Bien que tous les pays du monde remettent ce fait en question, les Français savent la vérité : la meilleure cuisine au monde est faite en France. La meilleure cuisine de France est à Paris. Et la meilleure cuisine de Paris serait préparée par Auguste Gusteau. CHEZ GUSTEAU Son restaurant est le plus encensé de Paris, réservé cinq mois d'avance. Sa brillante ascension au sommet a rendu ses compétiteurs jaloux. Il est le plus jeune chef à avoir reçu cinq étoiles. Le livre de cuisine de Gusteau est au sommet de la liste des meilleurs vendeurs. Mais son succès n'enchante pas tout le monde. Quel titre : Tout le monde peut cuisiner ! Anton Ego - CRITIQUE CULINAIRE "SINISTRE DÉGUSTATEUR" Ce qui est encore plus drôle, c'est que Gusteau semble y croire. Moi, par contre, je prends la cuisine au sérieux. Et non, je ne crois pas que tout le monde puisse y arriver. Me voici. De toute évidence, je dois repenser ma vie. Quel est mon problème ? Tout d'abord, je suis un rat. Ce qui signifie que j'ai la vie dure. Ensuite, mon sens du goût et de l'odorat sont très développés. Farine, œufs, sucre, gousse de vanille... Un soupçon de citron. Tu peux sentir tout ça ? Tu as un don. Voici Émile, mon frère. Il est facile à impressionner. Bon, tu peux sentir les ingrédients ? Et alors ? Voici mon père. Il n'est jamais impressionné. Il est aussi le chef de notre clan. Qu'y a-t-il de mal à avoir les sens très développés ? - Attends, attends ! Ne mange pas ça ! - Que se passe-t-il ? Cette drôle d'odeur était du poison à rat. POISON À RAT Tout à coup, papa ne trouvait plus mon talent inutile. J'étais assez fier de mon talent jusqu'à ce que papa me donne un travail. Comestible. Comestible. C'est exact. Je repérais le poison. Comexcellent. Comestibilo. Pratiquement bénie des dieux. C'est-à-dire comestible. Notre nourriture est bénie... Oubliez ça. On continue. Mon père était fier de moi. Ne te sens-tu pas mieux, Rémy ? Tu contribues à une noble cause. Noble ? On est des voleurs, papa. Et ce qu'on vole, soyons francs, ce sont des ordures. Ce n'est pas du vol si personne n'en veut. Si personne n'en veut, pourquoi le vole-t-on ? Disons qu'on a des points de vue différents. J'étais sûr d'une chose : si on est ce qu'on mange, je veux manger de bonnes choses. Mais selon mon père... On mange pour l'énergie. Si tu ne mets rien dans ton réservoir, ton moteur ne tournera pas. Tais-toi et mange tes ordures. S'il faut être des voleurs, pourquoi ne pas voler dans des cuisines, là où rien n'est empoisonné ? D'abord, on n'est pas des voleurs. Ensuite, ne t'approche pas des cuisines et des humains. C'est dangereux. Je sais que suis censé détester les humains, mais ils m'attirent. Ils ne font pas que survivre. Ils découvrent, ils créent. Regardez ce qu'ils font avec la nourriture. Comment puis-je décrire ça ? Bien manger, c'est comme goûter la musique ou sentir la couleur. On est entourés d'excellence. On n'a qu'à savoir s'arrêter et savourer. Gusteau avait raison. Oh, oui ! Oh ! C'est épatant. Chaque saveur était unique. Mais en les combinant, on créait quelque chose de nouveau. J'avais maintenant une vie secrète. Seul Émile était au courant. Hé ! Émile, Émile. J'ai trouvé un champignon. Tu caches bien la nourriture. Aide-moi à lui trouver une cachette. Il ne me comprend pas, mais je peux être moi-même avec lui. Pourquoi marches-tu comme ça ? Je ne veux pas devoir constamment me laver les pattes. Te rends-tu compte qu'on marche et qu'on mange avec nos pattes ? Penses-tu à ce qu'on se met dans la bouche ? Sans arrêt. Quand je mange, je ne veux pas que ça goûte le sol. Vas-y. Mais si papa te voit marcher comme ça, il n'aimera pas. Qu'est-ce que tu as là ? Tu as trouvé du fromage ? Et pas n'importe lequel. Une tomme de chèvre de pays ! Ça irait merveilleusement bien avec mon champignon. Et... Du romarin ! Du romarin, et peut-être un soupçon de foin d'odeur. Bon, mets ça dans la pile, et après on... Tu sais... Je ne mettrai pas ça avec les ordures. C'est spécial. Si on ne retourne pas à la colonie avant le coucher du soleil, papa... Émile ! Il y a des possibilités inédites ici. On doit cuisiner ceci. Mais la question, c'est surtout comment... Oui. La clé, c'est de tourner sans arrêt. On veut un goût de fumée bien uniforme. La tempête se rapproche. Dis, Rémy, tu ne penses pas qu'on devrait ne pas être si... Tu dois goûter à ça ! C'est... Ça a un genre... C'est brûlé, fondant... Ce n'est pas un vrai goût de fumée. C'est un certain... Un peu comme... Un goût qui fait "badaboum", tu ne trouves pas ? - Comment décrirais-tu cette saveur ? - Un goût d'éclair ? Oui ! Ça a un goût d'éclair ! Il faut qu'on le refasse. À la prochaine tempête, on montera sur le toit... Je sais ce qui manque. Du safran. Du safran pour la touche finale. Du safran. Pourquoi ai-je le pressentiment - que c'est dans la cuisine ? - La cuisine. - Du safran. - Mauvaise idée. Du safran. Je n'aime pas ça. Elle va se réveiller. Je suis venu un million de fois. Elle s'endort devant son émission de cuisine et ne se réveille pas. Tu es venu ici un million de fois ? Je te le dis, il faut du safran. Gusteau ne jure que par ça. Qui c'est, Gusteau ? Le plus grand chef au monde. Il a écrit ce livre de recettes. Attends. Tu lis des livres ? - Juste un peu. - Papa le sait-il ? On pourrait écrire des tas de livres sur ce que papa ignore. On en a écrit, c'est pour ça que je lis. C'est aussi notre secret. Je n'aime pas les secrets. Cuisiner, lire et regarder la télé pendant qu'on cuisine et qu'on lit. C'est comme si je te laissais m'impliquer dans un crime. Pourquoi je te laisse faire ? Pourquoi les jeunes mettent-ils si longtemps ? Du safran de L'Aquila. Italien. Hein ? Gusteau dit qu'il est excellent. Heureusement que cette vieille aime... Oubliez la magie. Il est question de cuisine. C'est Gusteau. Regarde, Émile. La bonne cuisine n'est pas pour les cœurs sensibles. Vous devez être inventif et avoir du cœur au ventre. Essayer des choses qui rateront peut-être. Et ne laisser personne définir vos limites en fonction d'où vous venez. Votre seule limite est votre âme. C'est vrai. N'importe qui peut cuisiner. Mais les génies n'ont peur de rien. C'est de la poésie. Mais ça n'allait pas durer. Le restaurant de Gusteau perdit une de ses cinq étoiles à cause du jugement cinglant du critique gastronomique Anton Ego. Ce fut un dur coup pour Gusteau, et le cœur brisé, le chef mourut peu de temps après, ce qui, selon la tradition, signifiait la perte d'une autre étoile. Gusteau est mort ? Sauve-toi ! Non, tu la mèneras à la colonie ! - À l'aide, Rémy ! - Émile ! Fais balancer le lustre ! J'essaierai de t'attraper. Émile, balance-toi vers moi. Évacuez ! Aux canots de sauvetage ! - Laissez-moi passer ! - Le livre. Excusez-moi. Dégagez. Allez-y, allez-y. Courez, courez. Soulevez le pont ! Allez ! Hé ! Johnny ! Vite ! Poussez. Allez. Accrochez-vous ! - Prends le bébé. Tiens ! - Donne-moi la patte. Attendez-moi ! Tout le monde est là ? On a tout le monde ? - Une minute. Où est Rémy ? - Juste ici. J'arrive. J'arrive ! Accroche-toi, fiston. Donnez-lui de quoi s'accrocher. Allez, nage, fiston. Étire-toi. Tu peux le faire. - Rémy ! - Papa ! Allez. Tu peux y arriver. Tu peux y arriver. Attendez, les amis. Arrêtez ! Allez, Rémy. Rame. Attendez ! Attendez-moi. Papa ? Papa ? De quel côté aller ? J'ai attendu un bruit, une voix, un signe, quelque chose. La cuisine du chef Gusteau Si tu as faim, monte chercher à manger, Rémy. Pourquoi attends-tu en boudant ? Eh bien, j'ai perdu ma famille et tous mes amis, probablement à jamais. - Comment le sais-tu ? - Eh bien, je... Tu es une illustration. Pourquoi est-ce que je te parle ? Tu viens de perdre ta famille et tes amis. Tu te sens seul. Oui. Eh bien, tu es mort. Mais ce n'est rien comparé à l'imagination. Si tu penses à ce que tu as perdu, tu ne verras jamais ce qu'il y a devant toi. Maintenant, monte chercher à manger. Du champagne ! Que fais-tu ? J'ai faim. Je ne sais pas où je suis, et j'ignore quand je trouverai à manger. Rémy, tu vaux mieux que ça. Tu es cuisinier. Un cuisinier crée. Un voleur détruit. Tu n'es pas un voleur. Mais j'ai faim. La nourriture viendra, Rémy. La nourriture vient toujours à ceux qui aiment cuisiner. - Crois-tu que je blague ? - Tu n'oserais pas. Paris ? Tout ce temps, j'étais sous Paris ? Ouah ! C'est superbe. Je ne connais rien d'aussi beau. Chez Gusteau ? Ton restaurant ? Tu m'as mené à ton restaurant. On dirait bien. Oui. Le voilà. Je t'y ai mené. Je dois voir ça. - C'est prêt pour la table sept. - J'arrive. - Un brochet à la vapeur. - Ça s'en vient. D'autres bols à soupe, s'il vous plaît. Deux carrés d'agneau. D'autres poireaux. Il me faut deux saumons, trois salades composées et trois filets. Trois portions de salade composée. Deux portions de saumon grillé. Trois filets en préparation. Il me faut des assiettes. - On allume la sept. - Trois salades composées prêtes. Ne touche pas à ma mise en place. Une porte ouverte. Je ne fournis plus. Bonjour, chef Skinner. Comment se passe la soirée ? - Bonjour, chef. - Bonjour, chef Skinner. - Bonsoir, chef. - On commande deux filets. Regardez qui est ici, patron. Alfredo Linguini, le fils de Renata. - Bonjour. - Tu as grandi. Tu te souviens de Renata, l'ancienne flamme de Gusteau. - Oui. Comment ça va... - Linguini. Oui, Linguini. C'est gentil de nous rendre visite. Comment va... - Ma mère ? - Renata. - Oui, Renata. Comment va-t-elle ? - Bien. Eh bien, pas... Elle a déjà été mieux. Je veux dire... Elle est morte. Je suis désolé. Ne vous en faites pas. Elle croyait au paradis, tout est arrangé. Pour sa vie dans l'au-delà, je veux dire. - Qu'est-ce que c'est ? - Elle a laissé ça pour vous. Elle espérait que ça m'aiderait à trouver du travail ici. Mais bien sûr. Gusteau n'hésiterait pas. Le fils de Renata est... On peut garder ça, et si un poste convenable se libère... On l'a déjà embauché. Quoi ? Comment oses-tu embaucher quelqu'un sans... Comme préposé aux poubelles. Oh ! Les poubelles. Eh bien... Je suis content que ce soit réglé. Je n'arrive pas à y croire. Je regarde une vraie cuisine de restaurant gastronomique. Tu as lu mon livre. Voyons ce que tu sais. Lequel est le chef ? - Oh ! Ce gars-là. - Très bien. Qui est son second ? Le sous-chef. Là. Le sous-chef est responsable en l'absence du chef. Le saucier, responsable des sauces. Très important. Chef de partie, demi-chef de partie, importants tous les deux. Les commis sont des cuisiniers. Très importants. Tu es un rat brillant. À présent, qui c'est, lui ? Lui ? Ce n'est personne. Pas personne. Il travaille dans la cuisine. C'est un plongeur, quelque chose comme ça. Lave la vaisselle, sort les poubelles. Pas un cuisinier. - Il pourrait le devenir. - Non. Comment sais-tu ? Qu'est-ce que je dis toujours ? Tout le monde peut cuisiner. Ça ne veut pas dire que tout le monde devrait. Ça ne l'arrête pas. Tu vois ? Que fait-il ? Non. Non ! Non, c'est terrible ! Il gâche la soupe. Et personne ne remarque ? C'est ton restaurant. Fais quelque chose. Que puis-je faire ? Je suis une invention de ton imagination. Mais il gâche la soupe ! Il faut dire à quelqu'un qu'il... La commande de la table cinq est prête. - Ça s'en vient. - Je m'en occupe. Chaud ! Le four est ouvert ! Je te contourne. Oui, chef. Un filet mignon, trois agneaux, deux canards. Des soufflés pour la table six, ja. - Cinq minutes, chef. - Seigneur. Ce soir, j'aimerais présenter le foie gras. Le fini est merveilleux. C'est prêt pour la table sept. Allez ! On y va ! Oui, chef. Rémy ! Qu'est-ce que tu attends ? Vas-tu en faire une habitude ? Tu sais comment réparer ça. Voici ta chance. La soupe ! Où est la soupe ? Hors de mon chemin. Dégage, le plongeur ! Tu cuisines ? Comment oses-tu cuisiner dans ma cuisine ? Où as-tu trouvé le culot de faire quelque chose d'aussi incroyablement idiot ? Je te ferai écarteler ! Je le ferai. Je crois que la loi est de mon côté. Larousse, écartèle cet homme après l'avoir mis dans la presse à canard pour en extraire le gras. - De quoi parles-tu ? - La soupe ! La soupe ? Arrêtez cette soupe ! Serveur. Linguini ! Tu es renvoyé ! R-E-N-V-O-Y-É ! Renvoyé ! Elle veut voir le chef. Mais il... - Qu'a dit le client ? - C'était un critique, pas un client. - Ego ? - Solène LeClaire. - LeClaire ? Qu'a-t-elle dit ? - Elle aime la soupe. - Attends. - Comment ça, "attends" ? C'est à cause de toi que je suis dans le pétrin. On s'informe de ta soupe. À quoi joues-tu ? Suis-je toujours renvoyé ? - Tu ne peux pas le renvoyer. - Quoi ? LeClaire aime ta soupe, oui ? Elle veut que tu le saches. Si elle écrit une critique et apprend que tu as renvoyé le cuisinier... - C'est un plongeur. - Qui a préparé un truc qu'elle aime. Comment honorer le nom de Gusteau si on ne respecte pas ses convictions profondes ? Quelles convictions, Mlle Tatou ? Tout le monde peut cuisiner. J'ai peut-être été un peu dur avec notre nouveau plongeur. Il a pris un grand risque et on devrait le récompenser comme le chef Gusteau l'aurait fait. S'il souhaite nager dans des eaux dangereuses, qui sommes-nous pour l'en empêcher ? - Tu allais t'enfuir ? - Oui. Puisque tu t'intéresses tant à sa carrière de cuisinier, tu en seras responsable. Quelqu'un d'autre ? Retournez au travail. Tu es soit très chanceux, soit très malchanceux. Tu referas cette soupe, et cette fois, je t'observerai. De très près. Ils te prennent pour un cuisinier. Mais sais-tu ce que je pense ? Je crois que tu es un misérable et sournois petit... Un rat ! - Un rat ! - Attrapez-le. Linguini. Va chercher de quoi l'attraper. Il s'échappe. Attrape-le, attrape-le. - Que devrais-je faire ? - Tue-le. - Tout de suite ? - Pas dans la cuisine. Es-tu fou ? Sais-tu ce qui nous arriverait si on apprenait qu'il y a un rat dans la cuisine ? On nous forcerait à fermer. Notre réputation ne tient déjà qu'à un fil. Emporte-le loin d'ici. Loin. Tue-le. Débarrasse-t'en. Allez ! Ne me regarde pas comme ça ! Il n'y a pas que toi de pris au piège. Ils veulent que je la prépare à nouveau ! Je ne suis pas ambitieux. Je n'essayais pas de cuisiner. J'essayais de ne pas me mettre dans le pétrin. C'est toi qui t'énervais avec les épices ! Qu'as-tu mis là-dedans ? De l'origan ? Non ? Quoi ? Du romarin ? C'est une épice, pas vrai ? Le romarin ? Tu n'as pas mis du romarin là-dedans ? Alors, qu'est-ce qu'on a renversé et lancé... J'ai besoin de cet emploi. J'en ai tant perdu. Je ne sais pas cuisiner, et je parle à un rat comme si tu... As-tu fait oui de la tête ? Faisais-tu oui de la tête ? Tu me comprends ? Donc, je ne suis pas fou ! Attends un peu. Attends un peu. Je ne sais pas cuisiner, pas vrai ? Mais toi... Tu le peux, c'est ça ? Ne sois pas si modeste. Tu es un rat, bonté divine. Peu importe ce que tu as fait, ils ont aimé. Oui. Ça pourrait fonctionner. Ils ont aimé la soupe ! Ils ont aimé la soupe. Pourrais-tu la refaire ? Bon, je vais te laisser sortir. Mais on travaille ensemble, d'accord ? D'accord. On y est. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est, tu sais... Pas grand-chose. Ça pourrait être pire. C'est chauffé et éclairé, avec un sofa et une télé. Ce qui est à moi est à toi. Es-tu... Est-ce un rêve ? Le plus beau rêve qui soit. Un qu'on peut partager. Mais pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi pas ici ? Pourquoi pas maintenant ? Quel meilleur endroit pour rêver que Paris ? Bonjour, petit chef. Lève-toi et... Oh, non ! Imbécile ! Je le savais ! J'ai invité un rat en disant que ce qui est à moi est à lui. Les œufs, partis ! Idiot ! Il a volé ma nourriture et est parti ! J'aurais dû m'en douter. C'est ma récompense pour avoir fait confiance... Bonjour. C'est pour moi ? C'est bon. Qu'as-tu mis dedans ? Où as-tu trouvé ça ? C'est délicieux. Mais ne vole pas. J'achèterai des épices, d'accord ? Oh, non ! On va être en retard. Et c'est la première journée ! Viens, petit chef ! "Quoique, comme bien d'autres, j'aie jugé "que Gusteau n'avait plus sa raison d'être depuis la mort du chef, "la soupe fut une révélation, à la fois épicée et subtile." - Solène LeClaire ? - Oui ! "Contre toute attente, Gusteau a regagné notre attention. "Seul le temps dira si elle est méritée." Eh bien... Vous savez. C'est stupide et bizarre, mais on ne réussira pas séparément, alors on doit le faire ensemble, compris ? Es-tu avec moi ? Allons-y, alors ! Je... Bienvenue en enfer. Maintenant, refais cette soupe. Prends le temps qu'il faut. Toute la semaine si nécessaire. La soupe. Espèce de petit... Mon enfant de... Tu as... Ça ne fonctionnera pas, petit chef ! Je vais perdre la tête si ça continue comme ça. Il faut trouver autre chose. Pas de morsures ni de pincements, pas de course sur mon corps avec tes pattes de rat. Les morsures ! Non ! Le trottinement ! Non ! Pas de trottinement ni de galopade, compris, petit chef ? Petit chef ? Ah ! Tu as faim. Bon, réfléchissons. Tu sais cuisiner, et je sais comment avoir l'air humain. Il faut trouver le moyen que je fasse ce que tu veux sans qu'on voie que je suis contrôlé par un petit chef rat. M'avez-vous entendu ? Je suis fou ! Je parle de cuisine à un rat dans un réfrigérateur de restaurant. - Je n'y arriverai pas ! - Linguini ? On doit communiquer. Je ne peux pas constamment regarder si tu me fais oui ou non de la tête... Le rat ! Je l'ai vu ! - Un rat ? - Oui, un rat. Juste à côté de toi. Que fais-tu ici ? Je me familiarise avec les légumes et tout ça. Sors d'ici. Trop se familiariser avec les légumes, c'est possible, tu sais ! Il était moins une. Ça va, là-haut ? Comment as-tu fait ça ? C'est bizarrement involontaire ! En un regard, j'ai su qu'on avait la même idée folle. D'accord. Où m'emmènes-tu ? Attends. Attends. Je suis désolé. D'accord. D'accord. C'est bon. Ça devrait faire l'affaire. Félicitations. Tu as recréé ta réussite accidentelle. Mais il te faudra plus que de la soupe pour survivre dans ma cuisine, petit. Colette sera responsable de t'enseigner notre façon de faire. Écoute, je veux que tu saches que je suis honoré d'étudier avec une telle... Non ! Toi, écoute. Je veux que tu saches à qui tu as affaire. Combien de femmes vois-tu ici ? Eh bien, je... - Juste moi. Pourquoi, crois-tu ? - Eh bien, je... La cuisine gastronomique, c'est une hiérarchie fondée sur des règles écrites par de stupides vieillards. Des règles qui empêchent les femmes de pénétrer ce monde. Mais je suis ici. Comment est-ce arrivé ? Eh bien, parce que tu... Je suis la cuisinière la plus exigeante ici. J'ai trimé dur pour en arriver là. Je ne risquerai rien pour un plongeur qui a eu de la chance. Compris ? Ouah ! Facile à cuisiner, facile à manger. Avec Gusteau, la cuisine chinoise, ce n'est plus du chinois. POCHETTES IMPÉRIALES POUR MICRO-ONDES GUSTEAU - Excellent travail, François. - C'est bon, non ? Prépare une campagne pour mes nouveaux aliments surgelés : les saucisses sur bâton Gusteau. Des saucisses sur bâton miniatures. De petites bouchées. Des saucisses sur bâton ? Des saucisses trempées dans la pâte et frites. C'est américain. Prépare quelque chose. Gusteau en salopettes avec un chapeau Huckleberry Tom ? Ou habillé en épi de maïs et maquillé en chien. Oui. Mais avec dignité, s'il te plaît. LE CHEF GUSTEAU Faites venir mon avocat ! Le testament stipule que si dans les deux ans suivant la date du décès, aucun héritier ne se présente, les intérêts commerciaux de Gusteau passeront à son sous-chef. Vous. Je sais ce que le testament stipule. Je veux savoir si cette lettre... Si ce garçon y change quelque chose ! Il y a peu de ressemblance. Il n'y en a aucune. Ce n'est pas le fils de Gusteau. Gusteau n'avait pas d'enfants. Et que dire du moment de sa venue ? La date prévue par le testament est dans moins d'un mois ! Soudain, un garçon arrive portant une lettre de sa mère, morte récemment, prétendant qu'il est le fils de Gusteau ? C'est très louche ! - C'était à Gusteau ? - Oui, oui, oui. - Puis-je ? - Bien sûr. Mais le garçon l'ignore. Elle affirme ne jamais lui avoir dit, ni à Gusteau, et demande mon silence. - Pourquoi vous ? Que veut-elle ? - Un emploi pour le garçon. - Seulement un emploi ? - Eh bien, oui. Qu'est-ce qui vous inquiète, alors ? S'il travaille ici, vous le surveillerez pendant que je fais mes recherches. Découvrons ce qui est vrai là-dedans. J'aurai besoin d'échantillons d'A.D.N. Du garçon. Des cheveux, peut-être. Écoutez-moi bien. Tout ça, c'est très louche. Il sait quelque chose. Du calme, c'est un plongeur. Vous pouvez le maîtriser. Que fais-tu ? Je coupe des légumes. Je coupe des légumes ? Tu gaspilles ton énergie et ton temps ! Tu crois que cuisiner, c'est mignon, comme maman à la cuisine ? Maman n'a jamais affronté les commandes qui débordent, les plats différents, complexes, au temps de cuisson variable, mais qui doivent arriver ensemble à table, chauds et parfaits ! Chaque seconde compte, et tu n'es pas ta mère ! Qu'est-ce que c'est ? Garde ton poste propre ! Qu'arrivera-t-il à l'heure de pointe ? Un poste en désordre te ralentit. Les plats ne sont pas prêts, ça s'accumule. Horreur. Je vais t'aider à t'en souvenir. Garde ton poste propre, sinon je te tuerai ! On dirait que tu as vomi sur tes manches. Garde les mains et les bras près du corps. Comme ça, tu vois ? Reviens à cette position. On bouge vite ici. Des ustensiles, du métal chaud, protège tes bras. Tu t'éviteras des coupures et des brûlures et resteras propre. La marque d'un chef : tablier sale, manches propres. Je connais bien le style de Gusteau. Le chef Gusteau ajoute une touche inattendue à tout. Je te montrerai. Je mémorise toutes ses recettes. - Toujours une touche inattendue. - Non. Suis la recette. - Mais tu viens de dire que... - Non, non, non. C'était son travail de surprendre. Notre travail, c'est de... - Suivre ses recettes. ...suivre la recette. Comment savoir si le pain est bon sans le goûter ? Pas à l'odeur ni à l'apparence, mais au son de la croûte. Écoute. Une symphonie de craquements. Seul le bon pain fait ce son-là. Pour avoir les meilleurs légumes, il faut choisir le premier. Il n'y a que deux façons de réussir ça. Les faire pousser soi-même ou soudoyer un maraîcher. Voilà ! Le meilleur restaurant choisit le premier. On dit que la gastronomie, c'est snob. Donc, le chef doit aussi être un snob. Mais c'est faux. Lalo s'est enfui de chez lui à 12 ans. Il a été engagé comme acrobate par un cirque. Puis on l'a renvoyé pour son aventure avec la fille du maître de cérémonie. - Horst a fait de la prison. - Pourquoi ? On ne sait pas trop. Il change constamment son histoire. J'ai escroqué une grande entreprise. J'ai cambriolé la seconde plus grande banque de France avec un stylo. J'ai percé la couche d'ozone au-dessus d'Avignon. J'ai tué un homme avec ce pouce. Ne joue jamais aux cartes avec Pompidou. Il a été banni de Las Vegas et de Monte Carlo. - Larousse appuyait la Résistance. - Quelle résistance ? Il ne veut pas le dire. Apparemment, ils n'ont pas gagné. Donc, tu vois. On est des artistes, des pirates. On est plus que des cuisiniers. - "On" ? - Oui. Tu es des nôtres à présent. En passant, merci pour tes conseils en cuisine. - Merci à toi aussi. - Pourquoi ? Le rat ! - Mais c'est un... - J'ai échappé mes clés. Avez-vous décidé pour ce soir ? - Votre soupe est excellente, mais... - On la commande chaque fois. - Qu'avez-vous d'autre ? - Le foie gras est très bon. Je connais votre foie gras. Votre classique. Vous étiez réputé pour ça. Le chef a-t-il des nouveautés ? - Quelqu'un veut du nouveau ! - Du nouveau ? Je leur dis quoi ? - Qu'as-tu dit ? - Que je demanderais ! De quoi tu parles ? - Ils veulent du nouveau. - Je dis quoi ? - Qu'as-tu dit ? - Que je demanderais ! C'est simple. Trouve une vieille recette de Gusteau qu'on n'a pas faite depuis longtemps... Ils connaissent les vieilles recettes. Ils aiment la soupe de Linguini. Ils veulent que Linguini cuisine pour eux ? Sa soupe est appréciée, c'est tout ce qu'on dit. Disait-on ça ? Très bien. S'ils veulent Linguini, dis-leur que le chef Linguini leur a préparé quelque chose de spécial. Quelque chose qui n'est pas sur le menu. Et n'oublie pas d'ajouter - que c'est propre à Linguini. - Oui, chef. Voici ta chance d'essayer une chose digne de ton talent, Linguini. Un classique oublié du chef, le ris de veau à la Gusteau. - Colette t'aidera. - Oui, chef. Dépêche-toi. Nos clients ont faim. Es-tu certain ? Cette recette était un désastre. Gusteau l'avait dit lui-même. C'est un bon défi pour un chef débutant. "Ris de veau à la Gusteau. "Ris de veau cuits dans une croûte aux algues salée "avec tentacule de seiche, purée de rose sauvage, "œuf de panope, champignon blanc séché ? "Sauce réglisse et anchois." Je ne connais pas cette recette, mais elle est de Gusteau, alors... Lalo ! On a de l'estomac de veau qui trempe, oui ? Oui ! L'estomac de veau, j'y vais. De l'estomac de veau ? D'accord. Je reviens. Hé ! Je dois... Ne faites pas attention à moi. Je dois emprunter ça un moment. Voyons voir, par ici... Je reviens. Merci. Excusez-moi. Je vais... Il semble que j'aie besoin de ceci. Je serai... Je vais ramasser ça. J'ai des épices. D'accord. Tu fais quoi ? Tu es censé préparer la recette de Gusteau. C'est la recette. Elle ne contient pas d'huile de truffe blanche ! Qu'as-tu d'autre... Tu improvises ? Pas le temps d'expérimenter. Les clients attendent. Tu as raison. Je devrais t'écouter ! - Arrête ! - Arrêter quoi ? De me stresser ! Peu importe ce que tu fais, arrête. - Où est la commande spéciale ? - Elle arrive ! - On devait travailler ensemble. - On le fait. - Alors, que fais-tu ? - C'est difficile à expliquer. - Le spécial ? - Viens le chercher ! Attends, attends. J'ai oublié la sauce réglisse et anchois. - N'ose pas. - Je ne ferai pas ça. Je... Désolé. La recette de Linguini est-elle prête ? Mauvaise comme dans nos souvenirs. Elle vient de sortir. - Y as-tu goûté ? - Oui, bien sûr. Avant qu'il la change. Bien. Quoi ? Comment a-t-il pu la changer ? Il l'a changée comme l'assiette sortait ! Ils adorent ! D'autres clients s'informent sur le plat et sur Linguini. J'ai sept autres commandes ! C'est merveilleux. J'en veux. Spécial ris de veau - Spécial - Linguini Commande spéciale ! Qu'est-ce que c'est ? Commande spéciale ! Commande spéciale ! À Linguini. - Félicitations, M. Linguini. - Santé, ja ? Buvez, il y en a beaucoup. Repose-toi, petit chef. Sors prendre l'air. On a vraiment réussi ce soir. J'ai ton chapeau. Mais sérieusement. J'aimerais qu'on discute, Linguini, dans mon bureau. - Ai-je des ennuis ? - Des ennuis ? Non. Un peu de vin, une discussion amicale. Juste entre cuisiniers. Le plongeur ne te demandera plus de conseils, hein, Colette ? Il a tout ce qu'il lui faut. Tu célèbres ton succès, Linguini ? Tant mieux. Je l'ai pris pour être poli. Je ne bois pas vraiment, tu sais. Bien sûr que non. Je ne boirais pas ça non plus. Mais il faudrait que tu sois le dernier des idiots pour ne pas apprécier ce Château Latour 1961. Et toi, M. Linguini, tu n'es pas un idiot. Buvons à ta non-idiotie. - Rémy ! - Émile ? Je n'y crois pas ! Tu es vivant ! - Tu es le meilleur ! - Je pensais ne jamais vous revoir ! On croyait que tu t'étais noyé. Qu'est-ce que tu manges ? Je ne sais pas trop. Je crois que ça a déjà été un emballage. Quoi ? Non. Tu es à Paris, à présent. Ma ville. Pas question que mon frère mange des déchets dans ma ville. Rémy ! Tu voles ? Tu as dit à Linguini de te faire confiance. - C'est pour mon frère. - Mais il pourrait perdre son emploi. Alors, je perdrais le mien aussi. Je maîtrise la situation. - Encore du vin ? - Je ne devrais pas, mais... D'accord. Où as-tu été formé, Linguini ? Formé ? Bon. T'attends-tu à ce que je croie que tu cuisines pour la première fois ? - Non. - Je le savais ! C'est ma... Deuxième, troisième, quatrième... Cinquième fois. Lundi, c'était ma première fois. Mais j'avais souvent sorti les poubelles avant ça... Oui, oui. Prends encore du vin. Parle-moi de tes intérêts, Linguini. - Aimes-tu les animaux ? - Les animaux ? De quel genre ? L'habituel, les chiens, les chats, les chevaux, les cochons d'Inde, les rats. Je t'ai apporté quelque chose à... Non, non, non ! Crache ça immédiatement ! Je dois t'enseigner à propos de la nourriture. Ferme les yeux. Prends une bouchée de... Non, non, non ! - N'avale pas tout rond ! - Trop ***. Tiens. Mastique lentement. Pense seulement au goût. - Tu vois ? - Pas vraiment. C'est crémeux, salé, sucré, avec un petit goût de noix. - Le goûtes-tu ? - Oh ! La noix, tout à fait. Ferme les yeux. À présent, goûte à ceci. Complètement différent, non ? Doux, croustillant, légèrement piquant. - D'accord. - Maintenant, essaie-les ensemble. D'accord. Je crois que je comprends. - C'est peut-être la noix. - Tu vois ? - Ou le piquant. - C'est ça. Imagine tous les bons goûts du monde réunis en des combinaisons infinies. Des saveurs inédites ! Des découvertes à faire ! Je pense... - Je ne te suis plus. - Ouais. Mais c'était intéressant. Les ordures les plus intéressantes... Qu'est-ce qu'on fait ? Papa ignore que tu es vivant. Allons à la colonie ! Quelle surprise pour tous ! - Oui ! Mais... - Quoi ? C'est que je dois... C'est plus important que la famille ? Qu'y a-t-il de plus important ? Eh bien, je... Ça ne ferait pas de mal de rendre visite. - As-tu déjà eu un rat ? - Non. - Travaillé avec des rats de labo ? - Non. - As-tu déjà vécu dans la misère ? - Non, pas du tout. Tu connais les rats ! Tu le sais ! Tu le sais, le sais, les rats. Scélérat. - Pourquoi appelle-t-on ça ainsi ? - Quoi ? La ratatouille ? C'est un ragoût, non ? Pourquoi appelle-t-on ça comme ça ? Quand on nomme un aliment, on devrait lui donner un nom appétissant. Ratatouille, ce n'est pas appétissant. C'est comme touiller des rats. Touiller des rats. Ce n'est pas appétissant. Malheureusement, on n'a plus de vin. Mon fils est revenu ! Te trouver un remplaçant pour sentir le poison fut un désastre. Rien n'était empoisonné, Dieu merci, mais ça a été difficile. - Tu n'as pas facilité les choses. - Je sais. Excuse-moi, papa. L'important, c'est que tu es revenu à la maison. - Oui, à ce propos... - Tu as maigri. Pourquoi ? Pas assez de nourriture ou trop de snobisme ? C'est dur d'être tout seul dans le grand monde, pas vrai ? Oui, mais je ne suis plus un enfant. - Salut mon gars, ça va ? - Je peux me débrouiller. J'ai trouvé un petit coin pas trop loin. Je vous rendrai souvent visite. Rien comme une bonne dose de réalité pour te... - Nous rendre visite ? - Oui. C'est promis. - Tu ne restes pas ? - Non. Ce n'est rien, papa, j'ai juste... Tu ne croyais pas que je resterais à jamais, j'espère ? L'oiseau doit bien finir par quitter le nid. On n'est pas des oiseaux. On est des rats. On ne quitte pas le nid. On en bâ*** un plus gros. - Je suis différent. - Tu n'es peut-être pas un rat du tout. C'est peut-être bien. Le groupe joue bien ce soir, non ? Les rats. Tout ce qu'on fait, c'est voler, papa. J'en ai assez de voler. Je veux créer. Je veux apporter quelque chose au monde. - Tu parles comme un humain. - Ils ne sont pas si mal. - Qu'est-ce qui te rend si certain ? - Oh là là ! J'ai eu l'occasion de les observer d'assez près. - Ah oui ? Près comment ? - Assez près. Et ils ne sont pas aussi mauvais que tu le dis. Viens avec moi. Je veux te montrer quelque chose. Tu sais, je vais rester ici. Assure-toi que les planchers et comptoirs sont propres en partant. Attends. Tu veux que je reste pour nettoyer ? Ça te pose problème ? - Non. - Bon garçon. À demain. On y est. POISON À RAT Jettes-y un bon coup d'œil, Rémy. Voici ce qui arrive quand un rat devient trop à l'aise en compagnie d'humains. Le monde appartient à nos ennemis. MORT INSTANTANÉE POISON À RAT MORT-AUX-RATS POUR LA MAISON ET LE JARDIN On doit être prudents. On protège nos semblables, Rémy. Au bout du compte, tout ce qu'on a, c'est la famille. - Non. - Quoi ? Non, papa, je n'y crois pas. Tu me dis que l'avenir... Peut seulement être la même chose que ça ? C'est comme ça. On ne change pas la nature. Le changement, c'est la nature. La partie qu'on peut influencer. Et ça commence quand on le décide. - Où vas-tu ? - Avec un peu de chance, de l'avant. Hé ! Oui. Arrête. Bonjour. Bonjour. Donc, le chef t'a invité à boire un verre ? C'est quelque chose. C'est quelque chose. Qu'a-t-il dit ? Quoi ? Quoi, tu ne peux pas me le dire ? Excuse mes questions sur ta relation intime avec le chef. Je vois ce que c'est. Tu me convaincs de te montrer quelques trucs de cuisine pour impressionner le patron, puis tu prends ma place ? Réveille-toi. Réveille-toi. Je te croyais différent. Je croyais que tu croyais que j'étais différente. Je croyais... Je n'étais pas obligée de t'aider ! Si je ne me préoccupais que de moi, je t'aurais laissé couler. Mais je voulais que tu réussisses. Je t'aimais bien. Mon erreur. Colette. Attends, attends. Colette ! C'est fini, petit chef. Je ne peux plus faire ça. Colette ! Attends ! Ne pars pas avec ta moto ! Je ne suis pas doué pour parler ni pour cuisiner. Du moins, pas sans ton aide. Je dé*** la fausse modestie. Ce n'est qu'une autre façon de mentir. - Tu as du talent. - C'est faux ! Ce n'est pas moi. Quand j'ai ajouté un ingrédient de plus au lieu de suivre la recette comme tu voulais, ce n'était pas moi non plus. - Que veux-tu dire ? - Je n'aurais pas fait ça. J'aurais suivi la recette. J'aurais suivi tes conseils. Jusqu'au bout du monde, même. - Parce que j'aime tes conseils. - Mais... Mais je... Ne fais pas ça. J'ai un secret. C'est un peu troublant. - J'ai un... - Quoi ? Tu... - J'ai un... - Tu as une démangeaison ? Non, non, non. J'ai un... Un tout petit... Petit... - Un petit chef qui me dit quoi faire. - Un petit chef ? Oui. Oui. Il est... - Il est là-haut. - Dans ton cerveau ? Pourquoi est-ce si difficile de te parler ? Bon, allons-y. Tu m'inspires. Je vais tout risquer. Je vais risquer de passer pour le pire fou imbécile que tu aies vu. Veux-tu savoir pourquoi j'apprends si vite ? Veux-tu savoir pourquoi je cuisine bien ? Ne ris pas ! Je vais te le montrer ! Non ! Non ! - Qu'y a-t-il, Ambrister ? - Chez Gusteau. - Ils vont enfin fermer ? - Non. - Encore des ennuis financiers ? - Non, c'est... Une nouvelle gamme de rouleaux impériaux surgelés ? Quoi ? Quoi ? Crache le morceau. Le restaurant est de nouveau populaire. - Je n'y suis pas allé depuis des ans. - Non, monsieur. Ma critique l'a condamné - à servir les touristes. - Oui. J'ai dit : "Gusteau a enfin trouvé sa place dans l'histoire "aux côtés d'un autre célèbre chef, "monsieur Boyardee." Touché. C'était tout ce que j'avais à dire. C'était mon dernier mot. - Le dernier mot. - Oui. Alors, dis-moi, Ambrister, comment peut-il être populaire ? Non, non, non, non ! L'A.D.N. Correspond, le moment est bon, tout est légitime. C'est le fils de Gusteau. C'est impossible ! C'est un coup monté, tout ça ! Le garçon est au courant ! Regardez-le faire semblant d'être un imbécile. Il joue avec mon esprit comme un chat avec une boule de... - Laine ? - Oui ! Il joue à l'idiot. - Il me torture avec ce rat. - Un rat ? Oui. Il complote avec lui. Il tente de me faire croire qu'il est important. - Le rat. - Exactement ! Le rat est-il important ? Bien sûr que non ! Mais il veut que je pense qu'il l'est. Je vois combien c'est théâtral. Un rat surgit à sa première soirée, je lui dis de le tuer. Et maintenant, il veut que je le voie partout. Il est ici ! Non, c'est faux, il est là ! J'imagine des choses ? Suis-je fou ? Y a-t-il un rat ou pas ? Mais, oh, non ! Je refuse de me laisser prendre à son petit jeu de... Devrais-je m'inquiéter ? De votre état ? Je ne peux pas le renvoyer. Il est populaire. Si je le renvoie, on demandera pourquoi. Je ne veux surtout pas attirer l'attention là-dessus. Qu'est-ce qui vous inquiète tant ? C'est bien qu'on parle de nous dans les grands titres, non ? Pas si c'est sa photo qu'on montre ! Chez Gusteau a un visage dodu, aimable et familier. BURRITOS POUR MICRO-ONDES GUSTEAU Et il vend des burritos ! Des millions de burritos ! La date limite est dans trois jours. Vous pourrez le renvoyer quand il ne vous sera plus utile et on n'en saura jamais rien. J'étais inquiet à propos de l'échantillon de cheveux. - Je l'ai renvoyé au labo. - Pourquoi ? La première fois, on m'a dit que c'était des poils de rongeur. - Non, non, non. - Quoi ? Essaie ça. C'est meilleur. Eh bien, parce que tu... Un rat ! Répugnantes petites créatures. Ça m'a rappelé combien tout était fragile. Comment le monde me voyait vraiment. Et ça allait de mieux en mieux. Rémy ! Salut, petit frère ! On avait peur que tu ne viennes pas. - Rémy ! Comment ça va ? - Tu leur as dit ? Émile, c'est en plein ce que je t'avais dit de ne pas faire ! Mais tu les connais. Ce sont mes amis. Je croyais pouvoir leur dire. Écoute, je suis navré. Ne me dis pas que tu es navré, dis-leur à eux. - Y a-t-il un problème ? - Non, rien. Attendez ici. C'est verrouillé ? - Rémy, que fais-tu ici ? - Bon. Émile s'est pointé avec... Je lui ai dit de ne pas faire ça. Et il est allé tout raconter... Oui, c'est un désastre. Ils ont faim, le garde-manger est verrouillé, je veux la clé. - Tu veux voler de la nourriture ? - Oui. Non ! C'est... C'est compliqué. C'est ma famille. Ils n'ont pas tes idéaux. Des idéaux ? Si monsieur avait des idéaux, crois-tu qu'il vendrait de la sauce barbecue ? - Ou des burritos pour micro-ondes ? - Des croquettes de poulet ? Français comme une saucisse sur bâton ! Bientôt en vente ! - Que de façons de vendre son âme. - Des bouchées de haggis ? Ils profanent mon image. - Je suis mort ! - Voulez-vous la fermer ? Réfléchissons. La nouvelle se répand. Si je ne les tiens pas tranquilles, tout le clan viendra la bouche grande ouverte. Et voilà. Testament de Gusteau Hé ! Ton testament ! - Intéressant. Puis-je... - Sans problème. Le chef Alfredo Linguini Demandez s'il y a du nouveau Linguini ? Pourquoi ces articles sont-ils rangés avec ton testament ? C'était mon bureau. RAPPORT DU TEST D'A.D.N. Cher M. Skinner, Je m'appelle Renata Linguini. Testament d'Auguste Gusteau Auguste et moi étions très proches. "Signé en présence de témoins" A. Gusteau Ne dites rien à Alfredo à tous les héritiers vivants Alfredo est le fils de Gusteau. Héritiers vivants - Linguini. Le fils de Gusteau. C'est ton fils ? - J'ai un fils ? - Comment pouvais-tu l'ignorer ? Je suis le produit de ton imagination. J'ignore les mêmes choses que toi. Ton fils est le propriétaire légitime de ce restaurant ! Non ! Non ! Le rat ! - Désolé, chef. - Le rat a volé mes documents ! - Il s'enfuit ! - Hé ! Monsieur le chef ! - Toi ! Hors de mon bureau. - C'est vous qui êtes dans son bureau. Santé, Linguini ! Santé, ja. - Chef ! Chef ! - Chef Linguini ! Vous êtes monté au sommet malgré votre manque de formation. Quel est votre secret ? Mon secret ? Voulez-vous connaître la vérité ? Je suis le fils de Gusteau. J'ai ça dans le sang. Mais vous ne le saviez pas jusqu'à tout récemment. Non. Et vous êtes alors devenu propriétaire du restaurant. Comment l'avez-vous appris ? Une partie de moi le savait intuitivement. Mon côté Gusteau ? - Où trouvez-vous votre inspiration ? - L'inspiration a bien des noms. - La mienne s'appelle Colette. - Quoi ? J'ai un truc pris dans les dents. Inspecteur sanitaire. Je veux rapporter une infestation de rats. Ils ont envahi mon... Le restaurant Chez Gusteau. Chez Gusteau, hein ? Je passerai. Voyons voir. Je suis libre dans trois mois. N'attendez pas ! C'est un resto gastronomique ! J'ai l'information. En cas d'annulation, j'irai. Mais le rat ! Vous devez ! Il a volé mes documents. - On a passé l'heure d'ouverture. - Il aurait dû finir il y a une heure. Bonjour, ma chérie. Joins-toi à nous. On parlait de mon inspiration. Oui, il l'appelle son petit chef. Pas ça, ma chère. Je parlais de toi. - C'est lui. - Ego ? Anton Ego ! C'est Ego ? Je n'arrive pas à y croire. - Êtes-vous M. Linguini ? - Bonjour. Excusez-moi d'interrompre votre célébration prématurée, mais je trouvais juste de vous laisser une chance puisque vous êtes nouveau à ce jeu. - Un jeu ? - Oui. Et vous jouiez sans adversaire. Ce qui, vous l'avez peut-être deviné, est contre les règles. Vous êtes Anton Ego. Vous êtes lent pour une étoile montante. Et vous êtes maigre pour quelqu'un qui aime la nourriture. Je n'aime pas la nourriture. Je l'adore. Si je n'adore pas, je n'avale pas. Je reviendrai demain soir avec des attentes élevées. Priez pour ne pas me décevoir. On ne veut pas être impolis, mais on est français et c'est le dîner. Elle veut dire : "C'est le dîner et on est français." Ne me regarde pas comme ça. Tu me distrayais devant les journalistes. Comment puis-je me concentrer quand tu me tires les cheveux ? Et autre chose. Il n'y a pas que ton opinion qui compte ici. Colette aussi sait cuisiner, tu sais. Bon, ça suffit ! Fais une pause, petit chef. Je ne suis pas ta marionnette, et tu n'es pas mon gars qui fait bouger la marionnette ! Le rat est le cuisinier. Calme-toi et réfléchis, petit chef. Ego s'en vient, et je dois me concentrer ! Espèce d'imbécile... Je n'avais jamais vu ça avant. Oui, comme si tu étais son petit lapin. Je suis désolé. Je sais qu'ils sont trop. - Je tente... - Tu sais ? Ça va. J'ai été égoïste. - Avez-vous faim ? - Tu veux rire ? Je vous offre le repas. On ira après la fermeture. - En fait... - Ouais. ...dis à papa d'inviter tout le clan. Petit chef ? Super, fiston. Un coup de l'intérieur. Ça me plaît. Petit chef ? Petit chef ? Salut, petit chef. Je te croyais rentré à l'appartement. Et comme tu n'étais pas là, je ne sais pas... Je trouvais dommage qu'on se laisse sur ce ton-là, alors... Écoute, je ne veux pas me disputer. J'ai subi beaucoup de pression, tu sais. Beaucoup a changé en peu de temps, tu vois ? Je suis devenu un Gusteau. Et si je ne suis pas un Gusteau, les gens seront déçus. C'est bizarre. Tu sais, je n'ai jamais déçu personne auparavant parce qu'on ne s'attendait à rien de moi. La seule raison pour laquelle on attend quelque chose de moi, c'est toi. Je n'ai pas été juste envers toi. Tu ne m'as jamais laissé tomber. Je ne dois pas l'oublier. Tu as été un bon ami. L'ami le plus honorable qu'on puisse désirer... Qu'est-ce que c'est ? Que se passe-t-il ? Hé... Tu... Tu voles de la nourriture ? Comment oses-tu ? Je croyais qu'on était amis ! Je te faisais confiance ! Sortez ! Toi et tous tes amis rats ! Ne revenez pas sinon je vous traiterai comme les restaurants traitent la vermine ! Tu as raison, papa. Qu'est-ce que je croyais ? On est ce qu'on est, c'est-à-dire des rats. Il partira bientôt, et tu sais comment entrer. Volez tout ce que vous voulez. - Tu ne viens pas ? - J'ai perdu l'appé***. Qu'est-ce qui vous plairait ce soir, monsieur ? Votre cœur rôti à la broche. Entrez ! C'est le grand jour. Tu devrais leur dire quelque chose. - Comme quoi ? - C'est toi le patron. Inspire-les. Votre attention, tout le monde. Ce soir est un grand soir. L'appé*** s'en vient, et il aura un gros ego. Je veux dire, Ego. Il s'en vient. Le critique. Et il va commander quelque chose. Quelque chose de notre menu. Et on devra le faire cuire, à moins que ce soit un plat froid. Tu ne peux pas laisser tomber, on dirait. Tu ne devrais pas être ici quand le resto est ouvert. C'est risqué. J'ai faim ! Je n'ai pas besoin de la nourriture qui est à l'intérieur. La clé, c'est de ne pas être difficile. - Regarde. - Non, attends ! - Oh, non ! Non ! Que faire ? - Je vais chercher papa. Tu te prends pour un chef, mais tu n'es toujours qu'un rat. Oui, il nous a fait perdre une étoile avec sa dernière critique. C'est probablement ce qui a tué... Papa. - Quelles mauvaises vibrations ! - Mais je dirai une chose... - Ego est ici. - Ego ? Il est arrivé ? Anton Ego est un client comme les autres. Cuisinons ! Oui ! Cuisinons... Bon. J'ai une entente simple en tête. Tu créeras pour moi une gamme d'aliments surgelés Chef Skinner. En retour, je ne te tuerai pas. Au revoir, rat ! Savez-vous ce qui vous plairait ce soir, monsieur ? Oui, je crois. Après avoir entendu beaucoup de balivernes sur le nouveau chef, savez-vous ce qui me fait envie ? Un peu de perspective. Une perspective fraîche, claire et bien assaisonnée. Connaissez-vous un bon vin pour accompagner ça ? - Accompagner quoi ? - La perspective. Il n'en reste pas ? Je... Très bien. Comme vous n'avez pas de perspective, et que personne d'autre en ville n'en a, je vous propose un marché. Servez-moi de la nourriture et j'offrirai ma perspective. Qui irait très bien avec une bouteille de Cheval Blanc 1947. J'ai bien peur que... Quel plat désirez-vous ? Dites au chef Linguini que je veux ce qu'il osera me servir. Qu'il me montre de quoi il est capable. Je prendrai la même chose que lui. - On a donc abandonné. - Pourquoi dis-tu ça ? On est dans une cage, dans un coffre d'auto, à attendre un avenir dans les produits surgelés. Non, c'est moi qui suis en cage. J'ai laissé tomber. Toi, tu es libre. Je suis seulement libre si tu imagines que je le suis. Tout comme toi. J'en ai assez de faire semblant. Je fais le rat pour papa. Je fais l'humain à travers Linguini. Je fais semblant que tu existes pour ne pas être seul ! Tu me dis des choses que je sais déjà ! Je sais qui je suis ! Pourquoi dois-tu me le répéter ? Pourquoi ai-je besoin de faire semblant ? Mais tu ne fais pas semblant, Rémy. Tu ne l'as jamais fait. Non ! Mon autre gauche ! Papa ? Papa, je suis là ! Je suis dans le coffre ! Qu'est-ce que... Papa ! - Salut, petit frère ! - Émile ! Je vous adore ! Où vas-tu ? Au restaurant. Ils échoueront sans moi. - En quoi ça te concerne ? - Je suis cuisinier ! C'est ta recette. Comment peux-tu ne pas connaître ta recette ? Je ne l'ai pas écrite. Ça m'était venu sur le coup. Que ça te revienne, alors ! Car ça, on ne peut pas le servir ! Où est ma commande ? Peut-on servir autre chose ? Pas de mon invention ? C'est ça, la commande. Qu'ils commandent autre chose. Dis qu'on n'en a plus. C'est impossible, on vient d'ouvrir. J'ai une autre idée. Si on servait ce qu'ils commandent ? On va tout préparer. Dis-nous comment faire. Je ne sais pas comment j'ai fait. Il faut dire quelque chose aux clients. Alors dis-leur... Dis-leur... - Ne fais pas ça. - Rémy. Rémy. Non ! Arrête ! Ils te verront. Arrête. Il n'est pas question de moi, mais de ce qu'on doit faire tout de... Des rats ! - Rémy ! - Mon couteau. N'y touchez pas ! Merci d'être revenu, petit chef. Je sais que c'est fou, mais... Eh bien, la vérité semble parfois folle. Mais ça ne veut pas dire que ce n'est pas la vérité. La vérité est que je n'ai aucun talent. Mais ce rat, c'est lui qui a créé les recettes. C'est lui, le vrai cuisinier. Il était caché sous ma toque. Il dirigeait mes mouvements. C'est à cause de lui que je prépare de la nourriture excitante. À cause de lui qu'Ego est là. Vous m'avez donné le crédit pour son talent. Je sais que c'est dur à croire. Mais vous avez cru que je savais cuisiner, pas vrai ? Écoutez, ça fonctionne. C'est fou, mais ça fonctionne. On peut devenir le meilleur restaurant de Paris, et ce rat, ce brillant petit chef, peut nous y mener. Qu'en dites-vous ? Êtes-vous avec moi ? Papa. Papa, je ne sais pas quoi dire. J'avais tort à propos de ton ami et de toi. Je ne veux pas que tu penses que je préfère ça à la famille. Je ne peux pas choisir entre deux parties de moi. Je ne parle pas de cuisine. Je parle de cran. Est-ce vraiment si important pour toi ? On n'est pas des cuisiniers, mais on est ta famille. Dis-nous ce qu'on doit faire, et on s'en occupera. Paris - Ministère de la Santé publique Inspecteur sanitaire, dist. 5 - Arrêtez cet inspecteur. - Équipe Delta, allez-y ! Vous autres, restez ici et aidez Rémy. LES EMPLOYÉS DOIVENT SE LAVER LES MAINS ! L'équipe trois s'occupe du poisson. La quatre, de la rôtisserie. La cinq, le grill. La six, les sauces. À vos postes. Allez-y ! Ceux touchant aux aliments marcheront sur deux pattes. Il nous faut des serveurs. Je suis désolé du retard, mais on est un peu à court ce soir. Prenez le temps qu'il faut. Il est encore rentré ***, et tout d'un coup il... Vérifiez que le steak est bien attendri. Allez. On bouge bien. Attention à la sole meunière. Moins de sel, plus de beurre. Seulement du fromage mimolette. Holà ! Monte la salade comme si tu peignais un tableau. Pas trop de vinaigrette dans la salade composée. Ne laisse pas le beurre blanc se séparer. Continue à fouetter. Poche les pétoncles doucement. Je goûte. Baissez les cuillères. Bien. Trop de sel. Bien. Ne fais pas bouillir le consommé, le faisan durcira, Émile ! Désolé. Colette, attends ! Colette. - Tu es revenue. Colette... - Pas un mot. Je risquerais de changer d'idée. Dis-moi juste ce que le rat veut préparer. De la ratatouille ? C'est une recette paysanne. Veux-tu vraiment servir ça à Ego ? Quoi ? Je fais de la ratatouille. Comment t'y prendrais-tu ? De la ratatouille ? C'est sûrement une blague. Non, c'est impossible. Qui a préparé cette ratatouille ? J'exige qu'on me le dise ! Je ne me rappelle pas la dernière fois où j'ai demandé à un serveur de présenter mes compliments au chef. Et me voilà dans la position extraordinaire d'avoir un serveur qui est le chef. Merci, mais je suis seulement votre serveur ce soir. Qui puis-je remercier pour le repas, alors ? Excusez-moi un instant. C'est donc vous, la chef. Pour voir le chef, vous devrez attendre que les autres clients soient partis. Qu'il en soit ainsi. Au départ, Ego croit que c'est une blague. Mais à mesure que Linguini raconte, le sourire d'Ego disparaît. Il ne réagit que pour poser quelques questions. Et quand l'histoire est terminée, Ego se lève, nous remercie... Merci pour le repas. ... et part sans un mot de plus. Le lendemain, sa critique est publiée. De bien des façons, le travail de critique est facile. On risque très peu, mais on jouit d'une position supérieure à ceux qui soumettent leur travail et leur être à notre jugement. On carbure à la critique négative, amusante à écrire et à lire. Mais en vérité, on sait que dans le grand ordre des choses, le déchet moyen est probablement plus significatif que notre critique qui déclare sa médiocrité. Mais à certains moments, un critique prend des risques concrets pour découvrir et défendre ce qui est innovateur. Le monde est souvent cruel envers les créations et le talent inédits. L'inédit a besoin d'amis. Hier soir, j'ai fait l'expérience d'une chose inédite, un repas extraordinaire préparé par une main inattendue. Dire que le repas et le cuisinier ont remis en question mes préjugés sur la gastronomie serait bien peu dire. Ils m'ont bouleversé complètement. Par le passé, je n'ai pas caché mon dédain pour la devise du chef Gusteau : "Tout le monde peut cuisiner." Ce n'est que maintenant que je comprends ce qu'il voulait dire. Tout le monde ne peut pas devenir un grand artiste, mais un grand artiste peut venir de n'importe où. Difficile d'imaginer de plus humbles origines que celles du génie qui cuisine maintenant chez Gusteau, qui est, selon l'opinion du présent critique, rien de moins que le plus grand chef de France. Je retournerai bientôt chez Gusteau, avide de plus. C'était une grande soirée. La plus heureuse de ma vie. La seule certitude dans la vie est l'imprévisible. On dut relâcher Skinner et l'inspecteur sanitaire, et bien sûr ils révélèrent tout. Peu importe la nourriture de qualité. Quand le public apprit pour les rats dans la cuisine, le restaurant dut fermer. Ego perdit son emploi et sa crédibilité. Mais ne vous inquiétez pas pour lui. Il se débrouille comme investisseur dans une petite entreprise. - Il a l'air très heureux. - Qu'en sais-tu ? Je dois y aller. L'heure de pointe du resto. Tu sais comment il aime ça. Merci, petit chef. Prendrez-vous un dessert ce soir ? - Vous savez bien que oui. - Qu'est-ce qui vous tente ? Surprenez-moi. Prendrez-vous un dessert ce soir ? Croyez-moi, l'histoire est meilleure quand je la raconte. Allez. De la nourriture par ici, on est affamés !