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Quand l'agneau ouvrit
le septième sceau,
il y eut dans le ciel
un silence
de près d'une demi-heure.
Et les sept anges
qui avaient les sept trompettes
s'apprêtèrent à en sonner.
Qui es-tu?
Je suis la Mort.
Tu viens me chercher?
Depuis longtemps,
je marche à tes côtés.
Je sais.
Es-tu prêt?
Mon corps, oui, mais pas moi.
Attends un instant!
Tout le monde dit cela,
mais je n'accorde pas de délais.
Tu joues aux échecs?
Comment sais-tu?
Je l'ai vu sur les peintures.
Je suis un assez bon joueur.
Pas meilleur que moi.
Pourquoi veux-tu jouer avec moi?
Ççça me regarde.
Tu as raison.
Tant que je te résiste, je vis.
Et si je gagne, tu me libères.
Tu as les noirs.
C'est ma couleur.
Entre les jambes d'une putain
C'est là, parbleu, que je suis bien
Le Seigneur est là-haut, très loin
Et dans la rue, son frère, le Malin.
On parle d'augures
et d'autres choses bizarres.
Deux chevaux se sont dévorés.
Les tombes s'ouvraient,
éparpillant partout les ossements.
On vit quatre soleils dans le ciel.
Où est l'auberge?
T'a-t-il indiqué le chemin?
Pas vraiment.
- Qu'a-t-il dit?
- Peu de choses.
- Il était muet?
- Non, messire.
Je dirais même
qu'il était très éIoquent.
- C'est vrai?
- Oui.
Sa réponse fut très lugubre.
Bonjour.
As-tu eu ton petit déjeuner?
Je ne mange pas d'herbe.
Tu m'apprendras.
Nous sommes un peu à court
car les gens s'intéressent
peu à l'art, ici.
Maria, réveille-toi,
j'ai vu quelque chose!
Que s'est-il passé?
Une vision.
Non, c'était comme la réalité.
Encore une vision!
Je l'ai tout de même vue.
Qui? Qui as-tu vu?
La Sainte Vierge Marie.
L'as-tu vraiment vue?
J'aurais pu la toucher.
Avec sa couronne d'or
et sa robe bleue.
Elle était pieds nus
et tenait l'Enfant par les mains
pour lui apprendre à marcher.
Quand elle me vit, elle me sourit.
J'en eus les larmes aux yeux.
Pendant que je les séchais,
elle disparut.
Et il se fit un grand silence
dans le ciel et sur la terre.
Tu imagines?
Qu'est-ce que tu vas chercher?
Tu ne me crois pas,
mais c'est la réalité.
Pas celle que tu vois,
mais une autre réalité.
Comme le diable
peignant nos roues de rouge
et se servant de sa queue
comme d'un pinceau!
Pourquoi
tu reparles toujours de ça?
C'est toi qui avais
du rouge sur les ongles!
Cette fois-là, c'était inventé.
Pour que vous croyiez
à mes autres visions.
Fais attention
qu'on ne te prenne pas pour un fou.
Tu ne l'es pas, pas encore.
Quoique je n'en sois pas si sûre.
Qu'y puis-je si j'entends des voix,
si la Sainte Vierge,
les anges et les démons
aiment ma compagnie?
Je vous ai dit que j'avais besoin
de dormir, le matin.
J'ai prié, supplié, rien n'y fait.
Alors silence!
Mikael...
Je veux que Mikael
ait une vie meilleure.
Mikael sera un grand acrobate
ou un jongleur qui réussira
le seul tour impossible.
Lequel?
Qu'une des boules s'arrête en l'air.
C'est impossible.
Pour nous, mais pas pour lui.
Toi, avec tes idées!
J'ai composé une chanson,
j'y ai pensé cette nuit
car je n'ai presque pas dormi.
Veux-tu l'entendre?
Oui, je suis curieuse.
A la Saint-Jean, une colombe
Chante si joliment Jésus-Christ
Que dans le ciel,
il est une grande joie...
Tu dors?
C'est une belle chanson.
Ce n'est pas fini.
Je vais dormir.
Chante-moi le reste après.
Tu ne fais que dormir!
Est-ce une tenue pour un acteur?
Les prêtres me paient,
alors je joue.
Tu vas jouer la Mort?
Faire peur aux braves gens!
Quand jouera-t-on?
A la fête des Saints,
sur les marches de l'église.
Pourquoi pas
quelque chose d'obscène?
Les gens préfèrent cela.
On dit qu'il court un mauvais mal.
Les prêtres spéculent
sur la mort violente
et les coliques morales.
Quel rôle joue-t-on?
Toi qui es si bête,
tu feras l'âme humaine.
Un mauvais rôle.
Qui décide?
Je suis directeur de la troupe.
"Songe, toi, à cette loi:
"Le fil de la vie est ténu
"et comptés sont tes jours."
Les femmes m'aimeront-elles
dans cet accoutrement?
- Jof?
- Oui?
Ne bouge pas. Ne dis rien.
Je suis muet comme la tombe.
Je t'aime.
Cela représente quoi?
La Danse macabre.
Et ça, c'est la Mort.
Oui, et elle danse
avec tout le monde.
Pourquoi de telles croûtes?
Pour leur rappeler la mort.
Ils n'en sont pas plus heureux.
Pour quoi faire?
II faut les effrayer un peu.
Ils ne regarderont pas ta peinture.
Une tête de mort
les intéresse plus
qu'une femme nue.
Si tu leur fais peur...
Ils vont penser...
Et avoir encore plus peur.
Et se jeter
dans les bras des prêtres.
Je m'en fiche.
Toi, tu peins.
Je dépeins la vie.
Chacun fait comme il veut.
Ils seront furieux après toi.
Alors je peins
quelque chose de drôle.
Il faut bien vivre
jusqu'à ce que la peste nous emporte.
La peste... C'est terrible.
Si tu voyais l'abcès
au cou du malade,
si tu voyais ses membres
qui se tordent de folie.
C'est abominable.
Oui, c'est abominable.
Il tente d'arracher sa tumeur.
Il se mord les mains.
Il déchire les veines de ses ongles,
ses cris s'entendent de partout.
Je t'ai fait peur?
Peur, moi?
Tu ne me connais pas.
Mais qu'as-tu peint, là?
Les gens regardent le Mal
comme une punition de Dieu.
Ils parcourent en foule le pays,
se flagellant les uns les autres
pour plaire à Dieu.
Ils se flagellent?
Oui, c'est une vue atroce
qu'on ne peut pas supporter.
Donne-moi une goutte.
Je n'ai bu que de l'eau.
J'ai une de ces soifs...
Je t'ai tout de même fait peur!
Je veux me confesser avec loyauté
mais mon coeur est vide.
Le vide est le miroir de mon visage.
Je suis pris
de dégoût et d'épouvante.
Mon mépris des hommes
m'a rejeté de leur communauté.
Je vis dans un monde de fantômes,
prisonnier de mes rêves.
Mais tu ne veux pas mourir.
Si, je le veux.
Alors qu'attends-tu?
La connaissance.
Ou des garanties.
Appelle ça comme tu veux.
Est-ce si impensable
de comprendre Dieu avec des sens?
Pourquoi se cache-t-II
derrière des promesses
à demi articulées
et des miracles invisibles?
Croire aux croyants,
si on ne croit pas!
Qu'advient-il de nous
qui voulons mais ne pouvons croire,
de ceux qui ne veulent
ni ne peuvent croire?
Pourquoi ne puis-je tuer
Dieu en moi?
Pourquoi continue-t-II de vivre
de façon douloureuse
et avilissante?
Je veux Le chasser de mon coeur.
Mais II reste une moqueuse réalité
qui me poursuit.
Tu m'entends?
Oui.
Je veux savoir. Pas croire.
Pas supposer, mais savoir.
Je veux que Dieu me tende la main,
qu'll me dévoile son visage
et qu'll me parle.
Mais II se tait.
Des ténèbres, je crie vers Lui,
mais il n'y a personne.
C'est peut-être cela.
Alors la vie
est une crainte insensée.
On ne peut vivre face à la Mort
et au néant de tout.
La plupart ne pensent
ni à la Mort ni au néant.
Et quand la fin approche,
ils voient des ténèbres.
Oui, ce jour-là.
Je comprends.
A notre crainte,
il nous faut une image.
Et cette image,
nous l'appelons Dieu.
Tu t'alarmes.
La Mort m'a visité ce matin.
Nous jouons aux échecs.
Ce délai me permet de vaquer
à une affaire importante.
Quelle affaire?
Ma vie durant,
j'ai cherché, erré, discouru.
Tout était dénué de sens.
Ççça n'a rimé à rien.
Je le dis
sans amertume ni contrition
car je sais
qu'il en est de même pour tous.
Je veux utiliser ce délai
à quelque chose
qui ait un sens.
C'est pourquoi tu joues aux échecs
avec la Mort?
C'est une habile tacticienne.
Mais je n'ai encore perdu
aucune pièce.
Comment espères-tu la déjouer?
Je jouerai
avec mon cheval et mon fou.
Mais elle n'a rien vu.
Je détruirai l'un de ses flancs.
Je m'en souviendrai.
Traîtresse!
Tu m'as trompé.
Mais nous nous reverrons.
Et je trouverai un moyen.
A l'auberge...
nous poursuivrons la partie.
Voici ma main.
J'arrive à la bouger.
Le sang coule dans mes veines.
Le soleil est toujours à son zénith.
Et moi...
Moi, Antonius Block...
je joue aux échecs avec la Mort.
Mon maître et moi
rentrons de l'étranger.
La Croisade?
Absolument.
Dix ans de Terre Sainte
à laisser les serpents nous piquer,
les fauves nous mordre,
les infidèles nous mettre en pièces,
les femmes nous couvrir de poux.
Pour la gloire de Dieu!
La gloire de Dieu.
Notre Croisade était si bête
que seul un vrai idéaliste
aurait pu l'inventer.
Ton histoire de peste
est répugnante.
Pire que ça.
Où qu'on se tourne,
on a les fesses derrière.
Les fesses derrière, soit,
c'est une vérité profonde.
Voici l'écuyer Jöns:
Il nargue la Mort,
ricane du Seigneur,
se rit de lui-même,
et sourit aux filles.
Son monde n'existe que pour lui.
Ridicule à tous, même à lui-même,
insensé dans le ciel,
indifférent à l'enfer.
A quoi servira ta soupe puante?
Celle-là a eu un commerce charnel
avec le Malin.
Et elle se retrouve là!
Elle sera brûlée demain
car il faut nous garder du Démon.
A l'aide de cette puanteur?
La recette:
Sang et fiel d'un chien noir.
Le Malin ne supporte pas l'odeur.
Moi non plus.
As-tu vu le diable?
II ne faut pas lui parler.
Est-ce si dangereux?
On dit qu'elle est responsable
de la peste.
Le destin est une canaille
Toi, mon ami, un pauvre homme
Tantôt tu frétilles
Tantôt tu rampes comme un ver.
Tiens-tu à chanter?
Ççça te surprend
que je pille les morts?
Le métier est devenu profitable.
Tu peux cancaner, mais en vain.
Chacun sauve sa peau,
tout simplement.
N'essaie pas de crier.
Personne ne t'entendra.
Ççça ne sert à rien d'être surpris.
Je te reconnais.
Tu es Raval, le séminariste.
Tu es doctor Mirabilis,
Caelestis et Diabilis.
Pas vrai?
II y a dix ans,
tu as décidé mon maître
à partir en Terre Sainte
en belle et fine croisade.
As-tu mal au ventre?
Maintenant, je comprends
le sens de ces dix années.
Nous étions trop bien,
trop contents.
Le Seigneur pour nous châtier...
t'envoya tuer le chevalier
avec ton venin céleste.
J'étais de bonne foi.
Tu as changé d'avis.
Tu es devenu voleur.
Excellente occupation
pour les misérables et les gredins!
Pas vrai?
Je ne suis pas sanguinaire.
La prochaine fois,
je te marquerai
comme les scélérats de ton espèce.
J'étais juste venu
remplir ma gourde.
Mon nom est Jöns.
Un aimable et loquace jeune homme
qui n'a que de bonnes pensées
et ne fait que de bonnes actions.
Adieu, ma belle,
j'aurais pu te violer.
Mais entre nous,
je suis las de cette forme d'amour.
Il me faudrait une gouvernante.
Tu cuisines bien?
Je nourris l'espoir
que ma femme est morte.
J'aurais besoin de toi.
Mordieu,
ne bâille pas aux corneilles!
Je ne t'ai pas sauvé la vie?
Arrêtez ça, bande d'idiots.
Je vais derrière le rideau.
Ne reste pas planté là,
imbécile!
La rosse grimpe à l'arbre et fait:
Cocorico
Le chemin est large,
la porte étroite là-haut
Le Malin danse sur le rivage
La poule miaule au fond du port
Le jour est rouge
Et le poisson est mort
Le Malin s'accroupit
Sur le rivage
Dans le ciel,
battent les ailes du serpent
La Vierge est pâle,
mais son chat est content
Le Malin se recueille sur le rivage
Le bouc grince
des deux dents ébréchées
Le vent est lourd
Et les vagues déchaînées
Le Malin
Fiente, fiente
Sur le rivage
La truie pond des oeufs
et le coq sème
La nuit est cendre,
les ténèbres épaisses
Le Malin reste
Reste sur le rivage...
Dieu nous envoie sa malédiction.
Nous allons tous mourir
de la peste noire.
Vous tous, stupide troupeau.
Et vous,
qui vous pâmez de fatuité replète.
Cela est peut-être
votre heure dernière.
La Mort est là dans votre dos.
Je vois son crâne luire au soleil.
Sa faux brille
au-dessus de vos têtes.
Qui sera le premier?
Toi, là-bas,
avec ta tête de chèvre?
Finiras-tu le jour
dans un bâillement sans fin?
Et toi, femme épanouie
à la volupté de la vie?
Te faneras-tu avant l'aube?
Toi, l'homme au nez enflé
et à la mine effarée!
Une année te reste
à souiller la terre de tes déchets!
Savez-vous, fous bornés,
que vous allez mourir?
Parce que vous êtes condamnés.
Entendez-vous le message?
Condamnés! Condamnés!
Seigneur, sois miséricordieux.
Ne te détourne pas de nous.
Prends-nous en compassion
pour l'Amour de Jésus-Christ.
Croient-ils vraiment
que des hommes modernes
prennent leur jargon de mort
au sérieux?
Tu ris de moi, maître!
J'ai lu, entendu et vécu
toutes ces légendes qu'on raconte.
Mais oui.
Et cette fable sur Dieu le Père,
le Fils et le Saint-Esprit.
J'ai tout avalé sans grand émoi.
Pourquoi cries-tu?
Je suis Plog, le forgeron,
et toi, l'écuyer Jöns.
As-tu vu ma femme?
Non, mais si je l'avais vue
et si elle te ressemblait,
je me hâterais de l'oublier.
Alors tu ne l'as pas vue?
Elle a dû s'enfuir.
Sais-tu quelque chose?
Rien sur ta femme.
Va à la taverne, on te renseignera.
La peste fait rage, les gens
meurent comme des mouches.
Sinon les affaires vont bien
à cette époque de l'année,
mais maintenant, c'est fini.
On parle du Jugement dernier.
Une femme a enfanté
d'une tête de veau.
Les gens sont déments.
Ils emportent la peste avec eux.
Si c'est comme ça, vivons joyeux
pendant qu'il est temps.
Ils se purifient par le feu
et en meurent.
C'est mieux que l'Enfer,
dit le prêtre.
Personne n'ose le dire tout haut,
mais c'est la fin.
Les gens sont fous de peur.
Toi aussi, tu as peur!
Par Satan, tu peux en être sûr!
Le Jugement dernier approche.
Les anges arrivent,
les tombes s'ouvrent.
C'est abominable à voir.
Le veux-tu? Ce n'est pas cher.
Du vrai argent.
C'est trop cher pour moi.
Avez-vous vu ma femme,
messeigneurs?
- Disparue?
- On le dit.
- Envolée?
- Avec un acteur.
Si elle a si mauvais goût,
laisse-la!
D'accord, mais je pensais la tuer.
La tuer? C'est autre chose.
Et l'acteur aussi.
L'acteur?
Celui avec qui elle a filé.
Tu comprends pas?
Ah oui, l'acteur!
II y en a trop.
Tu devrais le tuer,
rien que parce qu'il est acteur.
Tu mens au forgeron.
Je mens, moi?
Tu es acteur et c'est ton compère
qui a filé avec elle.
Tu es aussi acteur?
Moi, un acteur?
Oh, si peu...
Logiquement, on devrait te tuer.
Comme tu es drôle.
Comme tu es pâle!
- Tu n'as rien à te reprocher?
- Tu es drôle.
N'est-il pas drôle?
Tu ne trouves pas.
On devrait te marquer,
comme les scélérats de ton espèce.
Qu'as-tu fait de ma femme?
Vous me voulez du mal?
Pourquoi?
Est-ce que je gêne?
Dans ce cas, je m'en vais
pour ne plus jamais revenir.
Lève-toi, que tous t'entendent.
Parle plus fort.
Marche sur la tête,
comme un bon acteur.
Qu'as-tu fait de ma femme?
Debout et danse!
Je ne veux pas, je ne peux pas.
Fais l'ours.
Je ne peux pas.
Nous allons voir!
Sois un bon petit ours.
Je n'en ai plus la force.
Te rappelles-tu
ce que je t'ai promis?
Je tiens toujours parole.
Comment s'appelle-t-il?
Mikael.
Quel âge?
Un peu plus d'un an.
Grand pour son âge!
Tu trouves?
Oui, il est grand pour son âge.
Je vous ai vus jouer.
C'était mauvais?
Tu es plus jolie au naturel.
- Et cette robe te va mieux.
- Tu trouves?
Jonas Skat a filé,
on est dans de beaux draps.
C'était ton mari?
Jonas?
Oh non! C'est l'autre.
Il s'appelle Jof.
Ah, l'autre...
On n'est plus que deux
et on doit faire des tours.
- Vous faites des tours?
- Oui.
Jof est un bon jongleur.
Mikael sera aussi acrobate?
Jof le veut.
Pas toi?
II sera peut-être chevalier.
Ce n'est pas aussi amusant.
Tu n'as pas l'air ***.
Tu es fatigué?
- Oui.
- Pourquoi?
J'ai fâcheuse compagnie.
Ton écuyer?
Non, pas lui.
Qui, alors?
Moi-même.
Je te comprends.
Vraiment?
Oui, je comprends bien.
Pourquoi les gens
se font-ils toujours souffrir?
Qu'est-il arrivé, Jof?
Qu'est-ce que tu as fait?
Viens t'asseoir.
Que s'est-il passé?
Tu as bu à la taverne?
Pas la moindre goutte!
Tu t'es vanté de tes anges?
Les gens n'aiment pas ça.
Je n'ai pas parlé des anges.
Tu es toujours obligé de te soûler
et de jouer la comédie.
Ça irrite les gens, tu le sais bien.
Regarde ce que je t'ai acheté.
Il ne fallait pas.
Je l'ai fait quand même.
Comme ils m'ont battu!
Tu n'en as pas fait autant?
J'étais furieux.
Je rugissais comme un lion.
Ça leur a fait peur?
Non, ils rigolaient.
Comme il sent bon.
Il est lourd à porter.
Quel corps d'acrobate!
Voici Jof, mon mari.
Bonsoir.
Je disais que tu avais
un beau garçon.
Oui, il est beau.
Que peux-tu nous servir?
Rien pour moi, merci.
Des fraises sauvages
et du lait tout frais...
Nous serions honorés
de partager notre repas.
Assieds-toi, j'apporte à manger.
- Qu'allez-vous faire?
- Nous allons à la fête des Saints.
Je vous le déconseille.
Pourquoi?
La peste ravage cette région.
Les gens meurent par milliers.
On va devoir changer de programme.
Suivez-moi à travers la forêt.
Chez moi, vous serez en sûreté.
Voilà des fraises
que j'ai cueillies.
Elles sont vraiment grosses.
Sens mes fraises des bois.
Bon appé***.
Que Dieu vous bénisse!
II faut que je réfléchisse
à ta proposition.
Ce serait bien d'être accompagnés.
La forêt est pleine
de mauvais génies et de brigands.
Oui, mais il faut réfléchir.
Je suis responsable de la troupe.
Etant devenu d'un coup directeur.
"Etant devenu d'un coup directeur"!
En veux-tu?
Cet homme m'a sauvé la vie.
Viens t'asseoir pour discuter.
C'est un honneur pour l'écuyer.
Qu'il fait bon!
- Un petit moment.
- Presque toujours.
Chaque jour ressemble à l'autre,
ça n'a rien d'exceptionnel.
L'été est mieux que l'hiver
parce qu'on n'a pas froid.
Mais je préfère le printemps.
J'ai écrit un poème
sur le printemps. Ma cithare...
Pas maintenant. Ils n'aiment
peut-être pas ta poésie.
Mais si, j'en écris moi-même.
Tu vois!
C'est sur un poisson libertin,
vous ne l'avez jamais entendue.
Et vous ne l'entendrez pas non plus.
Il y en a
qui n'apprécient pas mon art.
Je suis sensible.
On se fait tant de soucis.
C'est mieux d'être deux.
Tu n'as personne?
J'avais quelqu'un.
- Que fait-elle maintenant?
- Je ne sais pas.
Comme tu as l'air grave.
C'est ta bien-aimée?
Nous étions jeunes mariés.
Nous étions jeux et rires.
Je chantais ses yeux,
son nez et ses petites oreilles.
Nous chantions, nous dansions.
Ma maison était pleine de vie.
Prends donc des fraises.
Croire fait souffrir.
C'est comme un amour
dans les ténèbres
qui ne répond jamais.
Que tout cela me paraît irréel
en votre compagnie.
Tout est devenu soudain indifférent.
Tu n'as plus l'air si grave.
Je me souviendrai
de cette heure de calme,
des fraises, du bol de lait,
et de vos visages au crépuscule.
Mikael endormi, Jof et sa cithare.
Je veux me souvenir de nos paroles
et garder ce souvenir
entre mes mains avec soin,
comme si c'était un bol
rempli de lait frais.
Cela me sera un signe
et une grande joie.
Je t'attendais.
J'ai été retenu.
Je t'ai découvert mes plans,
je bats donc en retraite.
Vas-y, c'est à toi de jouer.
Tu parais content.
C'est mon secret.
Bien sûr.
Je prends ton cheval.
Tu fais bien.
- Tu m'as trompé?
- Bien sûr.
Et tu es tombé dans le piège!
Echec au roi!
Pourquoi ris-tu?
Ne t'en soucie pas,
mais sauve ton roi.
Tu es bien sûr de toi.
Notre jeu m'amuse.
Dépêche-toi, je suis pressé.
Je comprends que tu aies à faire.
Mais il faut continuer le jeu.
Tu as pris sous ta protection
le jongleur Jof et Maria?
Et ils ont un fils.
Pourquoi le demandes-tu?
Pour rien.
Nous partons. As-tu vu Jöns?
II doit être à l'auberge.
Diantre! Mais c'est notre forgeron.
Tu pleurniches dans ta solitude?
Regarde-moi.
Humide comme un rat
sortant de l'eau.
- Toujours ta femme?
- Je ne l'ai pas trouvée.
Avec ou sans les femmes,
c'est un enfer.
Il faudrait les tuer toutes.
Toujours des querelles.
Des enfants criards et poisseux!
Des scènes!
Des coups et une belle-mère!
Et quand on veut se coucher...
ça commence.
Des larmes,
des pleurs jusqu'au ciel!
"Tu ne m'embrasses pas?"
"Tu ne chantes plus!"
"Tu ne m'aimes plus!"
"Tu ne me regardes plus!"
"Tu ronfles!"
- Bon Dieu...
- Bon Dieu?
Elle est partie, réjouis-t'en.
Je vais lui enfoncer les côtes
au marteau
et le crâne à la masse.
Je vais en faire de la bouillie.
Le voilà qui recommence!
Je l'aime peut-être.
Tu l'aimes peut-être!
Je vais te dire, gros lard,
que l'amour n'est que désir,
que désir
et tromperie, mensonges et fausseté.
Mais j'ai bien mal.
Certes, l'amour
est la plus noire des pestes.
Et l'on n'en meurt même pas.
Ça passe presque toujours.
Chez moi, ça ne passera pas.
Mais si, ça passera.
Seuls les imbéciles
peuvent mourir d'amour.
Si quelque chose est imparfait
dans ce monde imparfait,
c'est bien l'amour.
Tu es heureux,
toi qui crois
à ton propre galimatias.
Qui a dit que j'y croyais?
Mais j'aime donner des conseils.
Car je suis un érudit.
Puis-je vous suivre?
A la maison,
tout le monde rit de moi.
Promets de ne pas pleurnicher.
Petit frère!
Attention, Jöns!
II ne fait que se battre.
Il est innofensif.
Pardonne-moi de t'avoir fait mal.
Mais j'ai un sacré tempérament.
Serre-moi la main.
Dans mes bras, petit frère.
Plus ***.
Maintenant, nous sommes pressés.
Regardez.
Qui vois-je à l'orée du bois?
N'est-ce pas ma bien-aimée?
Avec son acteur!
Prends garde!
N'es-tu pas ce forgeron
qui a insulté
ma très gente Cunégonde?
Comment l'appelles-tu?
Cunégonde. Es-tu sourd aussi?
Elle s'appelle Lisa.
Lisa l'infidèle, la catin!
La cuisse-en-l'air!
Comme il est vulgaire!
Tu n'as qu'à trouver autre chose,
pâle cabotin.
Quelle vulgarité!
Espèce de bâ*** nauséabond,
si j'étais à ta place,
j'aurais tellement honte de moi
que je voudrais libérer le monde
de ma personne.
Fais attention, espèce de...
Sale vaurien!
Sale vaurien!
Je ne fais pas cas de toi.
Sinon je t'expédie aux enfers
où vous deux pourrez...
Réciter des vers.
Réciter des vers,
à rendre sourd le diable.
Bravo.
Prends garde que je ne t'étripaille.
Que je ne te rompe les os,
que tu ne puisses plus
faire de tours.
De quoi ris-tu? C'est sérieux.
Il me rappelle ce que dans le Sud,
on appelle des singes.
- Et alors?
- Rien.
Plog, mon petit Plog...
Pardonne-moi.
Bientôt, elle va pleurer.
Je vais pleurer, c'est affreux.
Si tu savais comme il m'a trompée.
Ecoute. A vrai dire...
Bientôt, ça va être le tour
de ses péchés mignons.
Chez nous, je te ferai
mon très fameux rutabaga
que tu aimes tant.
Je vais d'abord le tuer.
Oui, tue-le.
Mais fais-le proprement.
Je ne l'aime plus.
Seigneur,
pourquoi as-tu créé la femme?
Ce n'est que fausse barbe
et fausses dents.
La fausseté même, quoi!
Vas-y, tue-le.
Si tu t'attends à un plaidoyer,
tu te trompes.
Tue-moi. Je t'en remercierai...
plus ***.
Que dis-tu?
L'acteur a créé l'émotion.
Fais donc quelque chose.
Il faut qu'il se batte
ou qu'il m'irrite
pour que je le tue.
Cher ami, j'enfonce ce poignard
dans mon coeur.
Mon irréalité
passe à une solide réalité:
Celle d'un cadavre absolu.
Je ne pensais pas à mal.
Je te pardonne, Cunégonde.
Adieu, mon ami.
Prie pour moi.
Oh, mon Dieu...
Je commençais à l'estimer.
Il est on ne peut plus mort.
Jamais je n'ai vu
d'acteur aussi mort.
C'est fort triste,
mais il l'a bien voulu.
Dire que je suis marié avec ça!
Tu as retrouvé ta petite Lisa.
Tu n'es pas content?
A vrai dire, la vie est...
Tu as raison, mais n'y pense pas.
Quelle sale engeance!
Tout va bien...
Je suis un grand acteur.
Je vais grimper à l'arbre...
pour me protéger des fauves.
Demain,
j'irai rejoindre Jof et Maria.
Et nous irons à la fête des Saints.
Je vais me chanter une chanson.
Je suis un oiseau folâtre
qui trompe à volonté...
Des ouvriers dans la forêt...
Diantre, c'est mon arbre!
Dis-moi, avorton de putain!
Que fais-tu là?
Réponds, la politesse ne coûte rien.
J'abats ton arbre,
ton heure est venue.
Je n'ai pas le temps.
Tu n'as pas le temps?
J'ai ma représentation.
Elle est ajournée.
Pour cause de décès.
Et mon contrat?
Annulé.
Mais ma famille, mes enfants?
Comment? Tu n'as pas honte?
Si, j'ai honte.
N'y a-t-il pas d'exceptions
pour les gens de théâtre?
Pas dans ton cas.
Pas d'échappatoire?
La lune est sortie des nuages.
Nous verrons mieux.
Je n'aime pas la lune, ce soir.
Les arbres ne bougent pas.
Il n'y a pas de vent.
Il n'y a vraiment aucun mouvement.
C'est le silence total.
On entendrait un renard.
Ou une chouette.
Ou une voix humaine...
sauf la sienne.
Où allez-vous?
Au bûcher.
C'est vrai, la sorcière.
Pourquoi la brûler la nuit?
II y a si peu de divertissements!
Tais-toi, pour l'amour de Dieu.
Elle amène le diable avec elle.
Voilà huit hommes courageux.
Bah! On est payés.
La mission était volontaire.
M'entends-tu?
Tu as eu un commerce
avec le diable?
Pourquoi le demandes-tu?
Pour des raisons personnelles.
Je veux aussi le rencontrer.
Pourquoi?
Je veux le questionner sur Dieu.
Lui, au moins, il doit savoir.
Tu peux le voir quand tu veux.
Il te suffit de faire comme je dis.
Mets tes yeux dans mes yeux.
Eh bien? Que vois-tu? Le vois-tu?
J'y vois l'épouvante, rien d'autre.
Rien d'autre.
Personne? Rien?
Non.
Il n'est pas là derrière toi?
Non, il n'y a personne.
Il m'accompagne partout.
Si je tends la main,
je sens la sienne.
Maintenant aussi.
Le feu ne me fera rien.
Il te l'a dit?
- Je le sais.
- Il te l'a dit?
Je le sais.
Tu dois le voir.
Les prêtres
et même les soldats l'ont vu.
Ils n'osent pas me toucher.
Pourquoi avez-vous brisé ses mains?
- Ce n'est pas nous.
- Qui, alors?
Demandez-le au moine.
Qu'as-tu fait à cette enfant?
Tu ne cesses de questionner?
Je ne cesserai jamais.
Mais on ne te répond pas.
J'avais pensé tuer les soldats.
C'est inutile,
elle est presque morte.
Je vous ai mis en garde,
ne vous approchez pas d'elle.
Prends ceci et tu ne sentiras rien.
Que voit-elle? Peux-tu me le dire?
Elle n'a plus mal.
Tu ne me réponds pas!
Qui prendra soin d'elle?
Les anges, Dieu, Satan, le néant?
Le néant, messire!
II ne peut en être ainsi!
Vois ses yeux.
Sa pauvre conscience
fait une découverte:
Le néant.
Nous sommes impuissants.
Nous voyons ce qu'elle voit
et notre épouvante est la même.
Pauvre petite!
Je n'en puis plus!
ll chante si joliment Jésus-Christ
Et dans le ciel,
il est une grande joie.
L'aube poindra bientôt,
mais la chaleur dure encore.
J'ai si peur!
II va nous arriver quelque chose,
mais nous ne savons pas quoi.
Peut-être le Jugement dernier.
Le Jugement dernier...
Donnez-moi un peu d'eau.
Donnez-moi un peu d'eau.
J'ai la peste.
N'approche pas!
J'ai peur de mourir!
Je ne veux pas mourir,
je ne veux pas!
Ayez pitié de moi.
Dites au moins quelque chose!
Ççça ne sert à rien.
Ççça ne sert à rien.
Je sais que ça ne sert à rien.
Je vais mourir.
Qu'adviendra-t-il de moi?
Consolez-moi.
Ayez de la compassion.
N'y a-t-il aucun recours?
Ççça ne sert à rien.
Ççça ne sert absolument à rien.
Je te le répète: À rien.
N'entends-tu pas que je te console?
Allons-nous finir notre partie?
C'est à toi de jouer.
J'ai pris ta reine.
Cela m'a échappé.
- Je vois quelque chose d'affreux.
- Quoi donc?
Le chevalier joue
aux échecs, là-bas.
Je vois, cela n'a rien d'effrayant.
Tu vois avec qui il joue?
II est seul. Ne me fais pas peur.
Non, il n'est pas seul.
- Qui est-ce?
- La Mort.
Il joue avec la Mort en personne.
Ne dis pas cela.
Il faut fuir la Mort.
- C'est impossible.
- Essayons.
Ils sont pris par leur jeu,
ils ne remarqueront rien.
A toi, Antonius Block.
Le jeu ne t'intéresse plus?
Au contraire.
Tu as l'air inquiet.
Tu caches quelque chose.
Rien ne t'échappe.
Rien ne m'échappe.
Personne ne m'échappe.
Je suis inquiet, c'est vrai.
Tu as peur.
J'ai oublié la position.
Pas moi.
Tu ne t'en tireras pas
si facilement.
Je vois quelque chose d'intéressant.
Tu es échec et mat.
Tu as raison.
As-tu joui de ton délai?
Oui, en vérité.
J'en suis ravi.
Maintenant, je te laisse.
La prochaine fois,
le délai sera expiré
pour toi et tes amis.
Tu me révéleras tes secrets?
Je n'ai pas de secrets.
Alors tu ne sais rien?
Non, rien.
Quelle lueur étrange.
C'est l'orage qui approche.
Non, c'est quelque chose
d'épouvantable. Tu entends?
- Ça doit être la pluie.
- Non, ce n'est pas ça.
Elle nous a vus
et elle nous poursuit.
Vite, dans le chariot!
C'est l'Ange Exterminateur qui passe
et il est très grand.
Comme il fait froid!
Dès que j'ai appris
ton retour des Croisades,
j'ai décidé de rester.
Les autres ont fui la peste.
Tu ne me reconnais pas.
Toi aussi, tu as changé.
Maintenant, je vois que c'est toi.
Dans tes yeux...
je revois le garçon
maintenant renfermé et apeuré
parti il y a tant d'années.
C'est fini et je suis un peu las.
Regrettes-tu ton voyage?
Je ne regrette rien.
Mais je suis un peu las.
Je vois.
J'amène des amis.
Dis-leur d'entrer.
Je vais leur préparer le repas.
"Quand l'agneau
ouvrit le septième sceau,
"il y eut dans le ciel
"un silence
d'environ une demi-heure.
"Et les sept anges
qui avaient les sept trompettes
"s'apprêtèrent à en sonner.
"Le premier sonna de la trompette.
"Ll y eut de la grêle et du feu
mêlés de sang
"qui furent jetés sur la terre
"et le tiers de la terre fut brûlé
"et le tiers des arbres fut brûlé
"et toute herbe verte fut brûlée.
"Le second ange
sonna de la trompette
"et quelque chose comme une montagne
embrasée par le feu
"fut jeté dans la mer.
"Et le tiers de la mer
devint du sang."
II y avait quelqu'un?
Non, messire, je n'ai vu personne.
"Le troisième ange
sonna de la trompette
"et il tomba du ciel
une grande étoile
"ardente comme un flambeau
"et le nom de cette étoile
était Absinthe."
Bonjour, gentil seigneur.
Je suis Karin, l'épouse du chevalier
et vous souhaite
très courtoisement la bienvenue.
Je suis forgeron de mon métier
et j'y suis assez habile.
Ma femme Lisa.
Fais donc une révérence au seigneur.
Elle fait parfois des caprices,
mais elle n'est pas
pire que d'autres.
Des ténèbres,
nous crions vers Toi, ô Dieu.
Sois-nous miséricordieux.
Nous sommes infimes, craintifs...
Et n'avons pas la connaissance.
Des ténèbres où tu te dis être,
où nous sommes tous plongés,
il n'y a personne
pour entendre ta plainte
et s'émouvoir de tes souffrances.
Ô Dieu, Toi qui es quelque part,
qui dois être quelque part,
sois-nous miséricordieux.
J'aurais pu purger
tes soucis d'éternité
en te donnant une herbe.
Mais quel triomphe
de se sentir vivant jusqu'au bout.
Tais-toi.
Je me tais, mais en protestant.
Tout est consommé.
Je les vois.
Là-bas, sur le ciel d'orage.
Ils y sont tous:
Le forgeron et sa femme,
le chevalier, Raval, Jöns et Skat.
Et la Mort, implacable,
les invite à la danse.
Elle veut qu'ils se tiennent la main
et qu'ils forment une vaste ronde.
D'abord la Mort
avec sa faux et son sablier
et pour finir,
l'acteur avec sa cithare.
Ils s'éloignent de l'aube
dans une danse solennelle
vers les contrées ténébreuses
pendant que la pluie charitable
lave sur leurs visages
le sel amer des larmes.
Toi et tes visions!