en rechercher.
Mangez moins à partir de demain.
Ça aura plus d'effet.
Mitsuko avait réussi son coup.
Mon mari et moi
devenions de plus en plus jaloux.
Nous nous soupçonnions mutuellement.
Pourquoi nous force-t-elle
à en prendre ?
Je me le demande aussi.
De toute façon, nous ne
nous conduisons plus en couple.
Qu'a-t-elle derrière la tête ?
Tu connais son but ?
Non. Mais toi, tu le sais,
n'est-ce pas ?
Pas du tout.
C'est toi qui dois savoir.
J'ai l'impression
que c'est moi seule qu'elle endort.
J'ai la même impression.
T'est-il déjà arrivé
de rester éveillé jusqu'à son départ ?
Jamais. Et toi ?
Le médicament est puissant.
Je ne peux pas résister.
Alors tu le prends vraiment ?
Évidemment.
Regarde comme je suis pâle.
Moi, c'est pareil.
Mitsuko est toujours en train
de te donner des ordres.
C'est la preuve de son amour.
Si c'était de l'amour,
me maltraiterait-elle ainsi ?
C'est toi qu'elle aime.
Le somnifère est de plus en plus fort.
J'ai des nausées le matin
et ma tête est lourde.
Une vraie malade.
On ne mange presque plus rien
à cause des somnifères.
On va mourir empoisonnés !
Nous devenons des ombres.
Nous adorons Mitsuko
comme une divinité solaire.
Tu ressembles
de plus en plus à Watanuki.
Toi aussi.
Au point où nous en sommes,
Mitsuko n'espère plus une fin
heureuse pour notre couple à trois.
Elle cherche peut-être
à nous affaiblir,
jusqu'à ce que nous mourions.
Peut-être.
Nous sommes devenus des zombies.
Seule Mitsuko rayonne de santé.
Nous perdons au change.
On ferait mieux de s'en séparer.
Tu crois ?
Séparons-nous-en.
Non !
Tu dis ça pour te l'accaparer.
Je préfère la mort.
C'est pareil pour moi.
On ne se sépare pas, alors.
Tu l'aimes vraiment ?
Oui. Je l'aime plus que tout,
si tu veux savoir.
Je n'ai pas peur de mourir pour elle.
Tu es devenu exactement comme moi.
Ce que je craignais
a fini par arriver.
Si j'avais pu mourir avec eux,
combien j'aurais été heureuse !
Sonoko !
Regarde ce qu'on vient de recevoir.
Tout est écrit sur nous,
dans les moindres détails.
C'est un coup de Watanuki.
"Scandale d'un amour à trois"
Ma carrière de juriste est fichue.
Watanuki m'a trompé. Il avait gardé
une copie de toutes les preuves.
Alors tout est fini ?
Oui, c'est la fin.
Mourons !
Watanuki nous a eus.
C'est dur à accepter.
Mais qu'importe maintenant.
Ça devait finir comme ça.
C'est vrai.
Peu importe, tu as raison.
Je n'arrive pas
à m'échapper de Watanuki.
Je préfère mourir.
Mourons.
Mourons tous les trois.
Si vous m'aimez vraiment,
mourez avec moi.
Tu le feras pour moi ?
Toi aussi, Kôtarô ?
Elle m'a demandé
que nous laissions toute notre
correspondance en guise de testament.
J'ai conservé ses lettres
avec les miennes.
La Déesse de la Miséricorde
que j'avais peinte avec amour,
nous l'avons montée à l'étage
et tous les trois nous avons brûlé
de l'encens en offrande.
Si la Déesse me guide par la main,
je serai heureuse de mourir.
Si les gens l'appellent
"Déesse Mitsuko" et prient pour elle,
alors nos âmes
pourront reposer en paix.
Je suis donc devenue
la Déesse de la Miséricorde ?
Dans l'au-delà,
plus de jalousie entre nous !
Nous resterons en harmonie
aux côtés de notre divinité.
Nous serons les deux bodhisattva
de la Déesse Kannon Mitsuko.
Je repris conscience le lendemain.
J'avais envie de les retrouver
dans l'au-delà.
Peut-être s'étaient-ils joués de moi
jusqu'à la fin ?
S'étaient-ils arrangés
pour que je sois la seule à survivre ?
Si j'allais les retrouver,
ne me rejetteraient-ils pas ?
Si je n'avais pas eu ces doutes,
je serai morte, aujourd'hui.
Encore maintenant,
quand je pense à Mitsuko,
je n'éprouve ni haine ni ressentiment,
mais de l'amour, toujours de l'amour.
Pardonnez-moi, je vous en prie,
de ne pouvoir retenir mes larmes.
FIN